Qu’est-ce que l’inceste par ceci… cela… mais vu par moi

Tout au long des trois derniers articles, nous sommes restés la tête dans le guidon à causer de la proposition de loi (devenue officiellement loi depuis sa publication au JO) qui, entre autre chose fait entrer l’inceste sur mineur dans le code pénal avec ce merveilleux articles qui fait s’arracher les cheveux à de nombreux commentateurs :
Art. 222-31-1.
Les viols et les agressions sexuelles sont qualifiés d’incestueux lorsqu’ils sont commis au sein de la famille sur la personne d’un mineur par un ascendant, un frère, une sœur ou par toute autre personne, y compris s’il s’agit d’un concubin d’un membre de la famille, ayant sur la victime une autorité de droit ou de fait.
Donc, le législateur pose certaines bornes à sa définition :
l’inceste ne peut être qu’un viol ou une agression sexuelle
l’acte doit avoir lieu « au sein de la famille » ; ce qui suscite bien des interrogations quant à l’interprétation à donner. La victime est forcément mineur ; donc si votre père vous viole mais que vous êtes majeur, vous n’êtes pas concerné par ce texte.

L’auteur des faits ne peut être qu’ « un ascendant, un frère, une sœur ou par toute autre personne, y compris s’il s’agit d’un concubin d’un membre de la famille, ayant sur la victime une autorité de droit ou de fait « .

En l’absence d’autres éléments, l’auteur peut aussi bien être majeur que mineur la notion de personne ayant une autorité de droit ou de fait sur la victime permet d’élargir énormément le champ du texte ; reste toutefois à savoir comment cette condition jouera avec celle qui veut que les faits doivent être commis « au sein de la famille ».
Tout n’est qu’une question d’interprétation…
Mais laissons un petit peu de côté le droit pénal, la boulette des parlementaires et les commentaires qui vont avec…
Le code pénal a donc désormais, avec les lacunes apparentes ou un peu difficiles à déceler, sa définition de l’inceste…
Toutefois, il existe d’autres outils qui définissent différemment la notion…
Un peu de criminologie pour commencer,
Si j’en crois le cours que j’ai pris en note l’année dernière, il faut partir sur le chemin des crimes et délits sexuels (à ne pas entendre au sens que donne le code pénal français) qui contiennent différentes hypothèses :
• il peut d’abord s’agir d’actes sexuels dont le déroulement peut être considéré comme déviant, citons notamment des fixations sur des partenaires « inadéquats » (ex: les situations incestueuses, la pédophilie, la gérontophilie, …) ou des déformations de l’acte sexuel lorsque l’orgasme n’est obtenu que par des moyens de substitution ou de dérivation ou des substituts aux partenaires humains (parmi les plus connus la zoophilie)
• il peut aussi être question d’actes de la vie sexuelle se déroulant « normalement » mais susceptible de heurter la morale commune d’une société commune comme par exemple le proxénétisme ou la polygamie…
• les activités auto érotiques peuvent également être sanctionnées lorsqu’elles sont publiques
Le viol, toujours selon ce cours, semble occuper une place à part,
en effet, le caractère adéquat du partenaire est bien présent ; il y a, le plus souvent, une « normalité » de l’acte sexuel mais l’infraction réside dans le mode de conduite utilisé pour accomplir l’acte.
Les incestes et les relations incestueuses correspondent à une même classification criminologique qui renvoie plus ou moins à un viol intra-familial…
Il s’agit de relations sexuelles entre un père et sa fille ou son fils, entre une mère et son fils ou sa fille ou entre frères et soeurs…, on parle aussi d’inceste en présence d’un beau-père ou d’une belle-mère…, et parfois, on élargit un peu le cercle familial…
Mais, on voit tout de suite des différences entre la définition qui figure désormais dans le code pénal et celle-ci.
Les criminologues semblent distinguer trois types de « contextes criminogènes » :
1- l’inceste viol pédophile
2- l’inceste liaison, souvent le cas du père qui, petit à petit, remplace la mère par la fille ; il peut même y avoir parfois une soumission sexuelle passive de la part de la victime
3- les situations mixtes
Même si tout cela reste largement critiquable, cette approche a au moins le mérite de montrer la complexité du problème : il n’existe pas un seul type d’inceste, tout n’est pas tout blanc ou tout noir… Il n’y a pas d’un côté la pauvre victime et de l’autre le méchant coupable…
Et, qu’en dit le dico ?
Nombreuses sont les personnes qui m’ont répété : « quand tu ne sais pas quelque chose, commence par regarder dans le dico » comme si la vérité ne pouvait être ailleurs et que la lecture de quelques lignes allait m’aider…
Petit Larousse grand format 2005 (je n’en ai pas d’autre sous la main ; au passage, assez marrant (ou pas) de noter que le petit larousse est un grand format)
Inceste : n.m. (lat. incestus, de castus, chaste)
Relations sexuelles entre un homme et une femme lié par un degré de parenté entraînant la prohibition du mariage.
Il s’agit donc ici de relations sexuelles ; reste à savoir ce qu’il faut entendre par là.
le même ouvrage défini la relation comme le lien existant entre des choses ou des personnes.
Ce qui impliquerait donc un champ d’application beaucoup plus large que le viol ou l’agression sexuelle.
Avec cette définition, l’inceste ne semble pouvoir avoir lieu qu’entre un homme et une femme…
Sauf à considérer que les rédacteurs du dico n’ont pas connaissance de l’homosexualité (ce dont on peut raisonnablement douter étant donné que la notion figure quelques pages auparavant), il faut bien constater que, là en revanche, le champ d’application diminue.
Enfin, toujours en analysant cette définition, l’inceste aurait un lien avec la prohibition du mariage entre certaines personnes liés par un lien de parenté.
L’inceste, en tant que tel, ne peu avoir lieu qu’entre eux.
Mais qu’en est il ???
Code Civil 2010, articles 161 et suivants…
En ligne directe, le mariage est prohibé entre tous les ascendants et les alliés dans la même ligne directe.
En ligne collatérale, le mariage est prohibé entre le frère et la soeur mais également entre l’oncle et la nièce, la tante et le neveu.
Voilà, si on s’arrête à la définition donnée par le dico, les seuls cas d’inceste possible…
[..]
Bref, la question demeure : qu’est ce que l’inceste ?
Et, à en lire des commentaires ici et là, chacun semble avoir sa propre définition.
Pour lire la suite de l’article, cliquez sur le logo de ceci… cela— vu par moi…

LOI n° 2010-121 du 8 février 2010 tendant à inscrire l’inceste commis sur les mineurs dans le code pénal

JORF n°0033 du 9 février 2010 page 2265
texte n° 1

LOI n° 2010-121 du 8 février 2010 tendant à inscrire l’inceste commis sur les mineurs dans le code pénal et à améliorer la détection et la prise en charge des victimes d’actes incestueux (1)

NOR: JUSX0908032L

L’Assemblée nationale et le Sénat ont adopté,
Le Président de la République promulgue la loi dont la teneur suit :

TITRE IER : IDENTIFICATION ET ADAPTATION DU CODE PENAL A LA SPECIFICITE DE L’INCESTE


Article 1 En savoir plus sur cet article…

Le code pénal est ainsi modifié :

1° Après l’article 222-22, il est inséré un article 222-22-1 ainsi rédigé :

« Art. 222-22-1. – La contrainte prévue par le premier alinéa de l’article 222-22 peut être physique ou morale. La contrainte morale peut résulter de la différence d’âge existant entre une victime mineure et l’auteur des faits et de l’autorité de droit ou de fait que celui-ci exerce sur cette victime. » ;

2° La section 3 du chapitre II du titre II du livre II est ainsi modifiée :

a) Le paragraphe 2, intitulé : « Des autres agressions sexuelles », comprend les articles 222-27 à 222-31 ;
b) Le paragraphe 3, intitulé : « De l’inceste commis sur les mineurs », comprend deux articles 222-31-1 et 222-31-2 ainsi rédigés :
« Art. 222-31-1. – Les viols et les agressions sexuelles sont qualifiés d’incestueux lorsqu’ils sont commis au sein de la famille sur la personne d’un mineur par un ascendant, un frère, une sœur ou par toute autre personne, y compris s’il s’agit d’un concubin d’un membre de la famille, ayant sur la victime une autorité de droit ou de fait.
« Art. 222-31-2. – Lorsque le viol incestueux ou l’agression sexuelle incestueuse est commis contre un mineur par une personne titulaire sur celui-ci de l’autorité parentale, la juridiction de jugement doit se prononcer sur le retrait total ou partiel de cette autorité en application des articles 378 et 379-1 du code civil.
« Elle peut alors statuer sur le retrait de cette autorité en ce qu’elle concerne les frères et sœurs mineurs de la victime.
« Si les poursuites ont lieu devant la cour d’assises, celle-ci statue sur cette question sans l’assistance des jurés. » ;

c) Après le paragraphe 3, sont insérés deux paragraphes 4 et 5, intitulés : « De l’exhibition sexuelle et du harcèlement sexuel » et « Responsabilité pénale des personnes morales », qui comprennent respectivement les articles 222-32 et 222-33, et l’article 222-33-1 ;
3° Après l’article 227-27-1, sont insérés deux articles 227-27-2 et 227-27-3 ainsi rédigés :
« Art. 227-27-2. – Les infractions définies aux articles 227-25, 227-26 et 227-27 sont qualifiées d’incestueuses lorsqu’elles sont commises au sein de la famille sur la personne d’un mineur par un ascendant, un frère, une sœur ou par toute autre personne, y compris s’il s’agit d’un concubin d’un membre de la famille, ayant sur la victime une autorité de droit ou de fait.
« Art. 227-27-3. – Lorsque l’atteinte sexuelle incestueuse est commise par une personne titulaire de l’autorité parentale sur le mineur, la juridiction de jugement doit se prononcer sur le retrait total ou partiel de cette autorité en application des articles 378 et 379-1 du code civil.
« Elle peut alors statuer sur le retrait de cette autorité en ce qu’elle concerne les frères et sœurs mineurs de la victime.
« Si les poursuites ont lieu devant la cour d’assises, celle-ci statue sur cette question sans l’assistance des jurés. » ;
4° L’article 227-28-2 est abrogé
Article 2 En savoir plus sur cet article…
I. ― Le 4° de l’article 222-24 du code pénal est ainsi rédigé :
« 4° Lorsqu’il est commis par un ascendant ou par toute autre personne ayant sur la victime une autorité de droit ou de fait ; ».
II. ― Le 2° de l’article 222-28 du même code est ainsi rédigé :
« 2° Lorsqu’elle est commise par un ascendant ou par toute autre personne ayant sur la victime une autorité de droit ou de fait ; ».
III. ― Le 2° de l’article 222-30 du même code est ainsi rédigé :
« 2° Lorsqu’elle est commise par un ascendant ou par toute autre personne ayant sur la victime une autorité de droit ou de fait ; ».
IV. ― Le 1° de l’article 227-26 du même code est ainsi rédigé :
« 1° Lorsqu’elle est commise par un ascendant ou par toute autre personne ayant sur la victime une autorité de droit ou de fait ; ».
V. ― Le 1° de l’article 227-27 du même code est ainsi rédigé :
« 1° Lorsqu’elles sont commises par un ascendant ou par toute autre personne ayant sur la victime une autorité de droit ou de fait ; ».
VI. ― L’article 356 du code de procédure pénale est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« La qualification d’inceste prévue par les articles 222-31-1 et 227-27-2 du code pénal fait l’objet, s’il y a lieu, d’une question spécifique. »

TITRE II : PREVENTION
Article 3
I. ― L’article L. 121-1 du code de l’éducation est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Les écoles, les collèges et les lycées assurent une mission d’information sur les violences et une éducation à la sexualité. »
II. ― Au premier alinéa de l’article L. 542-3 du même code, après le mot : « maltraitée », sont insérés les mots : « , notamment sur les violences intrafamiliales à caractère sexuel, ».
III. ― Après la première phrase de l’article L. 542-1 du même code, il est inséré une phrase ainsi rédigée :
« Cette formation comporte un module pluridisciplinaire relatif aux infractions sexuelles à l’encontre des mineurs et leurs effets. »
Article 4
I. ― Le deuxième alinéa de l’article 43-11 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Elles assurent une mission d’information sur la santé et la sexualité. »
II. ― Après la deuxième phrase du premier alinéa de l’article 48 de la même loi, il est inséré une phrase ainsi rédigée :
« Il précise les conditions dans lesquelles les sociétés mentionnées à l’article 44 mettent en œuvre, dans des programmes spécifiques et à travers les œuvres de fiction qu’elles diffusent, leur mission d’information sur la santé et la sexualité définie à l’article 43-11. »

TITRE III : ACCOMPAGNEMENT DES VICTIMES

Article 5 En savoir plus sur cet article…
Le code de procédure pénale est ainsi modifié :
1° Au premier alinéa de l’article 2-3, après les mots : « personne d’un mineur », sont insérés les mots : « , y compris incestueuses, » ;

2° Après la première phrase du premier alinéa de l’article 706-50, il est inséré une phrase ainsi rédigée :
« Lorsque les faits sont qualifiés d’incestueux au sens des articles 222-31-1 ou 227-27-2 du code pénal, la désignation de l’administrateur ad hoc est obligatoire, sauf décision spécialement motivée du procureur de la République ou du juge d’instruction. »
Article 6
Le Gouvernement remet au Parlement, avant le 30 juin 2010, un rapport examinant les modalités d’amélioration de la prise en charge des soins, notamment psychologiques, des victimes d’infractions sexuelles au sein de la famille, en particulier dans le cadre de l’organisation de la médecine légale. Ce rapport examine les conditions de la mise en place de mesures de sensibilisation du public, et notamment des mesures d’éducation et de prévention à destination des enfants.
Article 7
I. ― La présente loi est applicable dans les îles Wallis et Futuna, en Polynésie française et en Nouvelle-Calédonie.
II.― L’article 4 de la présente loi est applicable dans les Terres australes et antarctiques françaises.
La présente loi sera exécutée comme loi de l’Etat.
Fait à Paris, le 8 février 2010.

Nicolas Sarkozy

Par le Président de la République :

Le Premier ministre,
François Fillon

La ministre d’Etat, garde des sceaux,
ministre de la justice et des libertés,
Michèle Alliot-Marie

Le ministre du travail, des relations sociales,
de la famille, de la solidarité
et de la ville,

Xavier Darcos
Le ministre de l’éducation nationale,

porte-parole du Gouvernement,
Luc Chatel

La ministre de la santé et des sports,
Roselyne Bachelot-Narquin

La secrétaire d’Etat
chargée de la famille et de la solidarité,
Nadine Morano

(1) Travaux préparatoires : loi n° 2010-121. Assemblée nationale : Proposition de loi n° 1538 ; Rapport de Mme Marie-Louise Fort, au nom de la commission des lois, n° 1601 ; Discussion et adoption après engagement de la procédure accélérée le 28 avril 2009 (TA n° 270). Sénat : Proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, n° 372 (2008-2009) ; Rapport de M. Laurent Béteille, au nom de la commission des lois, n° 465 (2008-2009) ; Texte de la commission n° 466 (2008-2009) ; Discussion et adoption le 30 juin 2009 (TA n° 103). Assemblée nationale : Proposition de loi, modifiée par le Sénat, n° 1789 ; Rapport de Mme Marie-Louise Fort, au nom de la commission des lois, n° 1840 ; Discussion et adoption le 26 janvier 2010 (TA n° 399).