Il s’agit d’un acte volontaire. Elles sont, certes, rédigées à la demande du thérapeute, mais ce dernier ne doit cependant jamais exercer de pression sur le sujet pour qu’il les écrive. Elles font partie du processus thérapeutique, devront être écri tes un jour ou l’autre si l’abuseur n’est plus là.
Dans un premier temps, ces lettres sont remises au théra peute qui en analyse le contenu en séance et demande parfois de le modifier s’il lui semble qu’il risque d’être détourné par l’abuseur contre la victime (insultes, violence verbale). Il arrive que certains patients envoient la première lettre à leur abuseur, sans que le thérapeute en ait pris connaissance, ce qui montre bien que le passage de victime à vivant peut s’opérer plus vite qu’on ne l’imaginerait.
La première lettre : adressée à l’abuseur
Le sujet décrit les détails de l’abus, les sentiments suscités, la façon dont sa vie en a été affectée. Il lui demande réparation sous la forme qui lui semble la plus appropriée. Cette lettre doit être le plus factuelle possible dans la description de l’abus et plus émotionnelle dans les conséquences personnelles, familiales, scolaires et sociales.
La deuxième lettre : la réponse envisagée de l’abuseur
On demande à la victime d’imaginer et de rédiger la réponse probable de l’abuseur. Cette lettre peut également contenir le récit de ce que l’abuseur a pu dire lors d’une confrontation réelle, soit au sein de la famille, soit devant des instances judi ciaires ou policières.
Elle doit refléter toutes les craintes du sujet en réponse à la première lettre. Cette deuxième lettre est souvent plus doulou reuse à écrire que la première. La victime connaît parfaite ment le mode de fonctionnement de son bourreau et sait à l’avance ce qu’il répondra. Le lui faire écrire lui permettra de mieux préparer le contenu de la troisième lettre.
La troisième lettre : la réponse « idéale » de l’abuseur
Le sujet doit rédiger dans le détail la réponse qu’il attend. qu’il souhaite recevoir, réponse que l’abuseur écrirait s’il était capable de reconnaître sa responsabilité, les conséquen ces de son acte, et capable de manifester du remords, de demander à sa victime de lui accorder son pardon, et d’accepter de s’impliquer dans un processus de réparation ou de reconstruction (par exemple, en lui payant une année de formation ou d’études, en réglant les honoraires de thérapie. en lui offrant quelque chose qui lui apporterait symboliquement une réparation…).
En fait, c’est la lettre qu’il attend, qu’il n’a pas reçue, et
qu’il n’aura guère la chance de recevoir un jour. Il aimerait
tant ! Cette lettre répare le sujet, car elle lui procure les messa
ges de soutien, d’excuse et de validation du traumatisme qui
lui sont refusés. Quelle que soit la réponse réelle de l’abuseur,
cette lettre est primordiale. Elle donne au patient la capacité
de se pardonner et de ne plus se considérer comme un être
indigne de vivre ou d’être aimé.
Ces trois lettres sont utiles lorsque l’abuseur a disparu, ou
est mort, ou refuse d’endosser ses responsabilités, ou que la
confrontation tourne court du fait de la mauvaise foi de l’abu
seur, parfois même de son conjoint ! Étonnant, mais banal
dans le système « loyauté-protection » qui verrouille certaines
familles.
Après avoir écrit ces trois lettres, le sujet peut décider
d’envoyer ou non la première. Le fait que les deux autres aient
été écrites l’aidera à mieux supporter la réaction, ou l’absence
de réaction, de l’abuseur.
1. Y. Dolan, Guérir de l’abus sexuel et revivre, Satas, 1996.
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