Force est de constater que le développement des services en ligne et l’émergence du Web 2.0 sont venus renforcer la croyance dans un devenir participatif du culturel, du politique et du social. A distance des examens pressés qui font d’Internet le socle indispensable au renouvellement des pratiques médiatiques et politiques, le présent ouvrage s’intéresse aux activités de sujets sociaux qui, ni journalistes, ni militants, construisent des espaces d’expressions citoyennes autonomes ou prennent régulièrement part à des plates-formes participatives d’information en ligne.
Les auteurs y soulignent qu’engagement citoyen et production de soi ne cessent de se nourrir mutuellement dans la mesure où la production d’information en ligne se présente comme un vecteur de partage, de mise en commun et de discussion citoyenne, lequel est également au principe de demandes de reconnaissance, d’affirmations personnelles et d’expériences de soi.
Subjectivation et empathie dans les mondes numériques – Les blogs
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Les blogs
Les blogs sont de bons candidats pour être des supports de l’extimité parce qu’ils offrent cette fluidité du numérique et qu’ils sont des ouvertures vers l’autre. Il y est en effet facile de publier du contenu, qu’il s’agisse d’images ou de textes, ou les deux à la fois. Il est tout aussi aisé d’y recueillir des commentaires qui vont en retour modifier les représentations de soi qui ont été à l’origine de la mise en ligne du contenu. Parce
qu’ils sont des espaces d’écriture, les blogs tiennent du carnet intime et du journal. Mais en même temps, un blog est différent d’un carnet intime car il est d’emblée tourné vers les autres. Il nécessite un travail d’explicitation qui n’est pas nécessaire au carnet intime puisque l’on s’écrit à soi-même. Il est également différent du journal car un journal ne contient pas d’éléments intimes ou personnels. Mais il est des journaux et des carnets intimes qui utilisent le blog !
Il faut aussi se souvenir qu’un blog est un média. Ce qui est important est donc la forme de relation que la personne entretien avec ce média. Un blog peut être utilisé comme n’importe quel autre outil en ligne mais il peut aussi être mis au service d’une dynamique psychique. Ainsi, un blog peut tout aussi bien être au service d’un travail de mémoire que d’oubli; il peut témoigner d’un désir d’appartenance à un groupe social… ou être le lieu d’expression de l’ extimité. Il peut aussi servir … à bloguer !
Sébastien Rouquette a remarquablement bien repéré les différentes utilisations extimes que l’on peut avoir du blog : revendiquer sa « vraie » nature, faire valider sa vie, donner son avis et écrire. Chaque utilisation valorise une identité avoir une personnalité propre, témoin, essayiste ou auteur) et soutient un type de désir (reconnaissance, réconfort, débattre, désir d’être suivi) (Rouquette, 2008). On retrouve bien ici les deux mouvements
de l’extimité : être reconnu comme ayant une identité propre et faire valider sa vie. Deux mouvements complémentaires se rejoignent dans la tenue d’un blog : l’un centrifuge qui va de soi vers l’autre, et l’autre qui vient des interlocuteurs vers soi dans une validation de ce qu’on leur a proposé de soi.