Justice réparatrice, une illusion ? par Kieser ’l Baz

Samedi 28 juillet 2012
Associer la société, les délinquants et les victimes dans une même action responsable.
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Voilà pour le cadre général qui peut concerner tous les crimes et délits. Par contre, en ce qui concerne les crimes sexuels, les crimes pédosexuels, les crimes pédosexuels intrafamiliaux il nous faut apporter quelques indications importantes.
Dans ce genre d’affaire, le prédateur est souvent un terrible chasseur, rusé, dépourvu d’empathie et manipulateur. Sa victime, est réduite au rang d’objet. Ces prédateurs demeurent peu accessibles au remord. Si pour la plupart des crimes et délits classiques, le mobile est matériel, la victime spoliée est distincte du bien spolié. Elle demeure donc une personne et le criminel peut opérer cette distinction facilement car elle existe dès la commission du crime. Dans le cas des crimes sexuels, des violences familiales, des prédations et abus intrafamiliaux, la victime est l’objet du crime, elle n’est que ça et elle le demeurera longtemps dans l’esprit du criminel.
Elle est la victime, elle est aussi l’objet du crime !
Qu’on le veuille ou non, la spoliation est double ! Et on ne peut comprendre sa véritable blessure si on l’assimile à la victime d’un braquage, par exemple. C’est un des facteurs à prendre en compte dans ces affaires, on l’oublie souvent. Avant de discourir sur le bien fondé de telle ou telle mesure à l’encontre des criminels ou au profit supposé des victimes, il faudra déjà distinguer à quel genre de crime nous avons à faire, quel genre de criminel est en cause.
Avant de parvenir à une réparation, il faudra donc opérer une première mutation : rendre à la victime sa dimension de personne. Cela implique un travail en amont de la part des opérateurs sociaux. Dans ce cas, les programmes de « justice réparatrice » doivent comporter deux volets d’intervention supportés par des protocoles différents.
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Commentaire de Jacques Lecomte à La Justice réparatrice, ou comment pousser les victimes d’abus à pardonner à leur agresseur

11 juillet 2012
par Ceri
En france les victimes de viols sont méprisées, niées, bafouées. Pour illustrer ces propos, abordons seulement la situation des victimes d’Outreau. Combien sont à nouveau en contact avec leurs agresseurs ? Myriam Badaoui, jugée coupable de viols et de proxénétisme (entre autres) sur ses quatre enfants, est donc sortie de prison en septembre. Elle peut revoir ses enfants et leur bourrer le crâne de nouveau. Mais ce processus va se généraliser avec cette « justice réparatrice », qui consiste à pousser les vcitimes à pardonner aux coupables.
Que s’est empressée de faire Badaoui avant même de sortir de prison ? Tenter de reprendre contact avec Chérif, son fils aîné, et aussi avec les trois autres. Si les deux premiers refusent de la voir, le troisième est aujourd’hui en contact avec elle, bien que la Justice l’ait interdit. Quant au dernier, la juge d’application des peines a refusé que Badaoui le voit avant ses 18 ans. Aujourd’hui, au contraire, les services sociaux, avec l’aval de la Justice, favorisent le rapprochement de Badaoui avec ses deux plus jeunes enfants. Et miracle : il est désormais question de mettre sur pied une association pour dire que finalement, tout ou presque était faux dans ce qu’on dit les victimes, pourtant reconnues comme telles pour 12 d’entre elles.
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par Jacques Lecomte :
Je suis l’un des experts francophones de la psychologie positive. Voir ma présentation sur le site que j’ai créé, entièrement consacré à cette discipline : http://www.psychologie-positive.net/

Votre article fait largement référence à un rapport de l’association Arsinoe de 2011. En fait, il ne s’agit pas d’un rapport mais des actes d’un colloque. Mais passons, ceci n’est pas essentiel. Je suis bien placé pour en parler puisque j’étais l’un des conférenciers invités, le titre de mon intervention étant précisément : « La justice restauratrice au service de la reconstruction des victimes » (références ci-dessous).
Le problème est que vous n’avez pas lu ce livre et que vous n’en parlez qu’à partir d’informations de seconde main. Qu’est-ce qui me permet d’affirmer cela ? Tout d’abord, il n’y a dans ce livre aucun chapitre intitulé « Le pardon », contrairement à ce que vous affirmez.
Par ailleurs, vous écrivez : « On nous dit, sans évidemment citer aucune source, que grâce à la « justice réparatrice », « entre 80 et 100% des victimes se sentent vraiment prises en compte« . Alleluia. »
Vous vous trompez (et vous trompez vos lecteurs, ce qui est plus grave) puisque je fournis les références de multiples recherches effectuées dans ce domaine. Je vous conseille donc de lire ce que j’ai écrit, non des comptes-rendus de deuxième main. Je ne citerai ici que le passage auquel vous faites allusion, avec la référence scientifique : « 80 à 100 % des victimes déclarent être satisfaits du processus et de l’accord qui en a résulté et recommanderaient une médiation à d’autres victimes.
Umbreit M. S., Vos B. & Coates R. B. (2006). Restorative justice dialogue, Evidence-based practice, Center for Restorative justice & Peacemaking, University of Minnesota, p. 4.
Ce document d’Umbreit, Vos et Coates est d’ailleurs disponible sur Internet :
Par ailleurs, vous écrivez : « en obligeant la victime à revoir son agresseur et à lui pardonner, l’agresseur devient un « ex agresseur » et n’est plus susceptible de récidiver (on rêve !). »
Ce passage montre que vous connaissez mal la justice restauratrice. D’une part, il n’y a évidemment aucune obligation pour les victimes ; ne viennent en justice restauratrice que celles qui le souhaitent. Certes, il se peut que dans certains cas, des victimes aient été poussées à le faire, mais c’est alors une aberration ponctuelle, contraire aux principes de la justice restauratrice. D’autre part, le pardon n’est aucunement un objectif de la justice restauratrice. Celle-ci a pour premier objectif la reconstruction des victimes. Il est vrai que certaines victimes pardonnent à leur agresseur, mais c’est loin d’être une généralité, et lorsque c’est le cas, c’est un choix personnel de la victime, sans pression de la part de la justice.
Sur la question de la récidive, les faits sont là : les agresseurs passés par la justice restauratrice récidivent moins que ceux passés par la justice pénale, tout simplement parce que la rencontre avec leur victime leur a généralement fait mieux prendre conscience de la gravité de leur acte.
Je n’ai pas la place ici de détailler précisément les principes et le fonctionnement de la justice restauratrice et je renvoie donc à l’article en question, ainsi qu’à un autre plus complet, de ma plume également.
  Lecomte J. (2011). La justice restauratrice au service de la reconstruction des victimes, in Collectif, Inceste : après les blessures de l’intime, comment retrouver un chemin de vie ?, Actes des journées d’étude, 14 et 15 octobre 2011 à Angers, Chenillé-Changé, Arsinoe, pp. 160-167.
  Lecomte J. (2009). La justice restauratrice, in J. Lecomte (2009). Introduction à la psychologie positive, Paris, Dunod, pp. 257-270.
Je dirai cependant que si la justice restauratrice a été instaurée dans de nombreux pays, c’est précisément à la suite de l’insatisfaction des victimes vis-à-vis du système pénal traditionnel. Elles n’ont pratiquement pas la parole lors des procès (alors qu’elles l’ont très largement en justice restauratrice). Ceci est évidemment tout à fait à l’inverse du « négationnisme de la parole des victimes » auquel vous faites allusion. Ecrire qu’il s’agit d’une justice réparatrice « pour les agresseurs » est un non-sens total. Une attente majeure des victimes est que leur agresseur reconnaisse la souffrance qu’il leur a causée et qu’il leur demande pardon. Cette reconnaissance n’apparaît que rarement en justice pénale traditionnelle alors qu’elle est bien souvent exprimée en justice restauratrice, ce qui explique la différence de taux de satisfaction des victimes (au maximum 25 % de satisfaction en justice pénale, entre 80 et 100 % en justice restauratrice).
Dans ma conférence, j’ai cité l’exemple émouvant de Janet Bakke, abusée sexuellement par son beau-père dans sa jeunesse et qui dit à quel point la rencontre avec son agresseur emprisonné a été bénéfique pour elle, avec notamment ces propos : « mon plus grand regret a été d’aller au tribunal. J’y ai beaucoup perdu ; cela n’avait aucune valeur. (…) Ils m’ont offert (David et Sandy, qui travaillent au sein d’un programme de médiation victime-agresseur) quelque chose que j’avais souhaité toute ma vie : une occasion de rencontrer mon beau-père et de l’interroger sans qu’il puisse s’enfuir. L’écouter admettre vraiment la vérité a été l’un des moments les plus importants de ma vie. C’était la première fois qu’il reconnaissait vraiment qu’il avait fait ces choses. C’était la première fois qu’il ne m’appelait pas une petite salope menteuse. Cela a été une étape de guérison parce que j’avais besoin de lui dire à quel point il avait détruit ma vie. J’étais capable de lui faire face, et je n’avais plus peur de lui. »
Deux remarques pour finir :
  je crois qu’il faut éviter d’employer des expressions comme « négationnisme »  « mabouls de la psychologie », « invention débile ». Cela nuit à un débat serein.
  vous signez par le pseudo Ceri. J’ai cherché en vain votre nom sur votre blog. Je pense que l’anonymat n’est pas une attitude très honnête lorsqu’on aborde des sujets délicats, surtout sur le ton polémique qui est le vôtre.
Jacques Lecomte

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