Attentats à Paris : comment gérer la terreur face à nos enfants ?

Gérer la terreur
Dr-Ada-Picard
Paris, le 14 novembre 2015. La ville est effrayée, secouée. Pour des motifs qui nous dépassent, une série d’individus tuent des innocents, rompt nos valeurs et bouleverse nos repères. Comment réagir face à cette folie humaine, qui réveille en nous la terreur, adultes et enfants ? À ma façon, je tenterai d’y répondre… À ma façon.

Premier réflexe : les enfants

Que dire et que faire ? Pas de méthode miracle bien entendu, ni de mots magiques. La catastrophe a eu lieu, et nier l’évènement serait une erreur. Le minimiser également. Aussi, si la conduite à tenir devait se résumer en une phrase, je dirais : en parler depuis sa position de parent, avec ses mots de parent, et ses émotions de personne. Ne pas se calquer sur une manière idéale de faire, mais être et transmettre à sa façon, en se montrant disponible et rassurant.
Comme chacun de nous, les enfants ont peur. Peur de la mort, peur de la violence, peur de perdre le contrôle, peur de leur peur… Être disponible pour eux est alors le plus beau soutien que l’on puisse leur offrir. Juste être là, avec notre cœur. Répondre présent, entièrement, avec nos maladresses et nos intentions de parents.

« Face à la violence, que faire si ce n’est nourrir les forces opposées ? »

Les informations à l’état brut tombent, à la radio, à la TV. Difficile d’éviter l’exposition des enfants. Aussi, il importe d’en parler, entre adultes, en famille, afin de relier les évènements à notre propre expérience. Nos émotions, nos ressentis, n’ont rien de menaçant, s’ils sont acceptés et abordés sans honte ni complaisance. Les formuler et les reformuler, seul ou en famille, contribue à digérer l’information et trouver en soi les ressources pour tenir. Même si le mot « accepter » est intolérable dans le contexte actuel, nous ne pouvons malheureusement faire autrement.

Face à la violence, que faire si ce n’est nourrir les forces opposées ?

Celles qui nous relient les uns aux autres, celles qui nous relient à nos enfants. L’amour, en somme. Tout simplement.
Ces attentats, perpétrés à Paris, nous confrontent à nos frayeurs les plus profondes. Nous ramènent, malgré nous, à la réalité humaine – potentiellement monstrueuse et éminemment vulnérable – et réveille certaines de nos défenses.

« Faire avec n’est pas se résigner »

Certains parmi nous vont se mobiliser, d’autres vont s’isoler, certains vont chercher le contact, d’autres rester dans le silence. Que l’on soit triste, en colère, apeuré, bouleversé – Que l’on pleure, que l’on rit, que l’on crie ou se terre en silence – Nous avons tous été touchés, à notre manière, avec nos ressources et nos fragilités. Aussi, que l’on soit parent ou non parent, la première attitude à adopter est d’accueillir notre propre vulnérabilité. La patience et l’attention à notre expérience de l’évènement. Qui se répercutera en retour sur notre entourage. Se donner le temps, et donner le temps à ses proches. De digérer, de faire avec ce qui s’est passé.

Faire avec n’est pas se résigner

Faire avec c’est faire preuve de courage. C’est transformer notre charge émotionnelle en une charge qui illumine plus qu’elle n’assombrit. Qui révèle la beauté de qui est, de ce qui reste. Pour soi, et pour ses enfants : ressentir, (s’)écouter, s’exprimer, échanger, et ainsi de suite. Pour ne pas rompre le cycle de l’expérience, qui relie nos émotions les plus douloureuses à notre intelligence. Donner l’exemple à ses enfants, leur montrer qu’ils peuvent trouver en soi le courage de continuer, sans se replier sur soi, au contact des autres : là est l’essentiel de notre rôle de parent.

L’intention qui nous met en mouvement

Il y a un temps pour tout. Un temps pour parler, un temps pour se reposer, un temps pour agir. Pas de comportement ou d’action qui se vaille plus qu’un autre. Ce qui importe est l’intention qui nous met en mouvement. Intention qui se médite plus qu’elle ne se prémédite. Une intention singulière qui naît en se reliant à soi et en acceptant sa vulnérabilité. Car c’est en elle que réside la faiblesse, mais surtout la force de notre humanité. Encore faut-il l’accepter pour s’en servir avec amour et intelligence. En somme, avec humanité… Et simplicité.

« Nous avons le réflexe de vouloir « faire » quelque chose »

Car, face à ce qui se passe, nous n’avons ni les clés ni le pouvoir d’effacer ces violences. Le malheur des attentats nous plonge vers une réalité sombre que l’on ne peut nier. Face à cela, nous avons le réflexe de vouloir « faire » quelque chose. De « bien faire », surtout. D’être un bon parent. Et de belles initiatives peuvent naitre de cette manière. Félicitons-nous en, mais n’oublions pas de prendre le temps. De reposer l’agitation qui nous meut, de laisser, par moments, décanter la pression, afin d’éclaircir nos dispositions.

« Je pourrais vous conseiller d’écrire, de faire dessiner vos enfants »

J’ai commencé ce post en parlant des enfants, et j’en viens à parler de « nous », les grands. Car la disponibilité pour l’autre se nourrit de la disponibilité pour soi. Et réciproquement. Je pourrais vous conseiller d’écrire, de faire dessiner vos enfants, de les inviter au jeu autant qu’au sérieux, de méditer, de poursuivre votre quotidien, sans nier l’impact des évènements, etc.

La bienveillance ne se dit pas, mais se vit

Conseils que je pourrai argumenter et justifier… Pour finalement reconnaître que la bienveillance ne se dit pas, mais se vit. Que tous ces mots que vous venez de lire ne représente que ma propre manière de gérer les évènements. Qu’ils vous suggéreront peut-être la votre, mais qu’ils ne servent à rien, au fond. Ou peut-être à réaliser, simplement, que la réponse est en l’amour. L’amour de la vie et l’amour des autres. De là, les valeurs humaines émergeront, naturellement. Et nous guideront vers des actes accordés à ces dernières. Pour soi, pour les autres, pour nos enfants. Faisons-nous confiance. Et aimons-nous, simplement.

Attentats de Paris : comment soigner le traumatisme psychologique ?

Logo-RFIPar Clément Robin
Publié le 21-12-2015
130 morts, 352 blessés. Les attentats de Paris du 13 novembre sont les plus sanglants de l’histoire contemporaine en France. Un drame aussi psychologique pour beaucoup de victimes directes ou indirectes, qui doivent désormais vivre avec un traumatisme difficile, voire impossible à effacer. En France, une association accompagne ces victimes pour les aider à se reconstruire malgré tout.

Depuis 2009, l’Association française des victimes du terrorisme (AFVT) accompagne et soutient les victimes d’attentats en France et à l’étranger. Depuis le 13 novembre, des dizaines voire des centaines de personnes contactent quasi quotidiennement la structure, près de 200, dont environ 150 ont déjà rencontré des membres de l’association, précise Stéphane Lacombe, directeur adjoint de l’AFVT. Certains ont été blessés, d’autres ont perdu des proches ou ont simplement été témoins des scènes d’horreur, dans la salle de concert du Bataclan, sur des terrasses de cafés du Xe et du XIe arrondissement, ou au Stade de France.

Tous sont en tout cas très touchés, de près ou de loin, par un choc profond qui peut dans certains cas être assimilé à un syndrome de stress post-traumatique. Il peut survenir plusieurs jours, plusieurs semaines voire plusieurs mois après l’attentat. Tout dépend des personnes.

Un avant, un après

« Beaucoup appellent déjà pour savoir ce qu’est le syndrome post-traumatique, explique Asma Guenifi, psychologue et clinicienne de l’association. Ils veulent savoir s’ils souffrent de ça et quels sont les symptômes. Notre rôle, c’est de travailler d’abord par l’écoute », pour comprendre s’il y a traumatisme ou non. « Beaucoup parlent de peur, d’angoisse, certains parlent de troubles du sommeil, de perte d’appétit, de perte de plaisir de tout faire. » Certains, explique la psychologue, évoquent un changement radical. « Ils ne se reconnaissent plus depuis le vendredi 13 novembre. […] Il y a un avant et un après ». D’autres ont carrément perdu leurs repères. « Ils n’arrivent plus à savoir ce qu’ils ont vécu, ce qui est réel et ce qui est fantasmé ou imaginaire. »

D’autres parlent des scènes d’horreur qui viennent hanter leurs esprits, « des corps explosés, déchiquetés, des femmes ou des hommes blessés… » Des images très fortes « qui viennent les interrompre à chaque moment de leur vie », sans forcément comprendre pourquoi. Au point de se demander « s’ils vont devenir fous », explique la psychologue. La peur s’invite jusque dans leur quotidien, avec souvent pour conséquence la crainte de prendre les transports en commun ou la peur du bruit, qui peuvent mener à des phobies handicapantes.

Pour guérir d’un tel traumatisme, « il ne faut surtout pas céder à la panique », prévient Asma Guenifi. Pour elle, il est tout à fait humain d’avoir peur de prendre le métro après les attentats du 13 novembre. Pour autant, même s’il n’y a pas de mal à rester vigilant, « il faut continuer à vivre », dit-elle, rappelant que d’autres pays sont toujours en guerre et confrontés presque quotidiennement à des attentats. « Être vigilant ne veut pas dire céder à sa panique et se renfermer. Là, ça devient pathologique. »

Traumatisme collectif

La particularité des attentats de Paris, c’est en tout cas qu’ils ont entraîné un traumatisme collectif. Du fait par exemple, que dans la salle de concert du Bataclan, tout le monde ait vécu la même attaque. Mais pas seulement. Stéphane Lacombe rappelle que ces événements ont été vécus non seulement par les personnes qui étaient sur place, mais aussi par ceux qui en étaient proches. Des personnes « qui se trouvaient géographiquement en retrait, mais qui ont tout vu, tout entendu ».

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