Assemblée nationale – Inceste – Compte rendu intégral 26 janvier 2010

Assemblée nationale
XIIIe législature
Session ordinaire de 2009-2010
Compte rendu intégral
Deuxième séance du mardi 26 janvier 2010

7. Lutte contre l’inceste sur les mineurs

M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d’État à la justice

Mme Marie-Louise Fort, rapporteure de la de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République

Discussion générale

M. Michel Vaxès

M. Philippe Vigier

M. Paul Jeanneteau

Mme George Pau-Langevin

Mme Henriette Martinez

Articles 1er, 2, 4, 6 bis, 7 et 7 bis

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M. le président.
Dans la discussion générale, la parole est à M. Michel Vaxès.
M. Michel Vaxès.

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, madame la rapporteure, chers collègues,

lors de l’examen en première lecture de cette proposition de loi, nous avions dit combien il était essentiel, sur un sujet qui touche à l’innommable, l’inceste, de veiller à ce que l’émotion ne prenne pas le pas sur la raison. Nous avions ainsi rappelé que, si notre droit pénal ignore la qualification d’inceste – tout comme d’ailleurs le droit civil, qui ne le connaît que par les empêchements à mariage –, il le sanctionne néanmoins spécifiquement.
Dès lors que le texte qui nous était présenté se proposait simplement d’inscrire symboliquement l’inceste dans le code pénal, afin de l’identifier et de l’isoler comme tel dans notre droit, nous nous étions interrogés sur l’apport d’une telle disposition pour les victimes de viol, d’agression sexuelle ou d’atteinte sexuelle à caractère incestueux. Nous posions cette question sans provocation aucune, car il nous semblait indispensable, dans le souci d’une bonne construction juridique, de ne pas aboutir au simple affichage de notre répugnance instinctive à l’égard de l’inceste.
Nous avons entendu les arguments selon lesquels il est important pour les victimes de pouvoir nommer l’acte subi. Cependant, et nous avions insisté sur ce point, en visant à qualifier juridiquement l’inceste, cette proposition de loi risquait d’engendrer des inégalités de traitement entre les membres d’une même famille ou entre les mineurs victimes.
Pour illustrer ce point, j’avais pris deux exemples, que je me permets de rappeler car la question se pose toujours avec la même acuité en deuxième lecture. Le premier tenait à la distinction faite entre une adolescente mineure de dix-sept ans et une majeure de dix-huit ans, toutes deux victimes d’un père incestueux. Dans les deux cas, il s’agit d’un inceste.
Pourtant, en vertu de ce texte, les faits seraient qualifiés d’inceste pour la première et pas pour la seconde.
Si nous sommes dans l’importance du « dit », je ne comprends pas pourquoi l’inceste serait nommé par notre droit pénal dans un cas et pas dans l’autre. Mme la rapporteure m’avait alors répondu qu’il n’y avait pas là matière à discussion. Précisément si, puisque l’intérêt essentiel de cette proposition de loi serait à rechercher dans l’ordre du symbole.
Or, sa définition de l’inceste est totalement déformée, puisqu’elle se réduit aux actes subis par des mineurs.
J’avais ensuite souligné la distinction qui serait faite entre un mineur victime d’une personne proche, voire très proche, de l’entourage familial, investie de la confiance et de l’affection de l’enfant, et un mineur victime d’un membre de la famille qu’il ne connaît que très peu ou pas du tout. Pourquoi, dans le premier cas, serait-il, au plan juridique, « simplement » victime d’une agression sexuelle, et non d’un inceste ? Pensez-vous vraiment que la première agression est moins traumatisante, moins incestueuse que la seconde ? Cette hiérarchisation de la douleur, de la souffrance et de sa reconnaissance est difficilement concevable.
Dans bien des cas, en effet, les conséquences psychologiques d’un viol ou d’une agression sexuelle sur mineur peuvent être tout aussi dramatiques que dans les cas ainsi juridiquement qualifiés d’incestueux. La dimension sociale de l’inceste ne méritait pas d’être ainsi ignorée. Comme de nombreux professionnels, nous devrions tous, ici, avoir la conviction que le crime d’inceste n’est pas seulement l’abus sexuel commis par une personne de la même famille, mais qu’il doit aussi désigner l’ensemble des agressions sexuelles perpétrées sur un enfant par des adultes qui, sous quelle que forme que ce soit, auraient autorité sur lui. La limitation du crime d’inceste à la famille ignore, en effet, l’état de complète dépendance de l’enfant vis-à-vis des proximités affectives que ses propres parents ont créées autour de lui et dont ils ont façonné les frontières.
Au reste, la volonté d’élaborer à tout prix une définition de l’inceste s’exposait nécessairement aux critiques. Pourquoi, par exemple, avoir omis de mentionner les cousins ? La nouvelle rédaction proposée par le Sénat corrige cet oubli, mais elle n’empêche pas de créer des incohérences, voire des absurdités.
Ainsi seront concernés par la définition proposée les actes commis par des personnes – beau-père, belle-mère, beau-frère – qui n’ont pas avec la victime un lien de parenté interdisant le mariage. Sera donc qualifiée d’incestueuse, puisqu’elle sera nécessairement contrainte, la relation entre un homme et sa belle-fille de dix-sept ans et demi. Pourtant, six mois plus tard, il pourra vivre avec elle, voire l’épouser, en toute légalité.
C’est la preuve qu’il est pour le moins imprudent de prétendre donner en quelques mots, forcément réducteurs, une définition juridique de l’inceste.
Les définitions successives de l’acte incestueux proposées par Mme la rapporteure, notre assemblée, le Sénat, puis le Gouvernement, suffisent à prouver l’embarras de celui qui tente de donner une définition juridique cohérente.
Je persiste donc dans mon questionnement : n’est-il pas permis de se demander si nos codes civil et pénal n’ont pas eu raison de ne pas parler de l’inceste ?
Comme le dit très justement l’Association de thérapie familiale systémique, « la notion d’inceste est une notion qui appartient au vocabulaire des sciences humaines et qui ne peut passer sans dommage dans le vocabulaire juridique. L’inceste est un “tabou” d’ordre moral. Le ramener à un simple interdit légal revient à en diminuer considérablement la portée. »
Le tabou de l’inceste est tel qu’il se situe à un niveau supérieur à la loi, laquelle réprime déjà clairement les actes incestueux sur mineurs dans le code pénal. Quant à La Voix de l’enfant, association fédérative pour l’aide à l’enfance en détresse ayant pour but l’écoute et la défense de tout enfant en détresse quel qu’il soit et où qu’il soit, elle n’est pas non plus favorable à la proposition de loi. Cette association reconnue pour son sérieux et son travail auprès des enfants estime en effet que « le droit protège déjà les victimes et réprime sévèrement l’inceste par la qualification de circonstances aggravantes. Il apparaît donc que l’insertion de ces articles dans le code pénal est superfétatoire. »
Cela étant, et au-delà de l’inscription de l’inceste dans le code pénal, les agressions sexuelles sur mineurs sont dramatiques et leurs conséquences souvent irrémédiables. C’est pourquoi il nous faut non seulement les sanctionner, mais aussi et surtout les prévenir et, lorsqu’elles se sont, hélas, produites, bien traiter les troubles qu’elles ont générés. C’est sur ce point que nous devons concentrer tous nos efforts.
Notre rapporteure avait cette ambition, mais elle n’a pu échapper au couperet fatal de l’article 40 : le volet sur la prévention et l’accompagnement des victimes est désormais réduit à la portion congrue. Compte tenu de la faiblesse des moyens que le Gouvernement est prêt à mobiliser pour la prévention de l’inceste et la prise en charge des victimes, cette proposition de loi ne peut apparaître que comme une pieuse déclaration d’intention. Ce sentiment est confirmé par l’étiolement des moyens humains et financiers mis à la disposition de l’ensemble des professions médicales, scolaires, sociales et de justice et par le refus de leur accorder les moyens humains nécessaires à l’application des lois existantes.
Je confirme donc l’appréciation que nous avions portée sur ce texte en première lecture : il n’apporte rien de bien convaincant dans la lutte contre l’inceste.

C’est pourquoi nous nous abstiendrons de nouveau.
M. Paul Jeanneteau
Député de Maine-et-Loire – UMP
C’est nul !
M. Michel Vaxès.

Toutefois, je réitère ma proposition de mettre en place une mission d’information chargée d’auditionner les plus éminents spécialistes des très nombreuses disciplines concernées par ces questions, d’évaluer et d’établir un bilan des textes législatifs et réglementaires en vigueur.

Mme Fabienne Labrette-Ménager.
C’est déjà fait !
M. Paul Jeanneteau Député de Maine-et-Loire – UMP
Vous êtes en retard !
M. Michel Vaxès.

Alors, seulement, nous pourrions élaborer un texte prenant en compte les manquements et les faiblesses de notre législation afin de renforcer la protection des mineurs victimes d’agression sexuelle quels qu’ils soient. Une telle démarche serait bien plus utile aux victimes et sûrement plus efficace en matière de production législative.
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M. le président.
La parole est à M. Philippe Vigier.
M. Paul Jeanneteau Député de Maine-et-Loire – UMP
Il va relever le niveau !
M. Philippe Vigier. … – NC : Nouveau Centre
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues,

bien que frappé d’un interdit majeur et d’un tabou universel, l’abus sexuel perpétré au sein de la famille n’a pas disparu de nos sociétés, ainsi que nous le démontrent de manière trop régulière des affaires particulièrement dramatiques.
Alors que, depuis plusieurs années, le législateur s’interroge sur la juste manière de sanctionner ces crimes, en avril dernier, notre assemblée a adopté en première lecture la proposition de loi de notre collègue Marie-Louise Fort visant à inscrire l’inceste commis sur les mineurs dans notre code pénal.
Mes chers collègues, la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui en seconde lecture est avant tout un texte attendu par un grand nombre de nos concitoyens,…

Mme Fabienne Labrette-Ménager.
Très juste !
M. Philippe Vigier. … – NC : Nouveau Centre

par ceux qui ont été un jour les victimes de comportements incestueux. En l’état actuel de notre droit, le terme d’inceste, notion au carrefour de l’anthropologie, de la sociologie, de la morale et du droit, ne figure pas dans le code pénal. Si la répression de ces comportements ignobles est permise par les articles traitant des viols, agressions et atteintes sexuelles et si le fait pour l’agresseur d’être l’ascendant de sa victime ou d’exercer sur elle une relation d’autorité est une circonstance aggravante, l’inceste en tant que tel ne constitue toujours pas une incrimination spécifique, et ce malgré la violence de ses conséquences pour les victimes et pour la société.
L’inceste, mes chers collègues, n’est pas seulement un crime particulièrement odieux au regard des droits de l’enfant, un crime à la base de traumatismes parfois extrêmement longs à surmonter pour les victimes : c’est aussi un crime contre la famille, le lieu où se transmettent les valeurs fondamentales de notre société. C’est pourquoi, madame la rapporteure, je veux une nouvelle fois, au nom des députés du Nouveau Centre, saluer votre initiative, ainsi que la qualité des travaux que vous avez menés pour l’élaboration de ce texte.
Avec cette proposition de loi, il s’agit de mettre un mot – si cela est possible – sur une telle souffrance, et de permettre aux victimes de voir cette souffrance véritablement reconnue par un tribunal. Mais, et c’est là un point que je veux souligner, l’absence de traduction juridique de la notion d’inceste nous prive également de données d’évaluation précises et nous empêche d’appréhender avec justesse l’ampleur de ce phénomène pour mieux le prévenir. Il ne s’agit pas de créer un régime pénal spécifique qui ne serait applicable qu’aux seuls crimes et délits commis postérieurement à l’entrée en vigueur de la loi, mais d’ériger l’inceste en qualification de crime ou de délit sexuel.
Ainsi, mes chers collègues, un viol incestueux pourra désormais être reconnu comme tel par la justice. La qualification « incestueux » ou « incestueuse » viendra se superposer aux notions de viol ou d’agression sexuelle, sans pour autant durcir la peine principale qui pourra être prononcée par les juridictions pénales dès l’entrée en vigueur de ce texte – y compris pour des crimes commis antérieurement à sa publication.
Si l’absence d’incrimination spécifique de l’inceste pèse sur les victimes, le débat autour du consentement de la victime d’un viol incestueux, auquel doivent se livrer les juridictions pénales, est encore plus choquant. Afin de prouver qu’il a été victime d’un viol ou d’une agression sexuelle, un mineur doit apporter la preuve que ce rapport a eu lieu sous la contrainte, la violence, la menace ou la surprise.

Mme Henriette Martinez.
Eh oui !
M. Philippe Vigier. … – NC : Nouveau Centre

En d’autres termes, le mineur est tenu d’apporter la preuve de son non-consentement. Alors que plusieurs tribunaux avaient tenté de déduire de l’âge de la victime et du lien qui l’unissait à son agresseur la preuve de la surprise ou de la contrainte qui avait caractérisé le rapport sexuel, la Cour de cassation a estimé qu’un tel raisonnement ne pouvait être juridiquement valable, dans la mesure où il confondait éléments constitutifs et circonstances aggravantes d’un viol et d’une agression sexuelle.
Face aux difficultés à établir la preuve de l’absence de consentement, de très nombreux viols incestueux ont donc été déqualifiés en simples atteintes sexuelles, c’est-à-dire en délits et non plus en crimes, pour pouvoir être jugés. Les agresseurs ont été sanctionnés de manière très insuffisante au regard du crime commis et la pleine réalité de la souffrance des victimes a tout simplement été niée.

Cette proposition de loi permettra de préciser le contenu de la notion de contrainte lorsqu’elle constitue l’élément constitutif d’un viol – au-delà de mon expérience de parlementaire, je me réfère également, pour m’exprimer sur ce thème, à mon expérience de professionnel de santé ayant été confronté à ce drame.

La contrainte pourra être déduite de la différence d’âge existant entre la victime mineure et son agresseur, ainsi que de l’autorité de droit ou de fait que celui-ci exerce sur la victime. En venant interpréter le contenu d’une incrimination déjà existante dans le code pénal plutôt qu’en en créant une nouvelle, la rédaction du nouvel article du code pénal, telle qu’elle est proposée, pourra s’appliquer aux actes commis avant son entrée en vigueur et mettra ainsi un terme immédiat à ces déqualifications extrêmement dévastatrices pour les victimes.
La prévention des comportements incestueux sera, pour sa part, développée grâce à une plus grande mobilisation de l’institution scolaire et des sociétés de l’audiovisuel public, autour de la nécessaire information des mineurs sur le comportement à adopter en cas d’agression sexuelle, notamment incestueuse. Nul ne contestera le rôle positif que peuvent jouer tant l’école que les médias dans la prévention de ce véritable fléau.
Enfin, l’accompagnement des victimes pourra être amélioré, en particulier grâce à la valorisation du travail des associations qui luttent sans relâche contre l’inceste. Elles pourront se constituer partie civile dans un procès et mieux assister les victimes dans leurs démarches. Dans l’instruction de crimes incestueux, il est également proposé de rendre systématique la désignation par le juge d’un administrateur chargé de représenter la victime en lieu et place de ses représentants légaux et de l’accompagner dans toutes les étapes de la procédure.
Le Sénat a souhaité prévoir les cas où les parents resteraient en mesure de faire valoir les droits de leurs enfants, mais la désignation d’un administrateur reste le principe. Par ailleurs, la possibilité de retirer le bénéfice de l’autorité parentale en cas d’inceste sera désormais expressément prévue par le code pénal.
Mes chers collègues, cette proposition de loi permettra de lever un tabou qui a trop longtemps duré, en proposant de vraies réponses à des crimes – je dis bien des crimes – en contradiction totale avec les valeurs essentielles de notre société.
C’est pourquoi le groupe Nouveau Centre apportera, comme en première lecture, son soutien à cette proposition de loi.
Toutefois, il est un point qui n’apparaît pas dans ce texte : celui des délais de prescription de ces crimes particulièrement odieux. Comme il est urgent de légiférer sur l’inceste, c’est un débat qu’il nous appartiendra de mener lors de la réforme de la procédure pénale, monsieur le secrétaire d’État, mais il me semble important de rappeler avec force dès aujourd’hui son caractère déterminant si nous ne voulons pas laisser, à l’avenir, de tels crimes impunis.
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(Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
M. le président.
La parole est à M. Paul Jeanneteau.
M. Paul Jeanneteau Député de Maine-et-Loire – UMP

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues,
nous nous retrouvons cet après-midi pour voter la proposition de loi déposée par notre collègue Marie-Louise Fort, visant à inscrire l’inceste dans le code pénal et à améliorer la détection et la prise en charge des victimes d’actes incestueux.
Aujourd’hui, dans notre pays, environ deux millions de personnes ont subi d’un père, d’un beau-père ou d’un autre membre de la famille un rapport sexuel forcé ou une tentative de rapport sexuel forcé durant leur enfance, et 20 % des procès d’assises concernent des infractions de type incestueux.
Au XXIe siècle, la représentation nationale ne peut rester insensible à la souffrance muette de tant de victimes. Au XXIe siècle, il n’est pas tolérable que l’inceste ne soit pas défini en tant que tel dans le code pénal. Nous devons donc nous prononcer en deuxième lecture sur ce texte important.
Sachez, mes chers collègues, que des victimes d’inceste nous regardent et attendent de nous des réponses fortes, claires et concrètes. En effet, à l’issue du vote de cette proposition de loi dans notre assemblée, en avril dernier, Marie-Louise Fort et moi-même avons reçu des témoignages de reconnaissance poignants de la part de victimes. L’une d’elle écrit : « J’ai suivi les débats sur la chaîne parlementaire, sachez bien que ces débats étaient de la plus haute importance pour nous et j’ai été profondément touchée de voir que certains hommes et femmes politiques se battaient pour nous, comme nous nous battons seuls depuis des années. Pour la première fois de ma vie, je me suis sentie reliée au reste de l’humanité. » Une autre confie : « J’ai eu l’impression qu’on me sortait de la honte et que l’on me donnait enfin le droit d’être une femme et une citoyenne comme une autre. Je n’oublierai jamais… ».
Il est de notre devoir d’élus de légiférer pour que la souffrance de ces victimes soit reconnue et que leurs agresseurs soient jugés pour le crime qu’ils ont commis : un viol certes, mais plus encore un inceste. Car l’inceste n’est pas un délit sexuel comme un autre. Les relations sexuelles entre un mineur et un membre de sa famille constituent un véritable outrage. Un outrage vis-à-vis de la société, parce qu’un interdit fondateur vole en éclats, mais aussi un outrage vis-à-vis de l’enfant, parce que l’on porte une atteinte fondamentale à son innocence et à son équilibre. L’enfant se trouve agressé dans le lieu même qui a vocation à le protéger, sa famille, ce qui entraîne une confusion des schémas d’éducation.
L’inceste est un abus sexuel particulièrement traumatisant, car l’enfant subit une agression commise par un membre de sa famille – au sens large du terme – représentant l’autorité. Le protecteur devient alors l’agresseur, la confiance fait place à la défiance, la sécurité à l’insécurité : tous les repères sont perturbés. La famille qui, naturellement, offre à l’enfant tendresse et affection devient, lors d’un inceste, un lieu de violences, de contraintes et de soumission. Ceux-là mêmes qui doivent veiller avec amour sur l’enfant en deviennent les bourreaux. Quand l’enfant grandit et qu’il peut mettre le mot « inceste » sur ses souffrances, naît en lui une autre souffrance indicible : la honte. Et pourtant, ce n’est pas aux victimes d’avoir honte à la place de leurs oppresseurs !
L’inceste est à l’origine de graves dommages dans le développement de l’enfant. Comme le souligne à juste titre l’Association internationale des victimes de l’inceste, « l’inceste est une blessure de l’enfance qui, trop souvent, se perpétue jusqu’à la vie adulte et même parfois jusqu’à la vieillesse », avec son lot de conséquences : troubles affectifs ou relationnels, troubles psychosomatiques ou physiques, sans oublier les conséquences en termes d’insertion sociale ou professionnelle. L’inceste perturbe également très fortement, non seulement les relations intrafamiliales, mais aussi les relations que la victime devra nouer avec sa propre famille, celle qu’elle va vouloir construire. Comment vivre sa propre parentalité lorsque l’on a été victime d’inceste ? Comment aimer son enfant sans le surprotéger ? Comment concilier désir d’enfant et sexualité en ayant vécu de telles souffrances ?
Si la loi ne peut répondre à toutes ces questions, elle a le pouvoir de briser ce tabou et de libérer la parole des victimes. Inscrire et définir l’inceste en tant que tel dans le code pénal fait de l’inceste un délit à part entière.
Mais qu’est-ce que l’inceste, si ce n’est une contrainte exercée au sein de la famille ? Au nom du groupe UMP, je me félicite de voir la contrainte mieux définie dans cette proposition de loi. Elle nous rappelle que la contrainte qui s’exerce sur la victime peut être physique ou morale. Cette contrainte morale peut résulter d’une autorité de droit ou de fait, et de la différence d’âge entre une victime mineure et l’auteur des faits. En aucun cas on ne saurait parler de consentement lorsque l’on évoque l’inceste. L’autorité parentale, en menaçant et en culpabilisant l’enfant, cherche à lui imputer une partie de la responsabilité de ses actes. En lui imposant le silence, elle fait croire à l’enfant qu’il est consentant. En réalité, jamais un enfant n’est responsable de l’abus, il est victime et non coupable. La contrainte imposée à l’enfant s’exerce au sein de la sphère familiale dans laquelle il devrait s’épanouir et être aimé.
C’est pour renforcer cette idée que nos collègues sénateurs ont substitué, à l’article 1er de cette proposition de loi, le terme de « famille » à l’énumération proposée initialement. Considérer les viols et les agressions sexuelles comme incestueux s’ils sont commis au sein de la famille sur la personne d’un mineur, par un ascendant, un frère, une sœur ou par toute autre personne, y compris s’il s’agit d’un concubin de la famille ayant sur la victime une autorité de droit ou de fait, permettra aux juges de s’adapter à l’ensemble des configurations familiales.
S’il est primordial de définir l’inceste et de le condamner, protéger les victimes l’est tout autant. C’est pourquoi le législateur a souhaité permettre au juge de retirer totalement ou partiellement l’autorité parentale en cas d’inceste, de viol ou d’atteinte sexuelle, et au procureur de désigner un administrateur ad hoc.
Pour ce qui est de cette mesure, le Sénat a judicieusement proposé que le juge d’instruction ou le procureur de la République puissent en décider autrement s’ils motivent spécialement leur décision. Lutter contre l’inceste, c’est aussi prévenir. L’école joue un rôle fondamental en la matière. C’est pourquoi cette proposition de loi renforce la mission d’information des collèges et lycées en matière de violences et d’éducation à la sexualité. Soulignons combien il est important de former les professionnels de l’enfance afin de mieux comprendre et détecter les souffrances des enfants victimes. Ce texte le permet. Le contenu des formations médicales relevant du domaine réglementaire, le Sénat a été contraint de retirer les dispositions qui les concernaient.
À la suite de Marie-Louise Fort, je me permets d’insister, monsieur le secrétaire d’État, sur le fait qu’il nous faudra travailler sur ce sujet avec le Gouvernement afin de donner plus d’outils aux étudiants en médecine et aux médecins pour qu’ils puissent mieux appréhender l’inceste dans toutes ses dimensions : prévention, soins, conséquences psychologiques et physiques.

Mme Fabienne Labrette-Ménager –Députée de la Sarthe – UMP
Très bien !
M. Paul Jeanneteau Député de Maine-et-Loire – UMP

L’inceste ébranle les fondements mêmes de la famille, et par conséquent ceux de notre société. C’est la transgression d’une loi absolue, universelle, d’une règle intangible qui est au fondement de toute civilisation. L’interdit de l’inceste a vocation à inscrire tout sujet dans l’ordre de la succession des générations. Outre l’atteinte sociale qu’il constitue, l’inceste est un véritable meurtre psychologique, comme l’ont confié de nombreuses victimes.
C’est pourquoi, sur un tel sujet, je suis certain que la représentation nationale peut, au-delà des clivages politiques, se retrouver de façon consensuelle pour répondre à la demande légitime des victimes, qui attendent de leurs élus des actes forts.
En avril dernier, le groupe SRC avait reproché au Gouvernement l’instauration d’une « procédure précipitée ». Il me semble qu’après neuf mois de travail supplémentaires, au Sénat puis, dans notre assemblée, en commission et désormais en deuxième lecture, l’argument de la précipitation ne tient plus. Ces neuf mois ont permis d’élaborer un texte équilibré, que nos collègues sénateurs ont amendé sans en modifier la portée. Comme le disait si justement le philosophe Sénèque : « Ce n’est pas parce que les choses sont difficiles que nous n’osons pas, c’est parce que nous n’osons pas que les choses sont difficiles. »

M. Philippe Vigier – Député d’Eure-et-Loir et porte-parole adjoint du Nouveau Centre

Très bien !
M. Paul Jeanneteau

Le tabou de l’inceste a longtemps persisté, certes parce qu’il est difficile à briser, mais surtout parce que nous n’avons pas suffisamment osé. Alors, mes chers collègues, sur un sujet aussi grave, osez voter ce texte, comme le fera le groupe UMP.
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(Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
M. le président.
La parole est à Mme George Pau-Langevin.
Mme George Pau-Langevin – députée de la 21ème circonscription – PS
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues,

nous sommes amenés à examiner, en deuxième lecture, la proposition de loi visant, selon son titre initial, « à identifier, prévenir, détecter et lutter contre l’inceste sur les mineurs ».
Lors du premier passage de ce texte devant l’Assemblée, notre groupe avait exprimé son accord de principe pour travailler sur le sujet de l’inceste, mais nous avions été frustrés par la manière dont les débats avaient été menés. Nous avions notamment pointé l’insuffisance de travail collectif visant à analyser la question, par exemple en procédant à des auditions, ce qui se fait habituellement au Parlement quand il s’agit de préparer l’examen d’un texte en séance.
Nous sommes aujourd’hui un an après la première lecture, ce qui montre d’ailleurs que nous aurions pu prendre un peu de temps, au moment où nous l’avions demandé, pour travailler ensemble. Et, effectivement, le texte qui nous revient du Sénat a été amélioré. Les débats dans la seconde chambre ont tenu compte d’un certain nombre d’objections que nous avions formulées. Cependant, sur certains des points pour lesquels nous avions préconisé des modifications, le texte nous semble présenter encore un caractère inachevé.
Il faut d’emblée dire, notamment aux victimes, la chose suivante : il est évident que, pour nous, ce texte est important dans la mesure où il s’agit de dire clairement que nous sommes conscients du drame que les victimes ont vécu et des ravages que l’inceste a pu entraîner dans la construction – en l’occurrence, la destruction – de leur personnalité.
L’inceste demeure un interdit social, un tabou majeur et on peut juger opportun de le nommer en tant que tel et de le définir dans notre droit. On peut parfaitement comprendre et reconnaître la souffrance toute particulière des enfants agressés par celui qui est censé les protéger, qui leur a donné la vie ou qui leur est proche, par quelqu’un en qui ils ont confiance et pour qui, souvent, ils éprouvent de l’affection. En cela, il y a effectivement une spécificité de l’inceste par rapport à d’autres agressions sexuelles : les enfants qui en sont victimes sont attaqués dans leur maison, dans leur lit, souvent de manière répétée, par un proche. Très souvent aussi, ils ont l’impression de ne pas être protégés, y compris par leur mère ou par d’autres membres de la famille qui restent passifs, voire critiques à leur égard.
On dispose de témoignages extrêmement émouvants, notamment celui d’une jeune femme qui a publié un livre de façon anonyme, dans lequel elle écrit, à propos de son père : « Il m’a tuée, mais je ne suis pas morte. » Elle écrit aussi : « J’étais ensevelie sous un flot d’impuissance dont seule la mort pouvait me délivrer. »
Nous sommes entièrement d’accord : l’inceste peut occasionner un traumatisme irréversible pour l’enfant et entraîner une déstructuration du lien social et familial.

Mme Fabienne Labrette-Ménager et M. Paul Jeanneteau.
Évidemment !
Mme George Pau-Langevin

Au regard de ces exigences, toutefois, on doit noter que certaines interrogations que nous avions soulevées en première lecture demeurent.
En effet, lorsque l’on rédige un texte de loi, il faut tenir compte des contraintes juridiques ; on ne peut pas se fonder simplement sur la compassion et proposer un texte qui, au final, n’explicite pas les règles juridiques qu’il est censé poser. De surcroît, l’article 40 ayant été invoqué pour un certain nombre de dispositions, et après le passage au Sénat, ce texte a finalement une valeur normative relativement minime.
Examinons d’abord les apports du Sénat. Il est vrai que, sur plusieurs points, il a clarifié ce que nous avions critiqué en première lecture. Ainsi, il a plus clairement précisé que la contrainte morale peut résulter de la différence d’âge. Toutefois, certaines de nos critiques demeurent, par exemple sur la différence qui existe toujours, et que je ne parviens à comprendre, entre la définition pénale ici donnée et la définition civile de l’inceste.
L’inceste est particulièrement inacceptable lorsqu’il se produit dans la famille biologique. Ainsi, on distingue en droit civil deux situations : d’un côté, l’inceste absolu, entre ascendants et descendants ou entre frères et sœurs ; de l’autre, ce que j’appellerais l’inceste « relatif », où l’auteur peut être un concubin de la mère ou encore un cousin. Dans le second cas, il est possible de lever l’interdiction de mariage.
Nous avions donc souhaité que les cas d’inceste nommés et particulièrement punis dans le code pénal soient ceux qui relèvent de l’inceste absolu. Sur ce point, nous regrettons que l’on ne se soit pas calé sur la distinction existant en droit civil. Le Sénat a précisé la définition proposée pour le code pénal, notamment à travers la notion de famille. Il a également précisé les cas où il existe une relation d’autorité. Cependant, on reste dans l’ambiguïté en raison de la différence qui persiste avec la définition du droit civil.
Par ailleurs, un certain nombre d’objections que nous avions exprimées en première lecture n’ont pas été levées. Je rappelle que des personnes aussi concernées par le sujet et aussi sensibles aux droits des enfants que Claire Brisset et Dominique Versini avaient elles aussi émis des réserves sur lesquelles nous n’avons pas obtenu de réponse à ce jour.

M. Paul Jeanneteau
Mme Brisset n’en a quand même pas émis beaucoup !
Mme George Pau-Langevin

Ainsi, la notion de contrainte est précisée s’agissant de l’inceste, mais le texte indique qu’elle résulte spécifiquement de la différence d’âge. Il s’agit certes d’un apport mais la notion n’est pas spécifique à l’inceste : elle pourrait tout à fait se retrouver dans un texte consacré aux agressions sexuelles ou aux viols sur mineurs.
Les autres éléments, notamment les dispositifs de prévention qui ont été insérés, nous laissent eux aussi un peu dubitatifs. On nous parle de lieux où il faut faire de la prévention, notamment l’école. Nous en sommes tout à fait d’accord, mais il est évident que ce n’est pas dans ce texte que ce genre d’indication doit figurer. D’ailleurs, on nous a dit que les autres dispositions de même nature du texte avaient une valeur réglementaire.

M. Paul Jeanneteau
Ça pinaille !
Mme George Pau-Langevin

Non, je ne pinaille pas ! En l’espèce, la loi de 2007 donne compétence, en matière de protection de l’enfance, aux conseils généraux. Par conséquent, je ne comprends pas qu’un texte qui relève très évidemment de la protection des mineurs ne renvoie pas à cette compétence du conseil général.

Mme Fabienne Labrette-Ménager et M. Paul Jeanneteau.
Le code pénal, ce n’est pas le conseil général !
Mme George Pau-Langevin

C’est la loi, mes chers collègues, je n’y peux rien ! Il est exact que ce n’est pas dans le code pénal qu’on doit faire de la prévention. La prévention, en la matière, est importante et même nécessaire, mais elle est, selon la loi, de la responsabilité du conseil général. Il n’est donc pas normal que l’on ne prévoie pas, dans le présent texte, d’associer le conseil général à cette forme de prévention. Par ailleurs, le texte d’origine stipulait qu’il fallait mieux accompagner les victimes. Là aussi, nous étions cent fois d’accord,…

Mme Marie-Louise Fort, rapporteure.
Bravo !
Mme George Pau-Langevin

. …car les victimes disent souvent qu’elles ont le sentiment de se retrouver seules face à leur souffrance. Or, vous pouvez constater vous-mêmes que cette partie aussi a été éliminée de votre texte.

Mme Marie-Louise Fort, rapporteure.
Pas du tout !
Mme George Pau-Langevin

De fait, la création des centres que vous proposiez au départ, avec des psychiatres et des infirmières spécialisées, et même si l’idée pouvait sembler intéressante, ne relevait pas du code pénal. D’ailleurs, on voit bien aujourd’hui que l’hôpital public est dépecé.

M. Paul Jeanneteau.
Il n’est pas du tout dépecé !
Mme Fabienne Labrette-Ménager
Cela n’a rien à voir !
Mme George Pau-Langevin

Un exemple précis : dans ma circonscription existait un service tout à fait remarquable, celui du professeur Jehel, qui traitait les suicidaires, notamment parmi les personnes victimes d’inceste. Eh bien, il a perdu des moyens depuis l’année dernière, ce qui est en contradiction absolue avec ce que vous aviez dit vouloir faire, c’est-à-dire améliorer le suivi et le secours pour les personnes victimes d’inceste !

M. Paul Jeanneteau
N’importe quoi !
Mme George Pau-Langevin

Bref, nous comprenons tout à fait la nécessité d’affirmer symboliquement l’importance du tabou que représente l’inceste. Nous devons dire aux victimes notre compassion et notre compréhension pour ce qui leur arrive. Mais ce texte nous posait problème, parce que nous craignions son inefficacité. En outre, il ne répondait pas aux véritables problèmes qui étaient posés. Malheureusement, malgré les améliorations apportées par le Sénat, nos interrogations demeurent.
C’est la raison pour laquelle le groupe socialiste, tout en n’étant pas, bien évidemment, opposé à ce texte, considère qu’il agira un peu comme un emplâtre sur une jambe de bois.

M. le président
Veuillez conclure, s’il vous plaît !
Mme George Pau-Langevin
Mis à part le fait – symbolique – qu’il nomme l’inceste dans le code pénal, ce texte ne nous paraît pas apporter grand-chose et il s’est encore vidé de sa substance par rapport à l’année dernière. Voilà pourquoi nous serons amenés à nous abstenir.
Mme Fabienne Labrette-Ménager
Pitoyable !
M. Paul Jeanneteau
Que c’est pénible ! Ce n’est pas mieux qu’en première lecture.
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M. le président.
La parole est à Mme Henriette Martinez.
Mme Henriette Martinez – Députée des Hautes-Alpes – UMP
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues,

non, cette proposition de loi ne réparera pas les vies brisées par l’inceste. Non, elle n’effacera pas l’indicible souffrance des enfants victimes, martyrisés dans le cercle familial. Non, elle n’empêchera pas que ces crimes odieux se reproduisent. Mais elle rendra aux victimes leur dignité par la reconnaissance, à travers la sanction pénale imposée à leurs agresseurs, de l’extrême gravité des faits qu’elles ont subis. En cela, elle répond à l’attente des associations de victimes, que je salue pour leur engagement, leur courage et leur détermination.
Nous devons cette proposition de loi à notre collègue Marie-Louise Fort, à son travail, issu de la mission que lui a confiée Jean-François Copé, à son écoute, à sa sensibilité, et aussi à son obstination. Le volet prévention de ce texte est important, mais la détection et le suivi de l’inceste le sont également.
C’est pourquoi, le 27 avril dernier, lors de la première lecture, j’avais eu la satisfaction de voir voter un amendement que j’avais présenté. Il visait à introduire dans les études de médecine la formation des étudiants à la détection et à la prise en charge des abus sexuels, dont en priorité l’inceste, mais aussi de toutes les maltraitances infligées à des enfants. J’ai été au regret de constater que nos collègues sénateurs ont retiré cette disposition du texte que nous allons voter aujourd’hui. Si le débat sur cette question se traduit néanmoins par l’inscription de l’objectif dans les textes régissant les études de médecine, sans que nous ayons besoin de passer par la voie législative, je m’en réjouirai. Mais ce qui est certain, c’est que j’y serai attentive !
J’avais également défendu un amendement, rejeté à l’Assemblée nationale avant qu’une proposition similaire, défendue courageusement par mon collègue sénateur Alain Milon, soit repoussée elle aussi par le Sénat, relatif à la protection des médecins qui signalent des abus sexuels. Ce n’est pas la première fois que j’interviens sur le sujet. Aussi longtemps que je siègerai dans cet hémicycle et tant que le problème ne sera pas résolu, je continuerai à redire la même chose ! Je déplore profondément le rejet de cet amendement. Combien de temps encore notre pays devra-t-il attendre que les médecins qui signalent un inceste soient protégés, conformément aux recommandations du Conseil de l’Europe, qui sont claires à ce sujet ? Ces recommandations encouragent les États membres à prendre les mesures législatives nécessaires pour lever les obstacles qui empêchent les médecins de signaler, donc pour rendre effective l’obligation de signalement. Je fais ici référence à l’article 12 sur le signalement de la convention de Lanzarote, signée par les ministres de la justice le 25 octobre 2007 ; au chapitre 5-1 des lignes directrices du Conseil de l’Europe sur la protection des enfants contre la violence, portées par la plate-forme du Conseil de l’Europe sur les droits de l’enfant, lancée les 2 et 3 juin 2009 à Strasbourg au sein du programme intitulé Construire l’Europe pour et avec les enfants ; enfin, à l’alinéa 6-4 des recommandations du 18 novembre 2009 du comité des ministres du Conseil de l’Europe. La solution passe par l’utilisation de la voie législative : elle consiste à protéger les médecins qui signalent, et donc à les inciter à signaler ; elle consiste à lever tous les obstacles qui s’opposent au signalement. Or, à ce jour, et malgré l’interdiction des sanctions disciplinaires – j’avais moi-même fait voter cet amendement à l’article 226-14 du code pénal, dans la loi du 2 janvier 2004 relative à l’accueil et à la protection de l’enfance –, force est de constater que les poursuites contre les médecins qui signalent ne sont plus disciplinaires, mais civiles ou pénales, si bien que bon nombre de médecins concernés préfèrent se taire ! Si les chiffres que l’on me donne sont exacts, 5 % seulement des signalements proviendraient des médecins.
C’est pourtant au médecin que l’enfant victime peut se confier. C’est le médecin qui détecte l’inceste, qui détecte le viol, qui détecte la maltraitance. De plus, il faut savoir que lorsque des professionnels sont poursuivis, les procédures à leur encontre sont utilisées, ensuite, contre les enfants qu’ils ont voulu protéger. Cela se retourne donc doublement contre l’enfant ! Au vu des cas qui existent, au vu des cas que je connais, il n’est pas possible d’affirmer, comme cela a été dit lors des débats au Sénat, que la loi est aujourd’hui suffisamment précise pour protéger les médecins qui signalent de bonne foi. Il n’est pas plus possible d’affirmer que cela serait contraire à l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme, ainsi que l’attestent les recommandations européennes que je viens de citer.
Madame la rapporteure, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, cette proposition de loi marque une avancée significative, dont je me réjouis. Mais le combat pour la protection de l’enfance continue, madame Pau-Langevin ; nous ne résoudrons pas tout par cette proposition de loi. Aussi longtemps que l’on abusera d’un enfant dans le cercle familial ou à l’extérieur, aussi longtemps qu’un enfant sera martyrisé, quelles que soient les maltraitances qui lui sont infligées, le combat pour la protection des enfants victimes continuera.
Pour autant, la polémique n’a pas sa place ici, car il y va de ce qu’il y a de plus abominable pour un enfant sans défense : la transformation du parent qui, de protecteur, devient prédateur ; il y va de ce qu’il y a de plus irréversible : la vie brisée d’un enfant ; il y va de ce qu’il y a de plus terrible : la souffrance d’un enfant victime ; il y va de l’atteinte à ce qu’il y a de plus irréparable : l’innocence volée d’un enfant.

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(Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
M. le président.
La discussion générale est close.
Articles 1er, 2, 4, 6 bis, 7 et 7 bis
M. le président.
Les articles de la proposition de loi ne faisant l’objet d’aucun amendement, je vais les mettre aux voix successivement.
(Les articles 1er, 2, 4, 6 bis, 7 et 7 bis, successivement mis aux voix, sont adoptés.)
Vote sur l’ensemble
M. le président.
Je mets aux voix l’ensemble de la proposition de loi.
Mme George Pau-Langevin et M. Michel Vaxès. Abstention !
(L’ensemble de la proposition de loi est adopté.)
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