La dimension empirique de l’inceste par Dorothée Dussy

Dorothée Dussy
Ethnologue, Chargée de recherche au CNRS
Iris – EHESS, 54 boulevard Raspail, 75006 Paris
dorothee.dussy@ehess.fr

Domaines de recherche

Dorothée Dussy travaille actuellement sur la dimension empirique de l’inceste à partir d’enquêtes menées en France et au Québec. Dans la perspective où elle l’aborde, l’inceste n’est pas une catégorie symbolique à étudier à partir des règles qui l’interdisent. L’inceste est posé comme un ordre social qui, tout en l’interdisant en théorie, admet l’abus sexuel commis sur un enfant dans sa famille. Il s’agit ainsi d’en décrire les mécanismes de reproduction, de saisir les modalités de la mise au silence des membres de la famille et les valeurs, déclinées autour de la discrétion.
Un premier terrain dans des associations d’aide aux victimes, à Paris et à Montréal, auprès d’adultes anciens enfants incestés permet de réfléchir au contenu normatif d’un double apprentissage contradictoire : savoir, pour l’avoir appris comme tout le monde, que les parents sont protecteurs et que l’inceste est interdit, et parallèlement, être au quotidien violé chez soi par un parent, sans que rien n’en soit dit, ni par celle, ou celui ou ceux qui commettent ces viols, ni par l’entourage. Il s’agit de comprendre comment, dans ce contexte, se construit par exemple la distinction entre le répréhensible et l’admis, le vrai et le faux, le dangereux et l’inoffensif, le bon et le mauvais pour soi et pour les autres. Un second terrain est mené auprès d’agresseurs incestueux incarcérés au Québec ou en France, ou en suivi thérapeutique sur injonction judiciaire. Ce volet d’enquête s’appuie principalement sur des entretiens traitant de ce qui est dit de et sur l’inceste, où est étudié le statut des paroles (de justification, de dénonciation, de révélation…) qui entourent la situation incestueuse à un moment donné.

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Sur le syndrome du sauveur

« Le sauveur doit d’abord prendre conscience que son besoin maladif d’aider les autres n’est rien d’autre qu’une nourriture à ego », observe Christel Petitcollin.
Aussi, pour sortir du piège du sauvetage inadéquat, la psychothérapeute conseille de se remémorer les cinq conditions d’une « aide saine » :
1/ la demande d’aide doit être clairement verbalisée ;
2/  elle doit être cadrée dans le temps et dans son contenu
(« Voilà ce que je peux faire pour toi, jusqu’à… ») ;
3/ cette aide doit comporter une contrepartie afin que l’autre ne se sente pas en dette ;
4/  l’aidant ne doit jamais faire plus de 50 % du chemin et doit vérifier que la personne aidée a fait sa part ;
5/ enfin, l’aide doit toujours avoir pour but de rendre l’autre autonome
(mieux vaut lui apprendre à pêcher que lui donner du poisson).
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