II/ Le viol selon Rennie Yotova

Page 14

Le viol est un meurtre, souvent sans cadavre. Ce meurtre ne conduit pas à l’extinction du corps, mais à son anéantissement. Les lésions peuvent être invisibles mais elles sont dans la plupart des cas irréparables. Quelqu’un a franchi la frontière du corps de l’autre, l’a violé et il est entré de cette façon dans son existence définitivement. Le corps violé a incorporé de façon indélébile la souillure et ne peut plus s’en défaire. On reste vivant, mais on porte à jamais une blessure en soi. La torture inflige une terrible souffrance au corps, mais elle peut mobiliser des forces morales de résistance pour prouver sa dignité humaine devant les bourreaux. Le viol enlève toute volonté de survie, l’être violé porte en soi un poignard ensanglanté qu’aucune opération chirurgicale ou traitement psychologique ne pourra enlever. Car le meurtre du viol n’est pas physique.

__________________________

Autres billets sur le livre de Rennie Yotova

I/ Ecrire le viol

III/ Fantasmes de viol dans la littérature

IV/ Fantasmes dans Le Voyeur d’Alain Robbe-Grillet

V/ Que devient un corps violé ?

*/ Le pardon

**/ L’indicible du viol

***/ Viol et violence à travers Virginie Despentes

****/ Métaphorique du viol chez Robbe-Grillet en l’associant à l’acte de l’écriture

*****/ Le viol de Magritte par Rennie Yotova

***** L’écriture peut donner un sens au viol par Rennie Yotova

4/ L’inceste avec violence, le viol incestueux dans Questions d’inceste

Page 39

Chaque cas est particulier et l’inceste entraîne toujours une perte de sens et une atteinte à l’identité en devenir de l’enfant, mais l’impact de la cruauté associée n’est pas univoque. Cette violence peut être à la fois un facteur d’aggravation comme un élément paradoxalement protecteur de l’enfant.

La barbarie et la brutalité peuvent entraîner une sidération du développement psychoaffectif de l’enfant et le river à un stade d’hébétude où l’identification à l’agresseur et au statut d’objet sexuel demeure la seule parade pour ne pas s’effondrer totalement.

Il est d’autres cas où la violence physique peut légitimer chez l’enfant des réactions de survie grâce à la haine et à l’éclosion des pulsions de mort et de vengeance contre le père clairement assimilé à un bourreau ennemi.

Les coups restent du domaine du représentable, de l’insupportable, mais du réel. Cet ancrage dans la réalité peut favoriser une plus grande distanciation par rapport à l’agresseur et réduire la culpabilité d’avoir participé à l’inceste qui englue l’enfant dans le secret de la perversion paternelle.

La haine du parent maltraitant est un rempart contre l’effondrement psychique permettant à l’enfant de se différencier de la folie du père. Pouvoir se représenter son géniteur comme fou permet sans doute plus d’autonomie pour s’en détacher, comme si la violence remettait un peu de sens là ou le parent a totalement perdu le sien. Les coups protégeraient de la folie comme un rempart de réalité à condition que l’enfant n’ait pas été tué avant.

____________________
Autres billets sur le livre Question d’inceste
1/ Questions d’inceste de G. Raimbault, P. Ayoun, L. Messardier
2/ L’inceste séducteur, le père avec la fille

3/ La pianiste de Michael Haneke

5/ Une conception réductrice de l’inceste

6/ La rupture du lien de filiation

7/ Les réactions au traumatisme

8/ La sidération et l’impossibilité de dire

9/ Ces mères qui n’ont pas réussi, ou pas voulu, ou pas su éviter l’inceste

10/ L’identité désorganisée des pères séducteurs
11/ Pourquoi les incestueurs en appellent-ils à l’insatisfaction conjugale ?

12/ L’interprétation du consentement par l’incestueur

13/ L’atteinte narcissique et la culpabilité pour la mère
14/ La valeur de la sanction pour l’agresseur et la victime

15/ La tragédie grecque et la littérature
16/ L’autonomisation
17/ Le devenir des pères agresseurs en prison

18/ Le pardon

19/ Anaïs Nin, un inceste choisi

20/ Deux sœurs dans les viols par inceste

21/ La recherche de sens – La valeur de l’écrit