Et il y a l’autoculpabilité qui s’installe, elle aussi.
La culpabilité de n’avoir peut-être pas dit non aurait pu durer toujours et il faut vraiment approfondir la question pour s’en débarrasser, confronter sa parole à celle de toute personne voulant bien aborder le problème, pouvoir affirmer que l’on a dit non. Chacune dira qu’elle s’est débattue et qu’elle a dit non.
Cependant, la première question que l’on nous pose est toujours de savoir si nous avons dit non. Elle sème le trouble dans notre esprit et annule complètement la certitude du non car cette question précisément insinue que nous avons consenti et notre non n’est de nouveau pas entendu. De la part de la personne qui reçoit le témoignage, il y a trop souvent une impossibilité d’écouter ce non tout comme le violeur ne l’a pas entendu. C’est ainsi que les conséquences sont prises pour les causes.
Dire que parce qu’une victime « ne se défend pas », elle est la cause de l’agression, c’est brûler les étapes. Cela permet, en fait, d’écarter le problème. Le projet du viol se conçoit en dehors de la victime qui ne sera choisie qu’en vertu de son peu de pouvoir réel ou supposé. Il est trop simple de penser que le viol est la conséquence du fait de ne pas se défendre[1]. Cette conception cache toutes les questions premières.
La personne violée a vu son refus gommé par l’agresseur et ainsi elle peut ne plus savoir où est la limite entre refus et consentement. L’agresseur, de toutes façons, fait abstraction du refus exprimé. Chacun tient à demander plusieurs fois à la victime si elle a vraiment dit non car on a du mal à accepter qu’elle ait refusé, donc qu’elle n’ait pas consenti.
Réponse : Elle ne l’a pas ressenti comme un viol. Elle a simplement compris que son père l’aimait et qu’il se consolait avec elle, parce que sa femme ne voulait pas faire l’amour avec lui.
(…)
Question : D’après vous, il n’y a pas de père vicieux et pervers ?
Réponse : Il suffit que la fille refuse de coucher avec lui, en disant que cela ne se fait pas, pour qu’il la laisse tranquille.
Françoise dolto, psychanalyste, Journal choisir, n° 44, sep.oct.nov. 1979. Souligné dans le texte.
Nous remercions l’Association choisir de nous avoir envoyé ce texte.
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