15/ La dame de Shanghaï selon Barbara Leaming

Page 154

Quant au personnage d’Elsa, il rappelle par bien des côtés celle qui l’interprète.
Rita incarne en effet une « pauvre gamine » (selon les termes d’un autre protagoniste du film) mariée à un homme beaucoup plus âgé qu’elle, sorte de figure paternelle qui, comme Judson, la menace de révéler les noirs secrets de son passé.
Il est même question d’une mystérieuse lettre (écrite ici par le mari) qui raconte des choses qui pourraient la couler définitivement si elles étaient connues.
Comme Judson, son vieux mari la pousse dans les bras d’un autre homme et, pervers, encourage leur liaison.
Toutefois, l’écho le plus poignant de la réalité, c’est dans la relation entre les deux personnages principaux qu’il faut le chercher. « Arrête de pleurer. Je ne peux pas supporter de te voir pleurer », dit Michael à Elsa, nous rappelant le désespoir de Welles devant les larmes de Rita.
Et tout comme Welles, il lui promet de l’emmener avec lui loin de tout cela : « Je vais t’emmener dans un endroit où il n’y a pas d’espions », ces espions étant une allusion à Harry Cohn et à l’obsédante surveillance qu’il exerçait sur sa star.
Pourtant, un peu plus tard, Michael, toujours à l’image de Welles, semble avoir changé d’avis : « Veux-tu toujours m’emmener avec toi ? » demande-t-elle désespérée. Et la réponse ne tombe qu’au bout d’un long et pénible silence. 
« Pourquoi me poses-tu cette question ? dit-il, visiblement toujours aussi amoureux, mais soudain effrayé et hésitant. 
Arrête de me tourmenter. »
À un moment, elle paraît comprendre pourquoi il ne peut malgré tout son désir, la sauver : « Tu ne sais même pas prendre soin de toi-même, lui dit-elle, alors comment pourrais-tu t’occuper de moi ? »
Accablé par ses propres problèmes, Welles n’avait vu d’autre issue que de s’éloigner de Rita – comportement identique à celui qu’il avait eu à l’égard de son père alcoolique, au retour d’un voyage traumatisant en Chine, et qu’il se reprocha tout le restant de sa vie.
La même histoire se répétait avec Rita : pour se sauver il rejetait loin de lui quelqu’un qu’il aimait, le laissant seul face à ses démons. Que dans son esprit les deux trahisons aient été liées, on en trouve la preuve dans le film, où il situe le passé d’Elsa non au Mexique, mais en Chine, le lieu qu’il associait à la déchéance de son père.

Autres billets sur les larmes
Elle les laissaient approcher pour leur faire peur ensuite et noyer tout cela dans les larmes dans Interdits ordinaires

Orson Welles & Rita Hayworth
envoyé par vodeo. – Films courts et animations.
_________________________

Autres billets sur Rita Hayworth
1/ Livre – Rita Hayworth par Barbara Leaming
2/ Rita Hayworth par Barbara Leaming
3/ Rita Hayworth élevée sous l’emprise et les viols de son père
4/ Rita Hayworth demeurait une élève docile, anxieuse de plaire
5/ Rita Hayworth et sa mère face aux viols par inceste
6/ Rita Hayworth – Parfois elle ne pouvait s’empêcher de pleurer ouvertement devant les metteurs en scène et ses camarades de travail
7/ L’emprise : déjà à seize ans Rita Hayworth pensait sérieusement à se mettre entre les mains d’un protecteur d’un certain âge
8/ C’est ainsi que Rita Cansino devint Rita Hayworth, du nom de jeune fille de sa 
mère
9/ Tout en obéissant docilement aux ordres qu’on lui donnait, faisant exactement ce qu’on lui disait de faire, Rita Hayworth semblait s’éteindre
10/ Rita Hayworth fait preuve d’une assiduité et d’un amour du travail inhabituels
11/ Les tendances autodestructrices inconscientes qui trop souvent guidaient la conduite de Rita Hayworth
12/ Orson Welles & Rita Hayworth et l’alcoolisme
13/ L’image dévaluée qu’avait Rita Hayworth d’elle-même et son sentiment d’infériorité
14/ Ali Khan & Rita Hayworth et l’argent
15/ La dame de Shanghaï selon Barbara Leaming
16/ Rita Hayworth : être une personne mauvaise et méprisable

La Dame de Shanghai The Lady from Shanghai de Orson Welles avec Rita Hayworth
Rita Hayworth et la maladie d’Alzheimer

la Dame de Shanghai The Lady from Shanghai de Orson Welles avec Rita Hayworth

Drame d’Orson Welles,

avec Rita Hayworth (Elsa Bannister),
Orson Welles (Michael O’Hara),
Everett Sloane (Arthur Bannister),
Glenn Anders (George Grisby),
Ted De Corsia (Sidney Broome),
Gus Schilling (Goldie).
Scénario : Orson Welles, librement adapté du roman de Sherwood King If I Should Die Before I Wake Photographie : Charles Lawton Jr.
Décor : Stephen Goosson, Sturges Carne
Musique : Heinz
Roemheld
Montage : Viola Lawrence
Production : Columbia Pictures
Pays : États-Unis
Date de sortie : 1948 Durée : 1 h 27

Une étrange beauté

Orson Welles a sans doute tourné ce film, adapté d’un roman assez faible, avec l’idée de prouver à Hollywood qu’il était capable de faire un film à succès, en employant une star comme Rita Hayworth (laquelle était alors sa femme).

Le résultat fut loin de convaincre les studios. La Columbia, plutôt réservée, attendit de sortir Gilda de Charles Vidor, qui élèvera Hayworth au rang de star, avant de se risquer à exploiter le film de Welles…

Il n’en reste pas moins que la Dame de Shanghai est un beau film qui dégage une impression étrange, troublante, du fait de la relation tumultueuse entre les deux personnages principaux : un mélange d’amour et de manipulation.

Le récit doublé du commentaire en voix off ajoute beaucoup à l’étrangeté du film. Truffaut écrivait à ce sujet : « Si l’on regarde le film en écoutant les informations données par la voix off (le commentaire prononcé par Orson Welles), on s’aperçoit que le scénario est beaucoup plus simple qu’il n’en donne l’impression : toute l’histoire s’inscrit dans un itinéraire marin qui va de New York à San Francisco en passant par les Caraïbes et une escale à Acapulco ! L’écriture du script est très professionnelle, chaque scène se termine par un gag visuel ou sonore, l’action ne reste jamais en repos ».

On se souvient également de la composition des deux personnages secondaires : Everett Sloane qui joue le mari de Rita Hayworth, figure mêlant puissance et infirmité (il marche en s’aidant de deux cannes) et Glenn Anders qui, dans le rôle de George Grisby, est chargé de tendre un piège au naïf Michael O’Hara.

Pour lire le résumé, cliquez sur la photo
_________________________
Autres billets sur Rita Hayworth
1/ Livre – Rita Hayworth par Barbara Leaming
2/ Rita Hayworth par Barbara Leaming
3/ Rita Hayworth élevée sous l’emprise et les viols de son père
4/ Rita Hayworth demeurait une élève docile, anxieuse de plaire
5/ Rita Hayworth et sa mère face aux viols par inceste
6/ Rita Hayworth – Parfois elle ne pouvait s’empêcher de pleurer ouvertement devant les metteurs en scène et ses camarades de travail
7/ L’emprise : déjà à seize ans Rita Hayworth pensait sérieusement à se mettre entre les mains d’un protecteur d’un certain âge
8/ C’est ainsi que Rita Cansino devint Rita Hayworth, du nom de jeune fille de sa 
mère
9/ Tout en obéissant docilement aux ordres qu’on lui donnait, faisant exactement ce qu’on lui disait de faire, Rita Hayworth semblait s’éteindre
10/ Rita Hayworth fait preuve d’une assiduité et d’un amour du travail inhabituels
11/ Les tendances autodestructrices inconscientes qui trop souvent guidaient la conduite de Rita Hayworth
12/ Orson Welles & Rita Hayworth et l’alcoolisme
13/ L’image dévaluée qu’avait Rita Hayworth d’elle-même et son sentiment d’infériorité
14/ Ali Khan & Rita Hayworth et l’argent
15/ La dame de Shanghaï selon Barbara Leaming
16/ Rita Hayworth : être une personne mauvaise et méprisable

La Dame de Shanghai The Lady from Shanghai de Orson Welles avec Rita Hayworth