Le terrorisme a gagné une bataille

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Evelyne Josse
Psychologue,
Maître de conférences à l’Université de Lorraine (Metz)
Août 2016

Des effets psychologiques et sociaux recherchés par les terroristes

En 1962, le philosophe et politologue français Raymond Aron qualifiait de terroriste : « une action de violence dont les effets psychologiques sont hors de proportion avec ses résultats purement physiques » [1]. Bien plus qu’il ne veut éliminer des individus, le terrorisme aspire à propager l’horreur, l’indignation, la répulsion et la terreur au sein d’une population ciblée. Il cherche moins à tuer qu’à tuer abominablement ; il vise moins à tuer en masse qu’à propager l’effroi.

Certes, les exactions terroristes perpétrées en Europe depuis janvier 2015 ont arraché la vie à de nombreuses personnes et la probabilité d’être impliqué dans une attaque terroriste n’a jamais été aussi élevée dans nos sociétés démocratiques
 [2]. Il n’en reste pas moins que l’atmosphère de menace qui s’installe est largement disproportionnée par rapport au risque réel encouru par chaque citoyen d’être touché dans sa vie personnelle.

La portée psychologique et sociale du terrorisme est telle qu’elle conserve sa puissance même lorsqu’un acte est déjoué. Pensons à la tentative d’attaque à l’arme à feu dans le train à grande vitesse Thalys en août 2015 sur la ligne Amsterdam-Paris. Depuis, dans les gares et les trains, les contrôles policiers ont été renforcés et l’éventualité d’être ciblé par la violence aveugle de radicaux islamistes, lorsqu’elle ne donne pas le frisson aux voyageurs, traverse au moins l’esprit de la majorité d’entre eux. Les effets produits sont ainsi sembables à ceux attendus par les commanditaires d’une action réussie.
Aujourd’hui, en raison de la menace d’une nouvelle action terroriste, toute agression inexpliquée implique d’emblée d’envisager la piste terroriste. Et il en est de même des accidents aéronautiques, des explosions, etc. La hantise d’un nouvel événement terroriste est l’alliée de la stratégie de la terreur. La terreur est à la fois le moyen des terroristes et leur objectif.

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Comment vivre avec la situation pesante que traverse le pays ?

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Anna Pereira

publié le

Nice, Saint-Etienne-du-Rouvray… Comment vivre avec l’idée d’un danger qui plane en permanence ?

Comment vivre avec la situation pesante que traverse le pays depuis l’attaque de Charlie Hebdo en janvier 2015 ? Voici ce que conseille un expert en psychiatrie des catastrophes.

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Comment continuer à vivre avec l’idée d’un danger qui plane en permanence ? Comment gérer ses angoisses au quotidien ? Peut-on s’habituer aux annonces régulières de drames meurtriers aussi proches ? Pour essayer d’éclairer la question, francetv info a interrogé Christian Navarre, psychiatre responsable de la cellule d’urgence médico-psychologique du centre hospitalier de Rouen, auteur de Psy des catastrophes (éditions Imago).

Francetv info : Faut-il changer notre façon d’envisager le monde, face aux derniers évènements ?

Christian Navarre : La première chose à intégrer est un changement de notre société sur le long terme. Auparavant, la France était considérée comme un sanctuaire, quand bien même les derniers attentats ne dataient que de 1995. C’est une forme de déni par rapport à ce qui se passe depuis déjà des années à l’international. On parle là d’une notion en particulier : « l’oubli à mesure », c’est-à-dire ne pas voir ou ne pas vouloir intégrer le principe de réalité.

Il faut donc commencer par essayer d’appréhender ce nouveau climat qui s’installe en profondeur, est donc d’intégrer la réalité. Il faut prendre conscience, « accepter » la situation, pour pouvoir ensuite dépasser l’état initial de choc et d’incompréhension. Nous sommes maintenant dans un monde de tensions permanentes, qui entraînent des ripostes à long terme. Mais nous avons tendance, après chaque attentat, avec le temps qui passe, à oublier que ça pourrait se reproduire. Nous pensons que nous ne sommes pas encore un pays où des attentats récurrents peuvent devenir la norme.

Mais nous ne sommes pas dans la même situation que des pays où des attentats ont lieu quasiment tous les jours…

Ces pays, qui nous paraissent lointains, sont eux déjà habitués et ont appris a gérer cette situation. Eux ont déjà intégré ce nouveau paradigme. Pour nous, ce n’est pas encore le cas. Les Français doivent aussi commencer à l’appréhender comme étant notre nouvelle réalité.
Le conflit à l’origine de ces attentats est mondialisé, c’est une guerre asymétrique, il faut cesser de s’étonner des actions haineuses attisées par Daech. N’importe qui, surtout une personne fragile, peut désormais s’investir dans une mission de moine-soldat, séduit par l’idéologie du groupe terroriste. C’est bien malheureusement notre nouvelle réalité, c’est seulement en l’assimilant que l’on pourra réapprendre à vivre consciemment et aller de l’avant.

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