La molécule qui efface les pensées indésirables

La molécule qui efface les pensées indésirables
21/11/2017
Par Bénédicte Salthun-Lassalle
rédactrice en chef adjointe à Cerveau & Psycho.
Pour la première fois, on a identifié la molécule qui bloque, dans le centre cérébral de la mémoire (l’hippocampe), le rappel des souvenirs, pensées ou images intrusives.
Il est tard, vous êtes couché, mais ne trouvez pas le sommeil, car vous ruminez sans cesse l’altercation que vous avez eue dans la journée avec votre collègue… Ce souvenir intrusif tourne en boucle dans votre cerveau. Essayez de l’oublier et il semble encore plus intense : difficile de contrôler vos pensées conscientes. Peut-on supprimer ces idées noires ? L’équipe de Michael Anderson, de l’université de Cambridge en Angleterre, a montré que l’on était capable d’inhiber ce genre de pensées, et surtout, ils ont identifié la molécule et le mécanisme mis en jeu.

Les souvenirs intrusifs, les hallucinations, les soucis et autres ruminations diminuent notre bien-être et sont caractéristiques de divers troubles mentaux : la schizophrénie, la dépression, l’anxiété ou encore le syndrome de stress post-traumatique. Pour bloquer ces processus mentaux indésirables, le cortex préfrontal latéral, à l’avant du cerveau, joue un rôle majeur : il contrôle et inhibe l’activité de nos souvenirs quand c’est nécessaire, tout comme il est capable de bloquer nos actes ou réflexes moteurs. Mais on sait que dans les pathologies évoquées ci-dessus, les patients ayant des pensées obsessionnelles présentent souvent une hyperactivité de l’hippocampe, le centre cérébral de la mémoire. Or ce dernier est rarement examiné quand il s’agit de comprendre le contrôle inhibiteur qu’exerce le cortex préfrontal sur les autres régions cérébrales. C’est donc ce qu’ont fait Anderson et ses collègues, en supposant qu’un manque d’inhibition de l’hippocampe provoquerait un excès de pensées indésirables.

Quelle est la molécule cérébrale inhibitrice par excellence, qui diminue l’activité des autres neurones ? Le GABA, un neurotransmetteur libéré par des interneurones, présents dans presque toutes les régions cérébrales. Quel est le lien entre le cortex préfrontal, l’hippocampe et la concentration de GABA ? Pour le déterminer, les chercheurs ont demandé à 24 Anglais âgés de 19 à 36 ans, en bonne santé mentale et physique, de réaliser une tâche de type Think – No Think : ils apprenaient d’abord des paires de mots n’ayant aucun lien (épreuve / gardon, mousse / nord, etc.), puis, quand on leur présentait un des deux mots, ils devaient se rappeler le mot associé si le voyant situé devant eux était vert, ou s’empêcher de répondre si le voyant était rouge. Leur activité cérébrale était mesurée en imagerie par résonance magnétique fonctionnelle pendant cet exercice, ainsi que leur taux de GABA en spectroscopie par résonance magnétique.

Résultat : les participants arrivaient à inhiber le souvenir du mot associé quand on le leur demandait. Et cette inhibition était d’autant plus efficace que les concentrations de GABA dans l’hippocampe étaient élevées, celui-ci étant alors moins actif. En parallèle, l’activité du cortex préfrontal était plus importante lors du contrôle des pensées, mais la concentration de GABA dans cette région n’avaient rien à voir avec le fait de réussir la tâche. En outre, les chercheurs demandaient aussi aux sujets de contrôler une action : dans ce cas, l’activité de l’hippocampe et le taux de GABA dans cette zone n’étaient pas liés au contrôle inhibiteur moteur, alors que le cortex préfrontal était bien mis en jeu. Preuve que cette voie aujourd’hui mise en évidence entre le cortex préfrontal et l’hippocampe est bien spécifique du contrôle des pensées conscientes.

Ainsi, il existe un contrôle inhibiteur entre le cortex préfrontal et l’hippocampe : le premier stimule le réseau d’interneurones inhibiteurs GABAergiques du second, ce qui diminue le rappel de pensées conscientes. Moins de GABA dans l’hippocampe, c’est moins d’inhibition, et donc davantage de mauvais souvenirs, de ruminations, d’idées intrusives. Peut-être sera-t-il un jour possible d’augmenter les taux de GABA dans l’hippocampe pour contrôler les souvenirs indésirables, notamment chez les patients souffrant de maladies mentales ? Les anxiolytiques, comme les benzodiazépines, le font déjà en quelque sorte, en améliorant l’efficacité du GABA, et donc en diminuant l’hyperexcitabilité cérébrale, mais pas de façon ciblée dans l’hippocampe.

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Guillaume Valette – † 19 novembre 2017


La famille du rescapé du Bataclan qui s’est suicidé veut rétablir la vérité
« La seule chose que mon frère ait refusé, c’est d’adhérer à une association de victimes », confie le frère de Guillaume Valette au « HuffPost ».
27/11/2017

Annabel Benhaiem Journaliste, responsable de la rubrique Ça Marche

 

ATTENTATS – « Mon frère a bien été suivi médicalement et soutenu par sa famille depuis deux ans », tempête le frère de Guillaume Valette. Ce dernier est le jeune homme rescapé de l’attentat du Bataclan, qui s’est suicidé dans la semaine du 13 novembre 2017.
La colère du frère, qui souhaite rester anonyme, trouve son origine dans un communiqué publié sur Facebook par l’association de victimes 13onze15 – Fraternité et vérité. On pouvait y lire:

« Guillaume était âgé de 31 ans, il était présent au Bataclan lors de l’attaque terroriste et n’avait souhaité se faire aider ni par sa famille, ni par l’une des associations de victimes (« 13onze15 – Fraternité et Vérité » ou « Life For Paris »), il voulait rester seul. »

« Nous avons été là depuis le début »

« Cette phrase a été reprise dans de nombreux médias, précise le frère de la victime au HuffPost, c’est dur pour mes parents, mon autre frère et moi, pour tout le monde. Nous avons été là depuis le début pour Guillaume. Nous l’avons accompagné à l’hôpital le lendemain de l’attentat pour l’aider à sa prise en charge médicale. Pareil lorsqu’il a rechuté en septembre. Nous étions proches de lui. Bien sûr, c’était un adulte, il en disait sûrement plus à sa thérapeute qu’à nous, mais cela ne signifie pas qu’il refusait l’aide de sa famille. »

Se justifier sur ce point, l’exercice est insoutenable pour cette famille endeuillée… D’autant plus que l’association s’est trompée une première fois, en écrivant que le jeune homme avait refusé tout soin.

« J’ai dû appeler pour rectifier avant que nous nous rendions à la cérémonie d’hommage devant le Bataclan samedi 25 novembre. »

Le frère de Guillaume appelle alors avec France victimes, son unique interlocuteur, qui a organisé l’hommage. France victimes, avec qui Le HuffPost s’est entretenu, promet de relayer la rectification auprès de 13onze15. Cette dernière publie une note à son communiqué, mais elle est encore erronée.
Contactée par le Le HuffPost, 13onze15 plaide pour une incompréhension au moment du relais d’information.

La seule chose que mon frère ait refusé, c’est d’adhérer à une association de victimes

Les médias continuent de publier ces mauvaises informations sur l’histoire de Guillaume, n’imaginant pas que l’association, seule entité à avoir annoncé le décès, ait pu se tromper.

« Note : 25/11. Ce message a été modifié à la demande de la famille de Guillaume qui souhaite préciser qu’il était suivi par psychologue et psychiatre et que le refus de soutien portait plus sur les associations et la famille (sans doute pour la protéger). »

Là encore, le frère de Guillaume tique devant cette phrase : « Le refus de soutien portait plus sur les associations et la famille (sans doute pour la protéger) ».
« La seule chose que mon frère ait clairement refusé, précise le frère au HuffPost, c’est d’adhérer à une association de victimes. Je crois qu’il ne voulait pas se retrouver avec les autres victimes, c’était trop dur pour lui. »

« Et de leur famille »

L’objectif de la famille de Guillaume Valette n’est pas de susciter un conflit avec les associations, mais de prévenir des risques de la diffusion de fausses informations.
Comme l’évoquait le frère de Guillaume dans son discours lors de l’hommage devant le Bataclan, « la tragédie qui nous réunit doit servir de témoignage pour que des moyens adaptés et efficaces soient mis en place pour soigner les plaies à la fois physiques et psychologiques des victimes, des rescapés et de leur famille. » Et de leur famille.

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