Aurore a été vendue à des hommes dès l’âge de 6 ans : « On est en état de mort psychique quand on est violée »

Logo-RTL-info14 février 2016
Dans l’émission C’est pas tous les jours dimanche, nos invités et chroniqueurs sont revenus sur la sortie du ministre de la Justice Koen Geens cette semaine. Suite à la suspension du prononcé dont a bénéficié la semaine dernière un animateur radio gantois reconnu coupable de viol, il a proposé de supprimer cette mesure de faveur pour les violeurs. Pour rappel, s’ils bénéficient de cette suspension du prononcé, ils sont reconnus coupables, doivent indemniser leur victime, mais n’ont pas de peine de prison à effectuer et surtout, leur casier judiciaire reste vierge.

Vendue à des hommes dès l’âge de 6 ans

Sur le plateau était invitée Aurore Van Opstal, aujourd’hui journaliste au Monde Diplomatique. Cette jeune femme originaire de Charleroi est 100% d’accord avec le ministre. Le fait que certains violeurs bénéficient aujourd’hui de ce type de mesure de clémence, « ça me scandalise en tant que victime », explique-t-elle.

Car elle-même a été victime de viols, durant son enfance à Charleroi. Sa mère l’a vendue à des hommes pour gagner de l’argent. « Ça a duré de 6 à 12 ans. Elle me disait ‘vas dire bonjour au monsieur’ et ça voulait dire aller dans les toilettes dans des bars glauques de la Ville-Basse. J’ai été violée pendant près de 6 ans. J’avais un peu moins de 12 ans quand j’ai fait une fugue », qui a marqué la fin de son calvaire, du moins physique. Car dans la tête, une victime de viol ne sera jamais plus la même.

Ce que ressent une victime de viol :

« Je voudrais dire qu’on est en état de mort psychique quand on a été violée. On est dissociée. Au moment du viol on est tellement tétanisée qu’on ne sait plus quoi faire. On reste sans voix. Et alors il faut que les policiers, les professionnels de la justice et de la santé comprennent que quand ils voient une femme violée en face d’eux qui n’a pas d’émotions, ou qui ne se rappelle plus du lieu ou de comment ça s’est passé, c’est parce qu’il y a des mécanismes neurobiologiques et le cerveau fonctionne de manière telle qu’effectivement, on est là, mais on ne sait plus quoi dire. C’est comme si on assistait à la scène. On se dissocie de notre corps pour survivre. Le docteur Muriel Salmona a écrit un livre qui s’appelle Le livre noir des violences sexuelles, où elle explique ça très bien. »

« Qu’on arrête de faire passer les viols entre une fraude fiscale et un accident de voiture ! »

Voilà pourquoi elle milite aujourd’hui pour que le viol, qui est considéré comme un crime en Belgique, soit toujours jugé devant une cour d’assises. Aujourd’hui, sans même parler de la suspension du prononcé qui est possible, certains cas de viol sont rétrogradés et ne sont donc pas jugés devant une cour d’assises. Et la réforme de la Justice dite « pot-pourri II » va faire en sorte que ça soit encore beaucoup plus souvent le cas. « Il faut savoir que c’est souvent dans la famille, souvent un ami, et on se bat pour que ce ne soit plus correctionnalisé, que ça passe en cour d’assises parce que c’est un crime. Qu’on arrête de faire passer les viols entre une fraude fiscale et un accident de voiture ! »

« Depuis que j’ai été interrogée par Le Soir, j’ai reçu plein de témoignages sur Facebook. Une femme qui s’appelle Séverine. Elle m’a écrit un truc, j’étais scandalisée, elle est tombée dans la drogue, elle a fait des tentatives de suicide. Moi-même j’en ai fait. On nous enlève une partie de notre âme, c’est horrible. Après on est obligées, pour se dissocier de notre corps, d’aller vers des conduites dangereuses, vers des hommes qui nous réduisent à des objets sexuels. On est marqués à vie, au fer rouge. Donc c’est un crime et ça doit être condamné à hauteur des crimes. »

Elle est rejointe dans son combat par la députée bruxelloise MR Viviane Teitelbaum : « Il n’y a pas de suspension du prononcé pour meurtre, pourquoi est-ce qu’il y en aurait pour le viol qui est un crime aussi ? »

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Aurore a été vendue à des hommes dès l’âge de 6 ans: « On est en état de mort psychique quand on est violée »

Non, le violeur type n’a pas 34 ans et n’est pas de nationalité étrangère par Emmanuelle Piet

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22/01/2016

En se basant sur les plaintes pour viol déposées à Paris, l’Observatoire national de la délinquance dresse un portrait-robot de l’agresseur-type. Mais seules 10% des victimes portent plainte, ce qui peut faire douter de la représentativité de cette étude. Explications avec Emmanuelle Piet, présidente du collectif féministe contre le viol.

34 ans, de nationalité étrangère et sans emploi dans près d’un cas sur deux. C’est le portrait-robot du violeur type à Paris qui ressort d’une étude publiée ce vendredi par l’Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales. L’ONDRP s’est basé sur les 688 viols déclarés à Paris en 2013 et 2014 alors qu’on estime chaque année qu’environ 84 000 femmes âgées de 18 à 75 ans sont violées ou victimes de tentatives de viol. Quelles conclusions tirer de cette étude ? Éclairage avec le docteur Emmanuelle Piet, présidente du collectif féministe contre le viol.

Le portrait-robot du violeur type et de sa victime vous semble-t-il pertinent ? 

Emmanuelle Piet : Le problème est qu’il y a un énorme biais. Ces conclusions se basent uniquement sur les statistiques de personnes ayant porté plainte. Or, on sait que seules 10% des victimes font cette démarche. C’est donc uniquement le portrait du violeur contre lequel une plainte a été déposée.

Y a-t-il justement un profil type ? 

Dans les statistiques déclaratives dont nous disposons, les violeurs ont entre 11 et 99 ans, sont issus de tous les milieux sociaux et agissent aussi bien le jour que la nuit. Avec une spécificité, dans 90% des cas, l’agression a lieu au domicile. 86% des victimes connaissent leur agresseur: c’est leur patron, leur voisin, leur collègue, leur frère, leur ami ou même leur mari ou petit copain. Quand c’est un proche, un membre de la famille, c’est plus compliqué d’en parler et de se tourner vers la justice. Il y a moins d’enjeu lorsque c’est un inconnu.

Toujours selon cette étude, dans la moitié des cas la victime était intoxiquée, très majoritairement à l’alcool. Est-ce un fait établi hors plaintes ? 

Cela arrive mais assez souvent l’alcool a été fourni par l’agresseur. Ou, dans le cas de victimes de viol à répétitions, certaines ont besoin de boire pour oublier. Dans ce cas, l’alcool est une complication liée aux violences subies. Le problème, lorsque l’on dit que les victimes étaient sous l’emprise de l’alcool, c’est la culpabilisation induite : « Elle n’avait qu’à pas boire, ce ne serait pas arrivé. » C’est contre ce genre de stéréotypes que nous luttons. D’ailleurs, l’alcool est un facteur aggravant : comment peut-on parler de consentement dans le cas d’une personne à peine consciente ?

En aucun cas, ces femmes n’y sont pour quelque chose. Jamais une victime n’est responsable de ce qui lui arrive. Ce n’est pas parce qu’elle portait une mini-jupe dans une ruelle sombre qu’elle s’est faite violer (c’est quoi ce français : elle a été violée, note de Aoa). C’est uniquement la faute de son agresseur. (Et puis ce n’est pas son agresseur, on doit justement les décoller, c’est l’agresseur, note de Aoa).

(Tant qu’on ne changera pas notre langage en France, reflet de nos idées reçues, on ne changera rien, note de Aoa)

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