Stress post-traumatique et dépression sont fréquents chez les migrants

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le 24/10/2016
Les troubles mentaux chez les migrants sont favorisés par les épreuves qu’ils ont traversées avant d’arriver en France.
La santé des migrants est un enjeu non négligeable de leur prise en charge, particulièrement leur santé mentale. On a ainsi pu voir ce sujet figurer au programme du sommet mondial de la Santé, organisé par Angela Merkel, François Hollande et la commission européenne les 9 et 11 octobre à Berlin. Une étude publiée lundi 10 octobre dans la revue PPmP (Psychotherapie, Psychosomatik und Medizinische Psychologie) confirme l’importance du problème.

Syndrome de stress post-traumatique

Des chercheurs de l’université de Stuttgart ont cherché à savoir quels étaient les troubles mentaux qui touchaient le plus les réfugiés. L’étude a été menée sur 280 migrants (principalement des hommes) issus des Balkans, du Moyen-Orient et d’Afrique arrivés en Allemagne pendant l’été 2015. Les chercheurs, aidés par des traducteurs, ont fait remplir des questionnaires afin de dépister d’éventuels troubles chez ces réfugiés dans le centre d’accompagnement de Brunswick, en Basse-Saxe, où 15 000 personnes ont transité au cours de l’année passée. La grande majorité des migrants reportait avoir vécu au moins une expérience traumatique telle que la guerre, la torture ou une agression sexuelle.

« Ce que l’on observe le plus chez les réfugiés, c’est un syndrome de stress post-traumatique lié aux violences subies dans le pays d’origine ou à des choses qu’ils ont vues pendant leur voyage, qui très souvent s’avère éprouvant et dangereux »

observe Daniel Brehier, psychiatre dans un centre accueillant les migrants malades en région parisienne. « Certains sont tellement traumatisés qu’ils sont incapables de retourner sur une plage », ajoute Clémence Arceluz, coordinatrice médicale pour Médecins du Monde à Calais et Dunkerque.
Le syndrome de stress post-traumatique (SSPT) est un trouble anxieux sévère qui se manifeste après avoir vécu un événement traumatisant (agression, viol ou accident grave). Les individus qui en souffrent « revivent » ledit événement en présence d’un élément déclencheur (un bruit, une image…) sans pouvoir l’empêcher, ce qui se traduit par une peur intense, une impression d’impuissance et un sentiment d’horreur démesuré.

Dépression et décompensation psychique

Si ces troubles se développent avant l’arrivée dans un nouveau pays, les conditions d’accueil en Europe ne favorisent pas non plus le bien-être mental. Au contraire, elles contribueraient au développement d’un état dépressif, selon Lou Einhorn, référente en santé mentale dans la « Jungle » de Calais. «Être victime de violences policières, vivre entassés les uns sur les autres et dormir à même le sol en attendant 6 mois sur liste d’attente avant de demander l’asile: tout cela peut favoriser le développement d’anxiété et de dépression», explique-t-elle.
Voir son histoire niée quand on a été victime de traumatismes, comme c’est souvent le cas pour les réfugiés qui souhaitent obtenir l’asile et à qui l’Ofpra (Office français de protection des réfugiés et apatrides) demande des preuves de ce qu’ils ont vécu, peut en outre conduire à « un sentiment d’étrangeté par rapport à soi. Celui-ci mène parfois à une décompensation psychique déclenchant une psychose », ajoute Daniel Brehier.

Un accès aux soins difficile

Afin d’éviter toutes ces complications, il faut faciliter la prise en charge des réfugiés, plaide Daniel Brehier.

« Les migrants ne le savent pas toujours, mais la demande d’asile est la première étape permettant l’accès aux soins en France », rappelle-t-il. « Certains n’osent pas faire la demande d’asile de peur d’être retrouvés par les gens qui les persécutent dans leur pays d’origine ».

C’est pourquoi des associations comme Médecins du Monde proposent des activités comme des ateliers d’art-thérapie ou des groupes de paroles qui permettent aux bénévoles de discuter avec les migrants et déceler d’éventuels troubles psychiques.

« Ce n’est pas notre rôle de poser un diagnostic. Si nous suspectons un trouble, nous les orientons vers des psychologues et psychiatres qui pourront les aider lors d’entretiens privés »

affirme Clémence Arceluz.
Sans prise en charge, dans une situation de précarité, « les dangers sont multiples », estime Daniel Brehier. « Le risque suicidaire augmente du fait de la précarité, le risque de décompensation psychique est grand et le relâchement de l’attention lié au SSPT peut provoquer des accidents – en traversant la route sans regarder par exemple. »

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L’art-thérapie pour aider un enfant colombien de 6 ans à surmonter ses cauchemars

Par Gisèle Nyembwe à Montréal, au Canada
10 octobre 2016
Le conflit en Colombie a causé la mort de la grand-mère de Miguel* et a poussé sa famille à fuir en exil. Miguel suit désormais une thérapie à Montréal pour l’aider à vaincre sa peur et son anxiété.
MONTREAL, Canada – Un épouvantail hante les cauchemars récurrents de Miguel*, six ans, qui est né et a passé ses premières années dans une région ravagée par le conflit, en Colombie.

Il a été réinstallé au Canada avec sa famille. Aujourd’hui, il fabrique une cage en pâte à modeler lors d’une séance d’art-thérapie. Avec des clous en Play-Doh délicatement placés sur la cage, il y contient le « méchant », comme l’explique sa thérapeute.
« Les points visibles sur la structure en Play-Doh symbolisent les clous afin que le méchant ne s’échappe pas et reste à l’intérieur », explique Julia* qui dirige les séances hebdomadaires d’une heure.
La grand-mère de Miguel a été tuée par des combattants rebelles durant la guerre civile en Colombie ayant duré 52 années. Ce conflit a déraciné sept millions de personnes dans le pays. Par ailleurs, des centaines de milliers d’autres, comme Miguel et sa mère et ses deux frères, ont fui en exil.

« Les problèmes de santé mentale peuvent être un concept abstrait pour les personnes qui ne sont pas en contact direct avec les réfugiés. »

Cette histoire imaginaire se déroule en lieu sûr dans une pièce claire et calme au sein d’une organisation à but non lucratif à Montréal. Le scénario a été créé par le garçon pour vaincre sa peur et son anxiété qui l’ont déjà suivi tout au long de sa courte vie. Dans cette activité, son thérapeute explique que c’est lui qui détient le pouvoir et qui assure que le méchant ne sera pas le plus fort.

On compte un nombre sans précédent de 65,3 millions de personnes déracinées à travers le monde par la violence et la persécution. Bien qu’il n’y ait pas de statistiques officielles concernant le nombre de personnes affectées par un traumatisme psychologique, on sait que les réfugiés et les demandeurs d’asile au Canada et dans le monde ont subi des événements traumatisants, incluant la guerre, la torture, la violence, la persécution ciblée, le travail forcé et la séparation familiale.
Selon les recherches, ces événements traumatisants peuvent pousser les réfugiés à développer des problèmes de santé mentale comme la dépression et l’anxiété, les troubles du comportement et des maladies causées par le traumatisme, y compris le syndrome de stress post-traumatique. Certains, comme Miguel, reçoivent un soutien psychologique.
Les symptômes psychologiques de l’enfant ont commencé à se manifester quand il avait deux ans, explique sa mère, Maria*. A l’époque, elle et ses trois fils vivaient à Nariño dans le sud-est de la Colombie, une zone affectée par le conflit – qui est actuellement suspendu par un cessez-le-feu alors que les rebelles et le gouvernement cherchent un accord de paix.
Quand Maria était enceinte de Miguel, sa propre mère a été tuée par des rebelles, ce qui lui a causé une très grande charge émotionnelle. La violence des rebelles a forcé la famille à fuir vers l’Equateur voisin, peu avant que Miguel ait trois ans, ce qui s’est encore ajouté à sa détresse.
« Son comportement est devenu imprévisible au fur et à mesure qu’il grandissait. Je savais que nous devions faire quelque chose. Il s’auto-mutilait et il avait des explosions violentes de colère sans raison apparente », se souvient Maria. « Il avait peur et il était tout le temps inquiet. Il ne pouvait pas être entouré d’autres personnes, ni jouer avec d’autres enfants de son âge. »
Maria a décidé de demander de l’aide à Quito, la capitale équatorienne, mais le soutien psycho-social était en pénurie. Lorsque la famille a été réinstallée au Canada en 2014, un diagnostic de troubles psychosomatiques liés à des traumatismes a été rendu et Miguel a pu obtenir l’aide dont il avait besoin pendant les visites à RIVO, une organisation à but non lucratif basée à Montréal, qui fournit l’aide d’experts à des réfugiés qui subissent les conséquences de la violence.
A RIVO, Miguel peut dessiner, faire de l’artisanat, jouer avec de la pâte à modeler et bénéficier d’un soutien avec son thérapeute qui l’aide à surmonter ses craintes.
« Les problèmes de santé mentale peuvent être un concept abstrait pour les personnes qui ne sont pas en contact direct avec les réfugiés souffrant de problèmes psychologiques », explique Véronique Harvey, porte-parole de RIVO et elle-même thérapeute.

« Il est important d’accroître la sensibilisation aux blessures émotionnelles de manière à les rendre visibles aux yeux du grand public et des gouvernements. »

« Voilà pourquoi il est si important d’accroître la sensibilisation aux blessures émotionnelles de manière à les rendre visibles aux yeux du grand public et des gouvernements. Parfois on ne comprend pas ce qu’ont vécu des personnes souffrant d’une maladie mentale, mais nous avons besoin de les écouter, de les soutenir et de les aider à reconstruire leur identité et leur estime de soi », ajoute-t-elle.
Le HCR, l’Agence des Nations Unies pour les réfugiés, tient en compte les problèmes de santé mentale et intègre le soutien psychologique dans le cadre de son mandat en matière de protection. Il vise à intégrer une aide psychologique de base dans ses programmes. Idéalement, un soutien psychologique pour les enfants comme Manuel devrait déjà commencer dans les pays de premier refuge.
La thérapie qu’il reçoit à Montréal vise à ce que Miguel puisse a la fois faire face à ses sentiments angoissants et mieux les surmonter. En plus de mieux gérer sa peur grâce au travail avec la pâte à modeler, le dessin lui permet de gérer ses sentiments d’isolement et de colère ainsi que de faire le lien entre son comportement et ses interactions avec les autres.
Dans un premier temps, Miguel était réticent à participer aux séances de thérapie, qui durent désormais depuis neuf mois. En tant que premier résultat de ce soutien psychologique, il craint que l’activité touche à sa fin. Il a pris l’habitude de travailler avec son thérapeute, Julia, et se sent en sécurité avec elle.
« Je suis en train de lui expliquer que cela ne dépend pas de moi », explique Maria, sa mère, qui se rend également compte des bienfaits de ce traitement. « Je lui dis sans cesse que nous allons vérifier avec Julia ses projets pour mettre fin à la thérapie. »
* Noms fictifs pour des raisons de protection.

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