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Le soleil brillait sans chaleur. Du haut de mon rocher, je voyais en contrebas le muret du potager où mon, c’était le frère de mon grand-père, j’avais neuf ou dix ans, je ne sais plus, en tout cas mon grand-père était déjà mort parce que, de son vivant, personne n’aurait osé, ce qui est sûr aussi, c’est que j’étais petite – « Tu n’as pas encore de poils », avait-il remarqué –, chaque jour il me demandait de l’attendre devant le potager où il jardinait, je restais là sans oser désobéir, souriant de peur de le fâcher, jusqu’à ce qu’il vienne. J’avais fini par tout raconter à ma grand-mère, elle m’avait fait baisser la voix – « surtout, ne le répète jamais ! Tu m’entends ? Jamais » –, j’avais mis trente ans à l’écrire, et encore, quelques lignes au détour d’un chapitre, un cavalier maudit dans mon carnet de bal, c’était en souvenir de cette scène que Georges m’avait demandé de faire la voix off de son film, j’en étais certaine, et non, comme il me l’avait dit, parce qu’il aimait ma voix, simplement, mais je me trompais peut-être.
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1/ Romance nerveuse
2/ Dissociation
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