1/ Livre – Les états limites par Vincent Estellon

Auteur : Vincent Estellon
Editeur : PUF
Collection : Que-sais-je ?
Date de parution : 9/11/2011
EAN13 : 9782130591542
Genre : Poche universitaire – pluridisciplinaire
Langue : français
Format : 17 x 11
Poids : 100g
Nombre de pages : 128

Bien adaptés socialement, professionnellement, voire familialement, certains sujets peuvent bénéficier d’un ancrage à la réalité apparemment solide. Mais très vite, ils révèlent de grandes fragilités : une estime de soi alternant entre sentiment de toute-puissance et vide sidéral, un monde psychique attaqué par de folles angoisses existentielles, un rapport aux autres marqué par une grande souffrance. Ne rentrant résolument pas dans les modèles qui leur sont proposés, ils questionnent sans cesse le rapport entre norme et folie, vérité et mensonge, amour et haine, vie et mort.
Les états limites ont longtemps été regroupés dans un ensemble aux contours peu nets, situé entre la névrose et la psychose. En fait, c’est bien la question de la frontière, de la limite, qui est centrale chez ces patients : la notion de choix est ardue pour les personnalités borderline. Cet ouvrage dresse un panorama des connaissances théoriques et cliniques autour de la pathologie des limites du Moi. 

4/ L’identification à l’agresseur dans les états limites

 Page 68
C’est dans l’article « Confusion de langue entre les adultes et l’enfant »1 que Ferenczi invente cette notion reprise plus tard et différemment par Anna Freud.

Dans des situations extrêmes provoquant détresse et peurs limites (agression grave comme le viol, l’abus sexuel, la maltraitance, les punitions passionnelles où l’enfant ayant commis une bêtise est puni de façon démesurée), l’enfant va pouvoir s’identifier à son agresseur.
S’oubliant complètement pour se mettre au service de l’agresseur, devinant ses moindres désirs, il déjoue d’une certaine manière les attaques et les chocs qui pourraient arriver de manière imprévisible : « La peur devant les adultes déchaînés, fous en quelque sorte, transforme pour ainsi dire l’enfant en psychiatre ; pour se protéger du danger que représentent les adultes sans contrôle, il doit d’abord s’identifier à eux. »
Cette soumission entière assure à l’enfant une certaine maîtrise sur celui qui est susceptible de le surprendre et de l’atteindre. L’identification à l’agresseur donne la possibilité à l’enfant de maintenir une image suffisamment positive du parent – agresseur – dont il dépend pour vivre et subsister. Elle a pour effet de faire disparaître la violence de ce dernier en tant que réalité extérieure : la violence de l’agresseur est intériorisée de sorte que la tendresse originelle peut continuer de se développer à la faveur de l’agresseur. Il est à relever  qu’à partir du moment où l’agresseur est devenu intrapsychique, il perd son statut d’objet pour devenir une partie du Moi. On constate à ce moment précis une des origines de la confusion entre sujet et objet, Moi et non-Moi, entre le dedans et le dehors. Cette configuration particulière ne permet pas à l’autre d’être reconnu dans son altérité. La violence subie est intériorisée de façon confuse, car, la plupart du temps, elle est déniée par l’agresseur lui-même. Dans ce cas, l’enfant ne sait plus mettre des mots sur l’expérience qui lui arrive puisque les mots utilisés par l’agresseur visent à disqualifier son ressenti subjectif.


1. S. Ferenczi (1932), « Confusion de langue entre les adultes et l’enfant », Psychanalyse IV, Œuvres complètes, 1. IV, Paris, Payot, 1982, p. 125-135.

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