Le système familial incestueux

Logo-ArcaP. Bauchet : membre-chercheur à l’Association de recherches en criminologie appliquée (Arca).
E. Dieu : Criminologue et Président de l’Arca.
O. Sorel : Dr Psychologie, laboratoire de Psychologie des Ages de la vie (Univ.Tours).

Résumé

L’inceste, interdit et tabou fondamental, interroge nombre de chercheurs du fait de la fréquence de sa transgression.
Parmi eux les systémiciens qui, considérant la famille comme un système, étudient l’inceste à partir du postulat que la dynamique familiale est influencée par chacun de ses membres : les rôles de la victime et de l’agresseur ne sont donc pas plus importants que ceux des autres personnes de la famille ; ainsi, plusieurs typologies de familles incestueuses ont été établies, présentant toutes malgré tout des caractéristiques semblables.
De plus, la variabilité des systèmes familiaux entraîne plusieurs types d’incestes possibles :
en effet, les relations familiales influent sur les modalités de la situation incestueuse qui peut être violente ou pacifique, plus ou moins prolongée et intense, et qui peut impliquer différents acteurs.
Dans le schéma familial traditionnel, les trois incestes rencontrés que sont l’inceste paternel, l’inceste maternel, et l’inceste fraternel témoignent dans leurs modalités d’un système particulier.
Dans le cas où l’agresseur est le père, la mère a une part de responsabilité dans l’instauration de la relation incestueuse : ces mères de victimes possèdent des traits de personnalité communs qui expliquent la non-dénonciation des faits ou la tendance à ne pas voir, c’est-à-dire leur complicité passive ; quant à la mère de l’agresseur, elle est elle aussi impliquée puisque responsable de la construction de la personnalité de son enfant.

Introduction

L’inceste, un interdit fondamental

Le terme « inceste » qui vient du latin incestrum, signifie non chaste, souillé, impur. Cette perversion, ou déviation sexuelle par rapport à une norme, décrit une relation sexuelle entre individus d’une même famille, au sens large du terme : elle peut avoir lieu dans un contexte  intranucléaire c’est-à-dire au sein du noyau de la cellule familiale (par exemple, un père qui inceste sa fille) ou extranucléaire (par exemple, un oncle  maternel qui  inceste  sa  nièce) ; de  même, la transgression de l’interdit existe lorsque l’agresseur fait fonction de parent (père adoptif, beau-père…). Autrement dit, il y a inceste quand le mariage est impossible comme l’indique les articles 161 et suivants du code civil.

Art 161 : « En ligne directe, le mariage est prohibé entre tous les ascendants et descendants et les alliés dans la m.me ligne. » ;  Art 162 : « En ligne collatérale, le mariage est prohibé, entre le frère et la sœur. » Art 163 : « Le mariage est encore prohibé entre l’oncle et la nièce, la tante et le neveu. »

L’approche psychanalytique analyse l’inceste comme un tabou fondamental (Freud, 1913). En effet, il suppose qu’à l’origine de l’humanité existait une horde primitive, groupement humain sous l’autorité d’un père tout-puissant qui possède seul l’accès aux femmes ; les fils du père, jaloux de ne pouvoir posséder les femmes, se rebellèrent et le tuèrent, pour le manger en un repas totémique. Une fois le festin consommé, le remords se serait emparé d’eux, qui érigèrent en l’honneur du père, et par peur de ses représailles, un totem, son image. Afin que la situation ne se reproduise pas, et pour ne pas risquer le courroux du père incorporé, les fils établirent des règles, correspondant aux deux tabous principaux : la proscription frappant les femmes appartenant au même totem (inceste) et l’interdiction de tuer le totem (parricide).

FREUD, Totem et Tabou (1913), Paris, Payot, coll. « Petite Bibliothèque Payot », 2001.

Mais bien que l’interdit soit clairement posé, l’ethnologue Lévi-Strauss note que l’inceste se rencontre dans différentes sociétés et à travers diverses époques, ce qui interroge son universalité. Ainsi, il est pratiqué par les Incas ; ou encore, jusqu’en 1850 en Angleterre, on ne pouvait pas, même veuf, épouser la sœur de sa femme. Par ailleurs, on note sa relative  fréquence dans les grands mythes fondateurs, notamment le  mythe d’Œdipe, qui donna lieu au complexe d’Œdipe en psychanalyse : ce jeune homme, à la recherche de ses parents, tue  un homme sans savoir qu’il s’agit de son père Laïos et épouse la reine de Thèbes sans savoir qu’elle est sa mère Jocaste ; quand la vérité éclate, Jocaste se suicide, Œdipe se crève les yeux, et les enfants qu’ils ont eu ensemble sont chassés de la ville, maudits par l’inceste de leurs parents.

LEVI-STRAUSS, C., (1949). « Les structures élémentaires de la parenté », Paris, Presses universitaires de France.

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Famille dysfonctionelle

Logo-Psy-a-MontrealLa famille dysfonctionnelle fait référence à un système familial relativement stressant, voire malsain,  au moment de l’enfance et/ou l’adolescence, qui fausse les repères par la suite et contamine l’humeur ou la personnalité à l’âge adulte.  Au lieu de se constituer en système ouvert et structurant, le système familial dysfonctionnel n’assume pas la fonction de permettre à chacun de développer une identité propre,  une autonomie normale et de développer des relations saines à l’intérieur comme à l’extérieur de son giron.

Dans la famille, les enfants et les adolescents sont assujettis aux adultes qui exercent l’autorité sur eux. Une autorité saine et rassurante permet d’encadrer et de soutenir les jeunes. Inversement, la violence, la cruauté, les abus de la  part des parents instaureront des rapports  de type sadique sur l’enfant.  De même, une autorité parentale débonnaire, caractérisée par le laisser-faire ou la négligence, laisse les enfants sans structure suffisante pour  se développer.

Les tensions entre les membres d’une même famille ne sont pas rares et dégénèrent parfois en conflits de toutes sortes (vexations, pressions néfastes, blâmes, engueulades, membres qui ne se parlent plus etc.). Ces dynamiques peuvent  entretenir, chez les personnes qui les vivent, des malaises, de l’anxiété, une pauvre estime de soi, des frustrations et autres émotions négatives.

Les rivalités entre frères et sœurs sont un phénomène normal et universel. Toutefois, faute d’être régulées par une autorité parentale compétente, elle deviennent alors excessives et viennent souvent empoisonner les relations familiales, parfois durant de longues années.

Les blessures d’enfance ou conflits familiaux non-résolus pourront affecter le fonctionnement de l’individu, qui, une fois adulte, ressentira souvent des malaises sous diverses formes : culpabilité, pauvre estime de soi, mode de relations instables, conflictuelles, incapacité de réguler ses propres émotions, insatisfaction chronique etc.  Les modes conflictuels de relations que cet individu aura vécu dans l’enfance pourront se rejouer de façon analogue dans sa vie adulte, dans ses rapports sociaux ou de collégialité, d’où l’importance qu’il en  prenne  conscience en vue de les régler.

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