« Il faut politiser le viol pour le combattre » par Clémentine Autain

14-11-2011
Propos recueillis par Marine Desseigne
Clémentine AUTAIN, féministe et militante de la gauche de transformation sociale, vient de publier un livre et participe à Montpellier à un débat sur les femmes engagées.
Figure du féminisme et de la gauche de transformation sociale, Clémentine Autain a été violée à l’âge de 22 ans. Si elle a longtemps occulté cet acte fondateur de son militantisme, elle publie aujourd’hui un livre sur le sujet aux éditions Indigènes. Dans Un beau jour… Combattre le viol, elle décrypte le mécanisme de domination masculine qui conduit aux violences contre les femmes.
Qu’est ce qui vous a poussé à parler de votre viol ?
« Je ne voulais plus faire le jeu des violeurs. J’avais besoin d’être en cohérence avec moi-même. Le silence est le meilleur allié de cet acte de domination d’un sexe sur l’autre. C’est l’affaire DSK qui m’a donné envie d’écrire un livre pour dire ce qu’est un viol car j’ai eu vraiment le sentiment que la société ne comprenait rien au phénomène de sidération, à l’ampleur des conséquences sur les victimes et au besoin de parler des femmes. A leur besoin d’être entendues et comprises.
Aujourd’hui, le fait de parler du viol est difficile ?
Ça ne se fait pas. C’est un tabou. On peut raconter entre amis dans un dîner qu’on a été victime d’un attentat, qu’on a perdu un proche, qu’on a un cancer. Ce sont des traumatismes qu’on peut évoquer. En revanche, on ne raconte pas un viol, parce que ça touche à la sexualité et qu’il y a toujours une suspicion à l’égard de la victime.
L’affaire DSK a-t-elle été un tournant ?
Il y a eu une libération de la parole. De toutes les paroles. Des propos sexistes ont aussi été déversés. Mais on a mis la question du viol dans le débat public. C’est devenu un sujet de conflictualité politique et je veux croire que ce sera bénéfique pour les femmes. C’est en politisant cette question qu’on peut combattre le viol. Si on reste dans une analyse où ce sont juste des malades mentaux qui violent des pauvres filles, on ne comprend rien à ce que c’est et on ne peut pas déconstruire tout le processus de la domination masculine.
La crainte c’est qu’on referme le couvercle sur l’affaire DSK. Ce livre est là aussi pour prolonger le débat et dire qu’il y a besoin de beaucoup de volonté politique pour combattre le viol. Et j’espère que ce sera au cœur de la présidentielle.
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"Depuis l’affaire DSK, la parole des victimes s’est libérée" par Suzy Rojtman

04-11-11
par Claire Fleury
Interview de Suzy Rojtman, co-fondatrice du Collectif national pour les droits des femmes (CNDF)
Une manifestation contre les violences faites aux femmes se tient ce samedi à Paris. Interview de la co-fondatrice du Collectif national pour les droits des femmes.
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La manifestation est organisée quelques mois après l’affaire DSK…
– Toutes les féministes ont été scotchées par les réactions d’un sexisme complètement décomplexé au moment de la première affaire DSK impliquant Nafissatou Diallo. « Il n’y a pas mort d’homme », « troussage de domestique »…
Cela fait quarante ans que les mouvements féministes luttent contre les violences faites aux femmes. On pensait que les mentalités avaient un peu évolué. Et bien, pas du tout ! Quel choc ! Et en plus, venant des élites ! Puis, il y a eu la remise en cause de la parole de Nafissatou Diallo. A ce moment-là, paradoxalement, les associations féministes ont reçu plus d’appels de femmes qui voulaient attester de violences qu’elles avaient subies. La première affaire DSK a libéré la parole des victimes.

Vous dites « les affaires DSK »…
– La deuxième affaire DSK, celle concernant Tristane Banon, a été classée sans suite.
Rappelons que sa plainte pour tentative de viol [crime prescrit au bout de dix ans] a été requalifiée en agression sexuelle, délit prescrit au bout de trois ans. Les féministes sont les seules à comprendre pourquoi elle a attendu huit ans pour porter plainte. La justice voudrait des victimes parfaites, qui courent au commissariat après l’agression. Mais ça n’existe pas ! C’est pourquoi nous réclamons un vrai changement, avec une « loi-cadre ».

Comme en Espagne, il faut des tribunaux contre les violences faites aux femmes, avec des magistrats qui ont des compétences civiles et pénales. Aujourd’hui, des femmes victimes de violence de la part de leur conjoint – des affaires se réglant au pénal – se voient retirer la garde de leurs enfants au profit de leur agresseur, eu civil !
Enfin il y a eu l’affaire du Carlton [un réseau de proxénétisme présumé dans un palace de Lille,
NDRL]. Ce n’est pas illicite de faire appel à des prostituées mais maintenant plus personne ne soutient DSK.

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