Attentats du 13 novembre : quel impact sur les mémoires ? Interview de Francis Eustache, neuropsychologue
28/04/2018
Paris, le samedi 28 avril 2018 – Les attentats perpétrés en France le 13 novembre 2015 avaient conduit le président du CNRS, Alain Fuchs, à inviter les chercheurs à se pencher sur les différentes questions soulevées par ce type d’attaques tant du point de vue géopolitique, que sociologique ou encore médical. Dans ce cadre, un très vaste programme de recherche, baptisé « 13-Novembre » a été élaboré par des équipes du CNRS, de l’Inserm et hésam Université avec la collaboration de nombreux partenaires. Les pistes de recherche de ce projet sont nombreuses et concernent notamment la construction de la mémoire et les liens entre mémoire individuelle et mémoire collective. Les souvenirs traumatiques sont à cet égard au centre de nombreuses investigations. Ainsi, le neuropsychologue Francis Eustache coordonne au sein du programme 13-Novembre, l’étude biomédicale Remember. Portant sur 200 personnes, dont 120 directement touchées par les attentats, elle a pour objet notamment l’amélioration de la connaissance de l’impact des chocs traumatiques sur la mémoire et l’identification de « marqueurs cérébraux associés à la résilience au traumatisme » comme l’indiquait le CNRS dans un communiqué diffusé après le lancement du programme. Alors que la première phase de l’étude Remember est achevée, le professeur Francis Eustache (EPHE et Inserm) a fait le point pour le JIM sur la construction de ce protocole, ses particularités et sur les premières observations possibles.
Sortis des griffes des terroristes, d’anciens otages racontent leur vie d’après
Sortis des griffes des terroristes, d’anciens otages racontent leur vie d’après
Par Caroline Piquet
17/04/2018
TÉMOIGNAGES – Ils se sont retrouvés enfermés, contraints de ne pas bouger, parfois obligés d’obéir aux ordres de fanatiques. Comme Julie, cette caissière sauvée par le gendarme Beltrame, ils ont eu le temps de voir la mort en face et sont aujourd’hui en vie. Quatre anciens otages témoignent de leur longue reconstruction.
Depuis le 23 mars, jour où elle a été sauvée par le gendarme Beltrame, Julie V. vit bouleversée et recluse chez elle. « Je lui souhaite bon courage car je la comprends très bien », réagit Rachid Drabli, ancien otage de l’Airbus Alger-Paris en 1994. « Elle est terrorisée et choquée mais elle ne doit pas rester enfermée, conseille-t-il. Elle doit se faire aider et parler à ses proches. » À Dammartin-en-Goële, Michel Catalano, ex-otage des frères Kouachi, « pense beaucoup à elle » car « trois ans après, c’est encore difficile ». Comment vivre quand on a frôlé la mort aux mains de terroristes ? Comment se reconstruire ? Un événement traumatisant comme une prise d’otage laisse des traces et s’attaque à toutes les habitudes de vie. Quatre rescapés ont accepté de nous raconter les jours, les mois et les années d’après.
Sidération
Certains, comme Julie, ont d’abord eu besoin de s’enfermer. Rachid Drabli, ex-otage de Marignane, est resté plusieurs jours chez lui. « Ma famille et mes amis sont venus me voir. Pendant une semaine, j’ai répété la même chose et puis j’ai fini par aller voir un médecin ». Pour le Dr Nathalie Prieto, psychiatre et référente nationale des cellules d’urgence médico-psychologique (CUMP), ce genre de réactions est classique. « L’évitement est généré par la peur de sortir et s’associe souvent à un mouvement de tristesse. On s’enferme parce qu’on a l’impression que ça va recommencer », analyse-t-elle.
D’autres, au contraire, ont cherché à extérioriser. Bruno Poncet, 45 ans, otage pendant une heure et demie au Bataclan, a très vite parlé. Le matin du 14 novembre, une fois libéré, « j’étais surexcité, je n’arrivais pas à dormir », se souvient-il. « Arrivé chez moi, j’ai tout raconté à ma femme, mais avec beaucoup de distance, comme si je sortais d’une séance de cinéma ». Les jours …