Presse – L’écrit et le dessin : Les cris des victimes d’abus sexuels

Publié le 26/11/2017

ROCHE-BAYARD

Xavier ROCHE-BAYARD

Journaliste, rédaction de Loches

Les victimes d’abus sexuels parlent à travers dessins et écrits qu’elles exposent avec l’association Dire & Guérir. Une douleur qu’elles ne cachent plus.

B. parle d’elle dans ses dessins qui sont d’une force et d’une violence incroyable. Incroyable dans le sens « que l’on ne peut pas croire » pour celui qui ne l’a pas vécu. Et dans le sens, plus précisément, de « insoutenable ». Cette violence, B. l’a subie lors de la tuerie de Tours(*) dont elle a été victime. « Je suis une victime qui a subi un post-traumatisme grave à répétition dans mon enfance, j’ai subi la tuerie de Tours », dit B.
Elle expose à travers ses dessins ce qu’elle a vécu, l’expression de ses souffrances, son post-traumatisme, mais aussi sa reconstruction qui n’est pas achevée.

« Je veux faire comprendre que l’art-thérapie aide dans la reconstruction. Grâce à elle, j’ai baissé les médicaments car je dessine. Parfois, je n’ai pas de mot à mettre sur l’indicible ».

Ces mots à elle, ce sont les traits noirs et gris de ses dessins, des couleurs sombres et rouges qui illustrent une vie intérieure meurtrie, torturée, un traumatisme subi enfant que la tuerie de Tours a fait ressurgir. B. a crayonné, peint 500 dessins à ce jour, 500 témoignages de son trauma et de son chemin pour devenir une nouvelle femme, aux plaies pansées.
Les œuvres de B. sont les seules exposées au rez-de-chaussée de la salle des Templiers, à Beaulieu-lès-Loches. Elle le reconnaît avec un petit sourire gêné à l’encontre du visiteur, le sourire de la timidité sans doute, ses dessins sont pesants. Elle dit avoir du mal à les regarder, tant ils sont chargés de douleurs.
A l’étage, ses œuvres prennent de la couleur, signe que la vie, la beauté peut et doit reprendre le dessus. Elles côtoient d’autres témoignages, écrits ou peints. B. n’est pas seule.

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Notes de Emmanuelle Cesari – Master art-thérapeute sur cet article et le suivi de B. :
L’écrit et le dessin ou dessins et écrits

Les recherches actuelles en neurosciences démontrent que les souvenirs traumatisants restent bloqués dans les régions inconscientes du cerveau : dans certain cas de trouble dissociatif comme l’état de stress post-traumatique, le verbal ne suffit pas à traiter l’intégralité des symptômes et le recours au mode implicite devient une nécessité.
Selon l’expérience de Johanne Hamel, la stimulation simultanée des aires somatosensorielles et/ou visuelles et des aires motrices, trace un chemin vers les mémoires implicites, c’est-à-dire vers l’inconscient, en le réveillant. Or, les chemins neurologiques empruntés en art-thérapie, lors de la réalisation d’une image, sont les aires visuelles, kinesthésiques et motrices.
De fait, les art-thérapeutes ont un accès privilégié à ce mode : ce qui ne peut-être dit peut être explicité de façon non-verbale au travers du dessin ou de la peinture. Par exemple, une expérience réalisée dans les années 1990 confirme l’hypothèse selon laquelle…
…dessiner les cauchemars ne retraumatise pas le patient, à l’inverse du langage écrit.

Abus = agression

L’usage du mot « abus » résulte sans doute de la traduction de l’anglais abuse, qui correspond à cette réalité et est donc un « faux ami ». Quoi qu’il en soit, le terme est malencontreusement utilisé en langue française, dans la définition de l’Observatoire de l’Action Sociale Décentralisée (ODAS).
La substitution du mot « abus » par agression ou atteinte sexuelle serait plus appropriée et en parfaite conformité avec les dispositions du Code pénal.
L’expression 
« abus sexuel », devenue courante sous l’influence de 
la terminologie anglo-saxonne (child abuse), n’est pas 
un vocable juridique, et si elle dit bien l’abus de pouvoir, ses connotations sont ambiguës en français : un 
« usage modéré » serait-il licite ?
Abuseur à remplacer par agresseur

Les traumatismes à répétition

Le lien n’est pas clair, dans l’article, entre les traumatismes de viols par inceste de l’enfance et la « Tuerie de Tours ».
Lorsque une personne a subi des traumatismes dans l’enfance qui n’ont pas été pris en charge et qui ne sont donc pas intégrés, si un travail de deuil n’a pas été fait, lorsqu’un autre traumatisme est vécu, il vient en plus et ne peut être intégré. Il est fréquent que réapparaisse le traumatisme précédent et c’est ce qui s’est passé pour Béatrice.
Pour survivre, elle a « oublié la Tuerie de Tours » qui s’est réactivée au moment de l’attentat de Barcelone durant l’été 2017 et nous avons donc travaillé sur l’intégration de ce traumatisme afin qu’elle puisse aller boulevard Béranger sans avoir peur et être sans cesse dans l’évitement en ne pouvant emprunter le boulevard.

Le suivi de B. en art-thérapie

BMP est hyperactive, l’une des conséquences des traumatismes. Elle est suivie en art-thérapie depuis cinq ans et elle a produit plus de 2000 œuvres : des dessins, des collages, des peintures, des aquarelles, des modelages, de la mosaïque. Son mode d’expression préféré reste l’aquarelle.

Les enfants maltraités gardent des connexions neuronales altérées

Les enfants maltraités gardent des connexions neuronales altérées
Par Camille Gaubert
le 28.09.2017
Pour la première fois, il a été montré que les enfants maltraités ont un cerveau qui se développe anormalement. De quoi peut-être expliquer les effets durables des traumatismes de l’enfance.
5 à 15% des enfants de moins de 15 ans subissent des violences physiques et/ou sexuelles sévères dans le monde occidental. Ces sévices augmentent considérablement le risque de dépression et de suicide. Les processus neurobiologiques responsables de cette vulnérabilité accrue restent, aujourd’hui encore, mal compris. Des chercheurs du McGill Group for Suicide Studies viennent de publier à ce sujet dans le prestigieux American Journal of Psychiatry. Ces résultats suggèrent que les effets durables des expériences traumatiques vécues dans l’enfance peuvent être dus à une altération de la structure et du fonctionnement des cellules du cortex cingulaire antérieur, une partie du cerveau qui joue un rôle important dans la régulation des émotions et de l’humeur.

La myéline, élément essentiel au bon fonctionnement des neurones

Pour que le fonctionnement et l’organisation du cerveau soient optimaux, les neurones ont besoin de communiquer avec des cellules distantes via leurs prolongements appelés axones. Les axones, la partie la plus longue du neurone véhiculant l’influx nerveux, sont généralement recouverts et protégés par un revêtement gras appelé myéline. La myélinisation des axones a principalement lieu au cours des deux premières décennies de vie.
En observant la matière blanche (tissus du cerveau et de la moelle épinière principalement constitués de milliards de fibres nerveuses myélinisées) de personnes ayant subit des sévices dans l’enfance, des études antérieures avaient déjà constaté la présence d’anomalies significatives. Mais, parce que ces observations ont été faites par IRM sur le cerveau de personnes vivantes, il était impossible de savoir avec plus de précision quelles cellules et molécules étaient affectées au sein de la matière blanche.

La maltraitance directement liée à une mauvaise connectivité neuronale

C’est pour approfondir ces travaux que les chercheurs du McGill Group for Suicide Studies se sont tournés vers la banque de cerveaux de Douglas-Bell Canada. Ils ont ainsi pu comparer les échantillons de cerveau post-mortem de trois groupes d’adultes : des personnes qui se sont suicidées suite à une dépression avec (27 personnes) ou sans (25 individus) antécédents de sévices sévères et des sujets de contrôle psychologiquement sains (26 personnes).
Résultat : seules les personnes maltraitées lors de l’enfance montraient une diminution de l’épaisseur du revêtement de myéline de leurs fibres nerveuses. En investiguant plus avant, les chercheurs constatent chez ces sujets un défaut de production de myéline au niveau de l’ADN des cellules responsables de la générer et de l’entretenir.

Vers une dérégulation du traitement des émotions

Les auteurs avancent qu’ensemble, ces changements peuvent altérer le couplage fonctionnel entre des zones du cerveau liées à la régulation émotionnelle et à la récompense (le cortex cingulaire et les structures sous-corticales telles que l’amygdale et le noyau) et contribuent à modifier le traitement des émotions chez les personnes qui ont été maltraitées pendant l’enfance. Ils pensent que ces changements, provoqués à un stade précoce du développement, peuvent contribuer à l’apparition de troubles dépressifs et de comportements suicidaires.

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