Qu’est-ce que la cyberpsychologie ?

Qu’est-ce que la cyberpsychologie ?

Stéphane Bouchard
Dans Rhizome 2016/3 (N° 61), pages 17 à 18

Rhizome : Pouvez-vous définir la cyberpsychologie ?

Stéphane Bouchard : La cyberpsychologie se définit comme l’étude des phénomènes mentaux appliquée au cyberespace, soit le monde virtuel, artificiel et recréé. Par conséquent, la réalité virtuelle et la télépsychothérapie sont deux exemples concrets de la cyberpsychologie.

La réalité virtuelle, par le biais technologique des visiocasques (lunettes à réalité virtuelle), permet de plonger l’individu dans un environnement recréé par ordinateur. Ce type de technologie peut être utilisé à des fins psychothérapeutiques ou d’évaluation clinique.

La télépsychothérapie, autrement dit la psychothérapie par internet, réfère à l’application de la psychothérapie par vidéoconférence. Les psychologues conduisent leur entretien thérapeutique à distance sans jamais rencontrer physiquement leur client, et cela fonctionne bien.

Rhizome : Que permet la réalité virtuelle au clinicien ?

Stéphane Bouchard : Pour le clinicien, la réalité virtuelle peut être très riche, notamment parce qu’en fonction des applications utilisées, il peut avoir accès à d’autres choses. La réalité virtuelle permet de recréer un contexte doté d’une charge affective, toujours sous le contrôle du psychologue, qui se veut à des visées thérapeutiques.
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Le patient va ainsi réagir avec l’ensemble de ses réactions émotionnelles, ce qui permettra par ailleurs, au psychologue de faire un travail beaucoup plus riche puisqu’il aura accès à la réalité à laquelle peut être confronté le patient dans son quotidien et à laquelle le psychologue n’a pas accès depuis son bureau.

La réalité virtuelle peut également être utilisée dans la clinique du trauma et des vécus traumatiques, d’un point de vue psychothérapeutique mais également dans le domaine de la prévention.
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Comment appelle-t-on à l’aide ? Dans le cadre des traitements psychothérapeutiques du trauma, l’exposition aux souvenirs traumatiques est plus délicate et plus difficile à jauger pour le clinicien, puisque le patient va devoir reprendre contact avec des souvenirs des évènements traumatiques, ce qui lui sera extrêmement pénible.

Toutefois, la réalité virtuelle reste sécurisante puisqu’elle est sous le contrôle du clinicien qui oriente les discours et les expériences vécues par le patient.

Rhizome : La cyberpsychologie relève-t-elle d’une clinique ou d’une théorie clinique particulière ?

Stéphane Bouchard : L’utilisation de la cyberpsychologie ou de la réalité virtuelle ne change pas la nature du travail du psychologue. Il doit continuer à être compétent en individualisant, en nuançant et en adaptant son intervention à chaque patient. Ce sont des outils additionnels qui sont mis à disposition des cliniciens.
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Rhizome : Est-ce que vous constatez des réticences à l’utilisation de ces techniques, notamment d’un point de vu clinique ?

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Du côté des professionnels, la réticence majeure que l’on constate porte sur l’usage de la technologie. Les cliniciens s’inscrivent le plus souvent dans un profil de carrière en psychologie parce que l’être humain les intéresse, alors de mettre la technologie entre eux et l’humain représente une pratique contre intuitive.
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Le risque est qu’un jour on se retrouve dans La Matrice avec des personnes complètement déconnectées et qui préfèrent éviter toute interaction sociale. Il faut voir ce que l’on souhaite faire avec ces technologies ? quels en sont les enjeux et si c’est sécuritaire ou non ?

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Votre psy doit-il lire ce que vous postez sur les réseaux sociaux ?

Logo-Slate-fr23.03.2016

Certains psychothérapeutes avouent consulter internet pour en savoir plus sur leurs patients. Une pratique que questionne la profession.

L’essor d’internet touche toutes les professions, y compris celle de psychothérapeute. Selon une étude autrichienne publiée début 2016 et repérée par le site Motherboard, 40% de ces professionnels de la santé mentale avouent avoir jeté un œil au profil Facebook ou Twitter de leur patient. Un chiffre conséquent, alors que le lien qui unit le thérapeute à son patient est censé se baser sur la confiance et le rapport humain.

Les 60% qui ne mêlent pas web et thérapie remettent en question la fiabilité des informations que l’on trouve sur la toile. Certains se montrent même bien plus critiques vis-à-vis de ce qu’ils considèrent être une violation de la vie privée.

C’est l’avis que partage Mayura Deshpande, présidente du comité de pratique et d’éthique professionnels au Royal College of Psychiatrists, principale organisation professionnelle regroupant les psychiatres britanniques. Elle explique à Motherboard ne pas voir le métier de psy de cette façon : « Notre travail n’est pas de constituer un dossier sur une personne, mais de travailler avec les informations que le patient nous donne. »

Psychologie numérique

Certains praticiens, à l’inverse, assument totalement ces recherches Google. À l’heure où les chefs d’entreprise font fréquemment appel aux réseaux sociaux pour se renseigner sur un futur employé ou pour vérifier l’hygiène de vie d’un de leurs salariés, des psychothérapeutes considèrent que ces recherches sont un moyen comme un autre d’avoir accès à des informations personnelles. «Quiconque met en ligne ses informations personnelles donne implicitement la permission à n’importe qui de les consulter», se défend l’un d’eux dans l’étude autrichienne.

Et puis notre façon de nous exprimer et d’agir sur internet ne reflète-t-elle pas une partie de notre personnalité, plus immergée en société ? Ne faudrait-t-il pas l’étudier ? Si, selon Alice Ashby, psychiatre et auteure d’une tribune dans le British Journal of Psychiatry Bulletin sur l’éthique de ce renseignement numérique, mais avec une certaine distance et en respectant la vie privée de ses patients. « Je n’aime pas l’idée, éthiquement, de se renseigner sur quelqu’un en ligne sans son consentement. Cela s’apparente à une transgression. Pour autant, cela ne devrait pas clore le débat », dit-elle à Motherboard.

Selon elle, la psychologie va devoir s’aventurer à sa manière sur la toile : « Je pense qu’il est aussi important de questionner les patients au sujet de leurs interactions sur internet qu’au sujet de leurs relations dans la vraie vie. »

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