4/ Roland Coutenceau : Désordres relationnels et sexuels

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L’humiliation d’avoir subi l’emprise a également entraîné sa sexualité et son rapport à l’autre vers une tendance à la soumission à tonalité masochiste, avant que, longtemps après, elle ait pu s’en dégager. « Tu m’as provoqué, donc tu subis », lui dit en substance son père, reprenant la justification fallacieuse la plus fréquemment entendue chez les agresseurs sexuels, quel que soit leur objet, à la différence près que cette accusation, qui s’est inscrite dans la durée et a pu produire un véritable mode relationnel avec le père, a eu le temps de s’imprimer profondément, de se cristalliser dans le psychisme d’Ida, de déterminer un mode relationnel semblable avec les hommes, l’empêchant pendant longtemps de trouver sa liberté. Une relation incestueuse est obligatoirement une expérience sexuelle, marquante, traumatisante. Une relation incestueuse qui dure, transforme le mental de la victime en une façon d’être qui la constitue, en un « être-au-monde » dont il peut être difficile de sortir.

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R. C. – Je voudrais revenir sur ce que m’a appris l’écoute de beaucoup de victimes, en l’occurrence les variations que connaissent la nature, l’intensité, mais aussi la fréquence et la durée des signes du traumatisme clinique comme du traumatisme psychique. C’est véritablement stupéfiant. Les signes cliniques s’estompent chez certaines victimes en quelques semaines après le dévoilement, une fois que le père a été mis en prison, que l’enfant a été rassuré, alors qu’ils vont durer pendant des mois, voire des années, chez d’autres. Le retentissement psychique, qu’il est plus intéressant d’élucider, est souvent plus tenace, mais diffère aussi d’un sujet à l’autre. Je parle d’évolution spontanée, en dehors de toute thérapie, et pour le même type de phénomène incestueux, car, bien sûr, il faut comparer ce qui est comparable. Un inceste qui s’est produit une fois a nécessairement un impact différent d’un inceste qui a duré des années et a nourri pendant ce temps une forte désorganisation psychique. Cela est éminemment intéressant pour la suite, pour la compréhension et l’aide aux victimes.

Pour ce qui est de la vie affective et sexuelle des adolescents et des adultes, les conséquences de l’inceste sont aussi très variables : certaines victimes n’ont aucune difficulté, tandis que d’autres ont une inhibition sexuelle, globale ou partielle, des blocages précis, des troubles du désir, une anorgasmie, une inappétence sexuelle ; certaines ressentent un malaise vague au moment des relations, d’autres se réfugient dans l’abstinence.

La sexualité, dans ses aspects physiques comme imaginaires, fantasmatiques, n’est toutefois qu’un reflet de la relation à l’autre, et celle-ci peut être grandement perturbée. Des victimes multiplient les échecs amoureux, d’autres plongent dans des histoires de couple bancales, ou vont de bras en bras, s’installant dans une sexualité désordonnée, banalisée, d’autres encore font le choix de la solitude. Et puis, on en rencontre qui sont étonnamment épanouies et auront, souvent très jeunes, des expériences amoureuses et

sexuelles accomplies, créatives.
Il arrive parfois, longtemps après les faits, après une période sans trouble apparent, que le mal-être prenne des formes diverses, semble s’atténuer pour réapparaître sous la forme de troubles psychosomatiques ou comportementaux, de difficultés sexuelles ou relationnelles, de troubles du sommeil ou de l’appétit, d’une dépression. Dans ces cas, la victime ne fait pas toujours le lien avec le traumatisme incestueux, et c’est la prise en charge psychothérapique qui, faisant disparaître les troubles, révélera leur origine.

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Voir aussi les billets concernant le livre de Roland Coutanceau :
1/ Vivre après l’inceste : Haïr ou pardonner
2/Peut-on pardonner ?
3/ Un silence difficile à rompre

5/ Le père incestueux
*/ L’enfant investi d’une sorte de mission
6/ Les milieux sociaux et culturels
7/ Quelques conséquences sur les survivantes
8/Le dévoilement
9/ Trois profils des pères incestueux
10/ Les mères

Conséquences psychique de la prostitution par Judith Trinquart

article publié le 23/10/2002

auteur-e(s) : Trinquart Judith

Les notions fondamentales en matière de sexualité sont celles de désir, de plaisir et de partage, conséquent de la bilatéralité de la relation. Dans la situation prostitutionnelle, ces notions se trouvent complètement perverties, et la notion de bilatéralité de l’échange disparaît totalement. La situation prostitutionnelle n’est donc pas un échange ou une relation à caractère humain, pas plus qu’une forme de sexualité.

Le fait de subir ces rapports sexuels de manière répétitive et non désirée entraîne une dissociation psychique afin de pouvoir départager les deux univers de la personne, et surtout protéger le domaine privé des atteintes vécues dans le domaine prostitutionnel en se coupant de ce qui est éprouvé dans ce dernier. Celui-ci est totalement factice : c’est une situation simulant une relation humaine mais où tout est artificiel ; les sentiments et les émotions n’existent pas, ils sont refoulés car considérés comme des obstacles par l’acheteur de services sexuels.

L’absence de tout affect humain (autre que négatif, tel que mépris de la personnalité, déni de ses désirs, ignorance de son identité humaine, assimilation à un objet sexuel totalement soumis, en résumé tout ce qui fait le caractère humain unique d’une personne est nié et doit disparaître au bénéfice du rapport strictement commercial) est extrêmement destructeur pour toute personne vivant cette situation.

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