Commentaire de Jacques Lecomte à La Justice réparatrice, ou comment pousser les victimes d’abus à pardonner à leur agresseur

11 juillet 2012
par Ceri

En france les victimes de viols sont méprisées, niées, bafouées. Pour illustrer ces propos, abordons seulement la situation des victimes d’Outreau. Combien sont à nouveau en contact avec leurs agresseurs ? Myriam Badaoui, jugée coupable de viols et de proxénétisme (entre autres) sur ses quatre enfants, est donc sortie de prison en septembre. Elle peut revoir ses enfants et leur bourrer le crâne de nouveau. Mais ce processus va se généraliser avec cette « justice réparatrice », qui consiste à pousser les vcitimes à pardonner aux coupables.
Que s’est empressée de faire Badaoui avant même de sortir de prison ? Tenter de reprendre contact avec Chérif, son fils aîné, et aussi avec les trois autres. Si les deux premiers refusent de la voir, le troisième est aujourd’hui en contact avec elle, bien que la Justice l’ait interdit. Quant au dernier, la juge d’application des peines a refusé que Badaoui le voit avant ses 18 ans. Aujourd’hui, au contraire, les services sociaux, avec l’aval de la Justice, favorisent le rapprochement de Badaoui avec ses deux plus jeunes enfants. Et miracle : il est désormais question de mettre sur pied une association pour dire que finalement, tout ou presque était faux dans ce qu’on dit les victimes, pourtant reconnues comme telles pour 12 d’entre elles.
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par Jacques Lecomte :
Je suis l’un des experts francophones de la psychologie positive. Voir ma présentation sur le site que j’ai créé, entièrement consacré à cette discipline : http://www.psychologie-positive.net/

Votre article fait largement référence à un rapport de l’association Arsinoe de 2011. En fait, il ne s’agit pas d’un rapport mais des actes d’un colloque. Mais passons, ceci n’est pas essentiel. Je suis bien placé pour en parler puisque j’étais l’un des conférenciers invités, le titre de mon intervention étant précisément : « La justice restauratrice au service de la reconstruction des victimes » (références ci-dessous).
Le problème est que vous n’avez pas lu ce livre et que vous n’en parlez qu’à partir d’informations de seconde main. Qu’est-ce qui me permet d’affirmer cela ? Tout d’abord, il n’y a dans ce livre aucun chapitre intitulé « Le pardon », contrairement à ce que vous affirmez.
Par ailleurs, vous écrivez : « On nous dit, sans évidemment citer aucune source, que grâce à la « justice réparatrice », « entre 80 et 100% des victimes se sentent vraiment prises en compte« . Alleluia. »
Vous vous trompez (et vous trompez vos lecteurs, ce qui est plus grave) puisque je fournis les références de multiples recherches effectuées dans ce domaine. Je vous conseille donc de lire ce que j’ai écrit, non des comptes-rendus de deuxième main. Je ne citerai ici que le passage auquel vous faites allusion, avec la référence scientifique : « 80 à 100 % des victimes déclarent être satisfaits du processus et de l’accord qui en a résulté et recommanderaient une médiation à d’autres victimes.
Umbreit M. S., Vos B. & Coates R. B. (2006). Restorative justice dialogue, Evidence-based practice, Center for Restorative justice & Peacemaking, University of Minnesota, p. 4.
Ce document d’Umbreit, Vos et Coates est d’ailleurs disponible sur Internet :
Par ailleurs, vous écrivez : « en obligeant la victime à revoir son agresseur et à lui pardonner, l’agresseur devient un « ex agresseur » et n’est plus susceptible de récidiver (on rêve !). »
Ce passage montre que vous connaissez mal la justice restauratrice. D’une part, il n’y a évidemment aucune obligation pour les victimes ; ne viennent en justice restauratrice que celles qui le souhaitent. Certes, il se peut que dans certains cas, des victimes aient été poussées à le faire, mais c’est alors une aberration ponctuelle, contraire aux principes de la justice restauratrice. D’autre part, le pardon n’est aucunement un objectif de la justice restauratrice. Celle-ci a pour premier objectif la reconstruction des victimes. Il est vrai que certaines victimes pardonnent à leur agresseur, mais c’est loin d’être une généralité, et lorsque c’est le cas, c’est un choix personnel de la victime, sans pression de la part de la justice.
Sur la question de la récidive, les faits sont là : les agresseurs passés par la justice restauratrice récidivent moins que ceux passés par la justice pénale, tout simplement parce que la rencontre avec leur victime leur a généralement fait mieux prendre conscience de la gravité de leur acte.
Je n’ai pas la place ici de détailler précisément les principes et le fonctionnement de la justice restauratrice et je renvoie donc à l’article en question, ainsi qu’à un autre plus complet, de ma plume également.
  Lecomte J. (2011). La justice restauratrice au service de la reconstruction des victimes, in Collectif, Inceste : après les blessures de l’intime, comment retrouver un chemin de vie ?, Actes des journées d’étude, 14 et 15 octobre 2011 à Angers, Chenillé-Changé, Arsinoe, pp. 160-167.
  Lecomte J. (2009). La justice restauratrice, in J. Lecomte (2009). Introduction à la psychologie positive, Paris, Dunod, pp. 257-270.
Je dirai cependant que si la justice restauratrice a été instaurée dans de nombreux pays, c’est précisément à la suite de l’insatisfaction des victimes vis-à-vis du système pénal traditionnel. Elles n’ont pratiquement pas la parole lors des procès (alors qu’elles l’ont très largement en justice restauratrice). Ceci est évidemment tout à fait à l’inverse du « négationnisme de la parole des victimes » auquel vous faites allusion. Ecrire qu’il s’agit d’une justice réparatrice « pour les agresseurs » est un non-sens total. Une attente majeure des victimes est que leur agresseur reconnaisse la souffrance qu’il leur a causée et qu’il leur demande pardon. Cette reconnaissance n’apparaît que rarement en justice pénale traditionnelle alors qu’elle est bien souvent exprimée en justice restauratrice, ce qui explique la différence de taux de satisfaction des victimes (au maximum 25 % de satisfaction en justice pénale, entre 80 et 100 % en justice restauratrice).
Dans ma conférence, j’ai cité l’exemple émouvant de Janet Bakke, abusée sexuellement par son beau-père dans sa jeunesse et qui dit à quel point la rencontre avec son agresseur emprisonné a été bénéfique pour elle, avec notamment ces propos : « mon plus grand regret a été d’aller au tribunal. J’y ai beaucoup perdu ; cela n’avait aucune valeur. (…) Ils m’ont offert (David et Sandy, qui travaillent au sein d’un programme de médiation victime-agresseur) quelque chose que j’avais souhaité toute ma vie : une occasion de rencontrer mon beau-père et de l’interroger sans qu’il puisse s’enfuir. L’écouter admettre vraiment la vérité a été l’un des moments les plus importants de ma vie. C’était la première fois qu’il reconnaissait vraiment qu’il avait fait ces choses. C’était la première fois qu’il ne m’appelait pas une petite salope menteuse. Cela a été une étape de guérison parce que j’avais besoin de lui dire à quel point il avait détruit ma vie. J’étais capable de lui faire face, et je n’avais plus peur de lui. »
Deux remarques pour finir :
  je crois qu’il faut éviter d’employer des expressions comme « négationnisme »  « mabouls de la psychologie », « invention débile ». Cela nuit à un débat serein.
  vous signez par le pseudo Ceri. J’ai cherché en vain votre nom sur votre blog. Je pense que l’anonymat n’est pas une attitude très honnête lorsqu’on aborde des sujets délicats, surtout sur le ton polémique qui est le vôtre.
Jacques Lecomte

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Quand victime et bourreau, d’une autre victime, se retrouvent

7 juillet 2012

Inspirée du Canada, l’idée de faire se rencontrer des victimes et des auteurs de crimes pourrait se développer en France
Par Jamila Aridj
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« Haine et vengeance » Inspirée du système canadien, cette justice dite « restaurative » repose sur le principe de substitution. À Poissy, durant cinq mois, trois parents de victimes ont fait face à trois auteurs de crimes semblables à ceux subis par leurs proches. L’objectif : la prise de conscience de la portée de leur geste pour les détenus, la possibilité de poser des questions pour les victimes et la lutte contre la récidive.
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Le programme n’aide pas la victime à comprendre le passage à l’acte, chaque cas étant particulier, mais il aide « la victime à arrêter de se torturer avec des questions qui n’auront peut-être jamais de réponses », note « Z », un des détenus qui a pris part aux rencontres. « Pendant vingt-deux ans, je m’étais arrangée avec moi-même sur des questions en suspens et qui revenaient régulièrement au détour d’un fait divers. Mais cette expérience m’a permis d’accepter que des questions restent à jamais sans réponse. Ça n’efface rien, mais c’est aujourd’hui une source d’apaisement », reconnaît Marie-José Boulay.

Du côté des détenus, si tous ne sont pas allés « au bout des choses », les échanges ont permis « une reconquête de l’estime de soi » et « une responsabilisation » des faits. Des succès qui peuvent amener à une resocialisation réussie, un premier barrage à la récidive. 
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