Victimes des attentats – Se remettre debout

nouveau-logo-la-croixpng-289134BIENVAULT Pierre
le 28/11/2015

ENTRETIEN. LOUIS CROCQ, psychiatre : « L’immense majorité des blessés psychiques vont guérir »

Apparu notamment après la Grande Guerre, le stress post-traumatique est aujourd’hui bien connu. Le professeur Crocq explique comment vont être prises en charge les victimes traumatisées par les attentats du 13 novembre.

Médecin-général des armées, psychiatre, professeur à l’université Paris V, le docteur Louis Crocq a travaillé durant toute sa carrière sur la névrose de guerre et le stress post-traumatique. C’est lui qui, après l’attentat du RER Saint Michel en 1995, a mis en place en France les cellules médico-psychologiques à la demande du ministre Xavier Emmanuelli et du président Chirac.
À l’occasion des attentats du 13 novembre, on a beaucoup entendu parler du risque de stress post-traumatique chez certaines victimes. De quoi s’agit-il exactement ?

Risque d’ESPT

Louis Crocq : Ces troubles peuvent survenir chez des sujets qui ont vécu un événement ayant provoqué une effraction majeure de leurs défenses psychiques. On parle ici d’événements qui, sur l’instant, ont provoqué une sorte d’arrêt de la pensée avec des réactions d’effroi, de terreur, de panique. Et une impression d’imminence de la mort, sans échappatoire possible.

Une fois l’événement terminé, certaines victimes vont être très agitées, se mettre à crier, à vociférer. D’autres vont être en état de sidération, comme des morceaux de bois, incapables de bouger et de comprendre ce qu’on leur dit. Ensuite, le risque est que ces troubles ne se chronicisent, avec des symptômes installés dans le temps : des cauchemars, des hallucinations, des réminiscences de l’événement, des sursauts, une vigilance constante et exagérée…

À quelle époque a-t-on découvert le stress post-traumatique ?

Louis Crocq : Un rôle précurseur a été joué par un neurologue allemand, Hermann Oppenheim qui, en 1888, a décrit des cas de névrose traumatique à propos de sujets ayant failli mourir dans des accidents de chemin de fer. Ensuite, en 1914-1918, on a vu apparaître les termes de « névrose de guerre » ou « d’hypnose de la bataille ». Cela touchait notamment des soldats qui avaient survécu après avoir été soufflés par un obus. Ils n’étaient pas blessés physiquement mais étaient pris de tremblements et n’arrivaient plus à tenir debout. Comme ils ne pouvaient plus combattre, certains de ces soldats étaient considérés comme des simulateurs et des tire-au-flanc. Peu à peu, on a aussi pris conscience de la nécessité de les prendre en charge très vite, pour ne pas les laisser méditer leur effroi. À partir de 1917, on a commencé à installer des petits hôpitaux psychiatriques tout près du front. C’est là qu’est né ce concept de la psychiatrie de l’avant qui, bien des années plus tard, a été au cœur de la création des cellules médico-psychologiques en France.
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Louis Crocq : Pourquoi est-il important d’intervenir très vite après un événement traumatique ?

Louis Crocq : Pour essayer d’éviter que ne s’installe la névrose, ou une sorte de rumination de la frayeur et de l’effroi. Dans ce contexte d’urgence, le psychiatre ou le psychologue va inciter la personne à faire non pas un récit, mais une énonciation, une verbalisation de ses émotions « J’ai vu ceci ou cela, j’ai eu peur, j’ai failli mourir… », vont dire ces patients. Il faut comprendre que, subitement, ils sont entrés dans le monde des morts et c’est par la parole qu’il faut, doucement, les faire revenir dans celui des vivants. C’est essentiel qu’ils puissent parler avec un soignant qui est là pour les protéger et attester que, oui, la vie existe bel et bien.

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Livre – Le traumatisme psychique chez l’adulte

Psycho du traumaLe traumatisme psychique chez l’adulte
Evelyne Josse
Louis Crocq (Préfacier), Erik De Soir (Postfacier)
Date de parution : 16/05/2014
Editeur : De Boeck
Collection : Ouvertures Psychologiques
ISBN : 978-2-8041-6939-8
EAN : 9782804169398
Présentation : Broché
Nb. de pages : 304 pages
Poids : 0.474 Kg
Dimensions : 14,5 cm × 19,0 cm × 1,5 cm


Les victimes de la criminalité, d’accidents et de catastrophes naturelles ont vu le jour dès l’origine de l’humanité. Les premiers témoignages relatifs aux réactions psychotraumatiques datent de deux mille ans avant Jésus-Christ. Cependant, ce n’est qu’au début du 19ème siècle que les souffrances des victimes commencent à susciter l’intérêt du monde scientifique. Tout au long du 20ème siècle, cet intérêt connaîtra un essor progressif et continu.
Les traumatismes, surtout s’ils sont extrêmes, répétés ou prolongés, peuvent avoir de profondes répercussions, sur le fonctionnement psychique et la personnalité des adultes. Quels sont les événements susceptibles de générer des conséquences traumatiques ? Quelles sont les réactions à court et à long termes ? Quelles les séquelles possibles au niveau émotionnel, cognitif, somatique, comportemental et relationnel ? Cet ouvrage apportera de nombreuses réponses à ceux qui s’interrogent sur le vécu et le devenir des victimes de la criminalité, d’accidents et de catastrophes naturelles.

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