Les enfants maltraités gardent des connexions neuronales altérées
Par Camille Gaubert
le 28.09.2017
Pour la première fois, il a été montré que les enfants maltraités ont un cerveau qui se développe anormalement. De quoi peut-être expliquer les effets durables des traumatismes de l’enfance.
5 à 15% des enfants de moins de 15 ans subissent des violences physiques et/ou sexuelles sévères dans le monde occidental. Ces sévices augmentent considérablement le risque de dépression et de suicide. Les processus neurobiologiques responsables de cette vulnérabilité accrue restent, aujourd’hui encore, mal compris. Des chercheurs du McGill Group for Suicide Studies viennent de publier à ce sujet dans le prestigieux American Journal of Psychiatry. Ces résultats suggèrent que les effets durables des expériences traumatiques vécues dans l’enfance peuvent être dus à une altération de la structure et du fonctionnement des cellules du cortex cingulaire antérieur, une partie du cerveau qui joue un rôle important dans la régulation des émotions et de l’humeur.
La myéline, élément essentiel au bon fonctionnement des neurones
Pour que le fonctionnement et l’organisation du cerveau soient optimaux, les neurones ont besoin de communiquer avec des cellules distantes via leurs prolongements appelés axones. Les axones, la partie la plus longue du neurone véhiculant l’influx nerveux, sont généralement recouverts et protégés par un revêtement gras appelé myéline. La myélinisation des axones a principalement lieu au cours des deux premières décennies de vie.
En observant la matière blanche (tissus du cerveau et de la moelle épinière principalement constitués de milliards de fibres nerveuses myélinisées) de personnes ayant subit des sévices dans l’enfance, des études antérieures avaient déjà constaté la présence d’anomalies significatives. Mais, parce que ces observations ont été faites par IRM sur le cerveau de personnes vivantes, il était impossible de savoir avec plus de précision quelles cellules et molécules étaient affectées au sein de la matière blanche.
La maltraitance directement liée à une mauvaise connectivité neuronale
C’est pour approfondir ces travaux que les chercheurs du McGill Group for Suicide Studies se sont tournés vers la banque de cerveaux de Douglas-Bell Canada. Ils ont ainsi pu comparer les échantillons de cerveau post-mortem de trois groupes d’adultes : des personnes qui se sont suicidées suite à une dépression avec (27 personnes) ou sans (25 individus) antécédents de sévices sévères et des sujets de contrôle psychologiquement sains (26 personnes).
Résultat : seules les personnes maltraitées lors de l’enfance montraient une diminution de l’épaisseur du revêtement de myéline de leurs fibres nerveuses. En investiguant plus avant, les chercheurs constatent chez ces sujets un défaut de production de myéline au niveau de l’ADN des cellules responsables de la générer et de l’entretenir.
Vers une dérégulation du traitement des émotions
Les auteurs avancent qu’ensemble, ces changements peuvent altérer le couplage fonctionnel entre des zones du cerveau liées à la régulation émotionnelle et à la récompense (le cortex cingulaire et les structures sous-corticales telles que l’amygdale et le noyau) et contribuent à modifier le traitement des émotions chez les personnes qui ont été maltraitées pendant l’enfance. Ils pensent que ces changements, provoqués à un stade précoce du développement, peuvent contribuer à l’apparition de troubles dépressifs et de comportements suicidaires.
3 réflexions au sujet de « Les enfants maltraités gardent des connexions neuronales altérées »
Quand je lis ceci ça me fait penser à des fils de couleurs différents et des plombs qui sont reliés entre eux pour fonctionner. Et s’il manque soit un fil où un plomb ça fonctionne de travers, le court-jus passe mal et ça peut disjoncter.
Alors me concernant « la myélinisation » ça ne s’est pas vraiment fait, j’étais déjà maltraitée sachant qu’à peine trois ans j’ai été laissée dans un état critique et hospitalisée.
Mon cerveau se développait déjà en mode de survi et si j’ai bien compris il a continué à ce développe ainsi.
Ah ça les émotions c’est sûr que c’est compliqué non seulement à les comprendre mais aussi à bien faire la différence entre elles quand celles-ci se présentent, y compris pour leur intensité, et pour les ressentir convenablement.
Parfois j’ai cette impression qu’à ce niveau là il me manque un morceau de cerveau, où que ça s’est atrophié à cause des maltraitances diverses.
Modifier oui mais jusqu’à quel point ? et si c’est remédiable ?
Ce mot ressort souvent ça doit être « une pièce » importante pour un fonctionnement logique du cerveau. J’écris logique car écrire le mot « normal » je ne sais pas ce qui fonctionne d’une façon normale où pas finalement. Mon cerveau a appris à disjoncter régulièrement pour survivre, disjoncter = dissociations.
Oui suicidaire ça je le sais une partie émotionnelle est comme ça.
Dépressif par contre la différence ?
J’ai remarqué une chose me concernant, j’ai besoin de savoir la différence entre ça et ça pour pouvoir comprendre, et faire la différence, sinon je ne comprends pas, mon cerveau ne capte pas.
Parfois je me dis que j’ai un cerveau mais pas mal atrophié, et qu’il passe par d’autres voies pour pouvoir fonctionner le mieux possible.
Béatrice Mémoire-Peinte
Un dessin ?
Oui Béatrice c’est ce qu’on travaille principalement depuis des années avec l’art-thérapie : moins de scarifications, plus de tentative de suicide et vous arrivez à exprimer vos émotions et à savoir ce qu’elles sont et à quoi elles servent.
Emmanuelle Cesari
Oui un dessin avec un peu d’humour, je vais réfléchir à cela 🙂 avec un texte.
Mais avant j’en fini un pour demain.
« Oui Béatrice c’est ce qu’on travaille principalement depuis des années avec l’art-thérapie : moins de scarifications, plus de tentative de suicide et vous arrivez à exprimer vos émotions et à savoir ce qu’elles sont et à quoi elles servent. »
oui c’est vrai. même si les scarifications reste très fragiles encore… Béatrice adulte elle ne veux plus se tuer. Et oui c’est grâce ce travail et à l’art thérapie. Et j’en suis fière.
Emmanuelle, mon dessin va être trop bizarre mais il sera original…:)
Béatrice Mémoire-Peinte