Sortis des griffes des terroristes, d’anciens otages racontent leur vie d’après


Sortis des griffes des terroristes, d’anciens otages racontent leur vie d’après
Par Caroline Piquet
17/04/2018
TÉMOIGNAGES – Ils se sont retrouvés enfermés, contraints de ne pas bouger, parfois obligés d’obéir aux ordres de fanatiques. Comme Julie, cette caissière sauvée par le gendarme Beltrame, ils ont eu le temps de voir la mort en face et sont aujourd’hui en vie. Quatre anciens otages témoignent de leur longue reconstruction.

Depuis le 23 mars, jour où elle a été sauvée par le gendarme Beltrame, Julie V. vit bouleversée et recluse chez elle. « Je lui souhaite bon courage car je la comprends très bien », réagit Rachid Drabli, ancien otage de l’Airbus Alger-Paris en 1994. « Elle est terrorisée et choquée mais elle ne doit pas rester enfermée, conseille-t-il. Elle doit se faire aider et parler à ses proches. » À Dammartin-en-Goële, Michel Catalano, ex-otage des frères Kouachi, « pense beaucoup à elle » car « trois ans après, c’est encore difficile ». Comment vivre quand on a frôlé la mort aux mains de terroristes ? Comment se reconstruire ? Un événement traumatisant comme une prise d’otage laisse des traces et s’attaque à toutes les habitudes de vie. Quatre rescapés ont accepté de nous raconter les jours, les mois et les années d’après.

Sidération

Certains, comme Julie, ont d’abord eu besoin de s’enfermer. Rachid Drabli, ex-otage de Marignane, est resté plusieurs jours chez lui. « Ma famille et mes amis sont venus me voir. Pendant une semaine, j’ai répété la même chose et puis j’ai fini par aller voir un médecin ». Pour le Dr Nathalie Prieto, psychiatre et référente nationale des cellules d’urgence médico-psychologique (CUMP), ce genre de réactions est classique. « L’évitement est généré par la peur de sortir et s’associe souvent à un mouvement de tristesse. On s’enferme parce qu’on a l’impression que ça va recommencer », analyse-t-elle.
D’autres, au contraire, ont cherché à extérioriser. Bruno Poncet, 45 ans, otage pendant une heure et demie au Bataclan, a très vite parlé. Le matin du 14 novembre, une fois libéré, « j’étais surexcité, je n’arrivais pas à dormir », se souvient-il. « Arrivé chez moi, j’ai tout raconté à ma femme, mais avec beaucoup de distance, comme si je sortais d’une séance de cinéma ». Les jours …

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La sidération : pour aller plus loin

logo Mémoire traumatique et victimologieMise en ligne le 15 août 2016

Souvent comparée à un « court-circuit du cerveau », la sidération touche particulièrement les victimes de violences sexuelles. En les paralysant, elle les empêche de se défendre ou de fuir leur agresseur.

Définition

Il s’agit de mécanismes psychologiques et neurobiologiques exceptionnels de sauvegarde exceptionnels qui se mettent en place lors du traumatisme. Les traumatismes qui sont susceptibles d’être à l’origine de ces mécanismes psychotraumatismes sont ceux qui sont vont menacer l’intégrité physique (confrontation à sa propre mort ou à la mort d’autrui) ou l’intégrité psychique . Il s’agit des situations terrorisantes par leur anormalité, leur caractère dégradant, inhumain, humiliant, injuste, incompréhensible. (L’horreur de la situation va être à l’origine d’un état de stress dépassé représentant un risque vital).

Quand sont mis en place ces mécanismes psychotraumatiques ?

Ces mécanismes psychotraumatiques sont mis en place par le cerveau pour échapper à un risque vital intrinsèque cardiovasculaire et neurologique. Ce risque est induit par une réponse émotionnelle dépassée et non contrôlée. Cela se produit quand la situation stressante ne va pas pouvoir être intégrée corticalement. On parle alors d’une effraction psychique responsable d’une sidération psychique.

Qui est responsable de cette effraction psychique ?

Le non-sens de la violence, son caractère impensable sont responsables de cette effraction psychique. Ce non-sens envahit alors totalement l’espace psychique et bloque toutes les représentations mentales. La vie psychique s’arrête, le discours intérieur qui analyse en permanence tout ce qu’une personne est en train de vivre est interrompu. Il n’y a plus d’accès à la parole et à la pensée, c’est le vide… il n’y a plus qu’un état de stress extrême qui ne pourra ni être calmé, ni être modulé par des représentations mentales qui sont en panne.

Les conséquences du stress extrême

Le stress extrême entraîne un risque vital pour l’organisme, et comme dans un circuit électrique en survoltage. Le cortex va faire disjoncter le circuit émotionnel par l’intermédiaire de mécanismes neurobiologiques de sauvegarde exceptionnels. Ils vont être responsables d’une déconnexion du circuit de réponse au stress qui s’apparente donc à un court-circuit pour protéger les organes comme le cerveau, le cœur et les vaisseaux. Cette disjonction entraîne une mémoire traumatique et une dissociation avec anesthésie psychique et physique.

La disjonction du circuit émotionnel , pour échapper au risque vital crée par le survoltage émotionnel, ne se déclenche que si les représentations mentales face à la violence sont en échec. Elles sont aussi dans l’incapacité de moduler ou d’éteindre la réponse émotionnelle et d’empêcher ainsi un survoltage émotionnel.

Ces mécanismes psychotraumatiques sont à l’origine des conséquences les plus graves et les plus fréquentes des violences et d’un état de souffrance permanent. Si ces conséquences ne sont pas prises en charge elles risquent de transformer la vie des victimes en “un enfer”. C’est “un état de guerre permanente”, « sans espoir de s’en sortir ».
Ce sont des conséquences normales de situations anormales.

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