Film – Ken Park de de Larry Clark et Ed Lachman – 2002

avec Tiffany Limos, Stephen Jasso, James Ransone

par Serge Kaganski des Inrocks

Un regard à hauteur d’homme sur l’hypocrisie morale et la deshérence spirituelle de l’Amérique.
Ken Park n’est pas le nom d’un quartier, mais celui d’un adolescent qui se tire un jour une balle dans la tête, a priori sans raison valable de se suicider.
Le film ne va pas enquêter sur les motifs de ce suicide, mais dresser une sorte d’état des lieux au quotidien du quartier où vivait Ken Park, le genre d’enfer soft suintant l’ennui au point de pousser les moins solides à se flinguer.
Larry Clark s’attache plus particulièrement à suivre les journées de trois garçons et d’une jeune fille du coin. Ce qui est nouveau par rapport à Kids ou à Bully, c’est que l’on passe également du temps avec les parents de ces ados.
L’un des gars a des relations sexuelles avec la mère de sa petite copine.
Le deuxième gars est l’objet d’une pulsion de haine et de désir de la part de son père : quand celui-ci n’humilie pas son rejeton, il essaie de le peloter.
Le troisième est un solitaire, misanthrope et violent, qui ne supporte plus d’habiter avec ses grands-parents. Quand à la fille, elle est une fille modèle pour son religieux de père, une baiseuse inventive et passionnée pour son boyfriend. Quand le père les surprend au lit, il explose. Il est jaloux car sa fille ressemble tant à son épouse défunte qu’il en est amoureux.
Inceste à tous les étages, qu’il soit réel, symbolique ou fantasmatique. Ce que montrent Larry Clark et Ed Lachman, c’est que si la jeunesse est comme elle est (inculte, glandeuse, dépressive, suicidaire, en déshérence), c’est avant tout la faute aux parents, particulièrement aux pères.
Les jeunes sont le produit du monde que leur ont façonné leurs aînés. Et il y a en Amérique un mal, une faillite spirituelle, qui se transmet de génération en génération.

Pour lire la suite de l’article, cliquez sur l’affiche du film

Film – Diamond Hill – inceste frère sœur – Chinois

Diamond Hill
Hong Kong (English title)
Fa guang dan tou Hong Kong (Mandarin title)
Réalisateur :
Cheang Pou-Soi
Realease date :
9 November 2000 (Hong Kong)

La pureté d’un sentiment aussi puissant que l’amour qui unit une sœur à son frère semblait être une chose difficilement abordable cinématographiquement, jusqu’à Diamond Hill…

May et son frère sont deux enfants inséparables. Seuls après le suicide de leur père, ils se retrouvent placés en orphelinat, jusqu’au jour où la petite fille est adoptée par un couple. Séparée de son frère, elle va tout faire pour tenter de le garder près d’elle…

…par où commencer ?… Diamond Hill est une œuvre unique ; poème visuel d’une rare beauté, cet étrange conte filmé par Cheang Pou-Soi est peut-être l’un des plus beaux films hongkongais qu’il m’ait été donné de voir, de par sa simplicité d’une part, et de par son avant-gardisme graphique d’autre part. Mélangeant audacieusement – mais également pour des questions de budget – 35mm et Vidéo numérique, il nous entraîne dans un double univers, où passé et présent se mêlent dans un ballet onirique et réaliste à la fois, et où la fiction fantasmagorique semble côtoyer un quotidien qui n’est que trop « quotidien »…

…difficile de parler d’un film basé sur l’attente de deux enfants, sur un espoir nourri par un rêve commun ; l’espoir d’un amour concrétisé en une union parfaite… parfaite ? Non malheureusement, car l’enfance, état tristement (et volontairement) éphémère pour un trop grand nombre n’a pas sa place dans une société où le rêve a disparu. La recherche, ou plutôt la fabrication d’un monde parallèle, semble être le but de nos deux enfants affublés de leurs carcasses d’adultes, bien trop lourdes à porter, physiquement et psychologiquement parlant. Ces enfants qui vécurent jusqu’à leur « séparation » à Diamond Hill, y recherchent un diamant depuis leur plus jeune âge ; métaphore d’un bonheur difficile à trouver et pourtant si proche dans leurs esprits… un diamant, un morceau de verre ; quelle importance au fond, l’important étant de croire…

Quatrième des cinq films réalisés par Cheang Pou-Soi (Beach Girl /1999, Horror Hotline… Big Head Monster /2001) qui en est également le scénariste, Diamond Hill est donc un film non identifié au sein de l’industrie locale ; inclassable, émouvant, troublant, les adjectifs ne manquent pas pour le définir. Inutile de parler de la distribution, parfaite, y compris Carrie Ng (City on Fire, Gunmen, Naked Killer) dans le rôle inattendu de la mère adoptive de la jeune May… sans compter une musique envoûtante signée Tommy Wai Kai-Leung, à qui l’on doit notamment la partition de Time & Tide (Tsui Hark /2000).

Œuvre dure à bien des égards qui n’hésite pas à esquisser des sujets délicats (l’inceste ?), Diamond Hill reste malgré tout d’une grande pudeur, vis à vis des ses héros, mais également de ses spectateurs ; une pudeur qui ne fait qu’accentuer le côté lyrique du film, un lyrisme dépouillé, pour que n’en subsiste qu’une chose, la beauté formelle d’un sentiment pur…