Par contre, dans les années 1980 se développa aux États-Unis un phénomène baptisé le « syndrome des faux souvenirs ». Des pères furent accusés d’inceste par leurs filles devenues adultes, qui suivaient une « thérapie de la mémoire retrouvée » (TMR). En 1992, s’est créée aux États-Unis la False Memory Syndrome Foundation (FMSF). De nombreux chercheurs et professeurs d’université américains ont travaillé sur ce sujet. Avec dix ans de retard, ce phénomène s’est développé en France. L’association Alerte Faux Souvenirs Induits (AFSI) a été créée en 2005. Un site internet, Francefms, a été créé en 2000. Il a pris le nom de Psyfmfrance en 2008. Si aujourd’hui le phénomène a fortement régressé aux États-Unis, il continue à se développer en Europe et en France4.
Tout ceci a déclenché une controverse qui fait rage. On retrouve des cliniciens et des chercheurs des deux côtés de la barricade. L’American Psychiatric Association s’est dite particulièrement inquiète de la tournure de ce « débat passionné » qui pourrait discréditer le témoignage de personnes traumatisées par un abus sexuel. Certains psychanalystes américains ont également déploré ce «cirque médiatique » qui banalise une souffrance profonde présente depuis longtemps et qui risque de rendre certains cliniciens sceptiques face à ces souvenirs qui font surface après des décennies. Des chercheurs du Centre de traumatologie de la clinique Harvard, auraient aussi démontré l’existence de souvenirs corporels qui ne peuvent être falsifiés.
Si la manipulation possible de la mémoire par des psys adeptes de l’abus-sexuel-cause-de-tous-les-maux pourrait faire du tort, qu’en est-il de l’impact négatif que cette « mode » a pu et peut encore avoir sur les victimes aux vrais souvenirs occultés ? En effet, depuis deux décennies, il semblerait qu’on se soit plus préoccupé du sort réservé à ces victimes aux souvenirs possiblement implantés, de même qu’à, il va sans dire, leurs agresseurs injustement accusés, qu’à celui réservé aux vraies victimes aux souvenirs retrouvés. Les organisations professionnelles américaines ont sans aucun doute eu raison de s’inquiéter de cette mode. Et il est à espérer que les organisations européennes sonneront aussi l’alarme.
[1] Williams LM. Recall of Childhood Trauma : A prospective Study of Women’s Memories of Child Sexual Abuse. J Consult Clin Pharmacol 1994; 62 (6) : 1167-1176.
[2] Côté J. La Controverse sur les Fausses Mémoires (extrait du livre de Jean Côté, psychologue, intitulé La Thérapie par le Tunnel, pp. 52-64), Provirtuel et Jean Côté, 2001.
[3] Landsberg, M. L’Etiquette de Mémoire Fictive est Inventée par un Groupe de Pression (paru dans le Toronto Star du 13 novembre 1993). Canadian Association of Sexual Assault Centers (CASAC) / Association Canadienne des Centres Contre les Agressions à Caractère Sexuel (ACCCACS).
[4] Axelrad B. Faux souvenirs et thérapies de la mémoire retrouvée. Science et pseudo-sciences, no 285, avril-juin 2009. En ligne : http://www.pseudo-sciences.org/spip.php?article1049.
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