Solidarité entre les victimes européennes des attentats

Solidarité entre les victimes européennes des attentats
PAR MARION ROUSSEY
18/12/2017
Scandalisées par le manque de soutien du gouvernement belge après les attentats de Bruxelles, des victimes avaient créé leur propre association en 2016. Depuis, elles ont trouvé une solution pour faire entendre leur voix : s’unir avec d’autres associations de victimes en Europe… jusqu’à l’adoption d’une directive du Parlement européen en leur faveur.

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D’un pays à l’autre, une assistance de l’État très inégale

En Europe, les régimes d’aides aux victimes sont très inégaux. Les pays les plus exposés au terrorisme et aux catastrophes naturelles ont développé des systèmes adaptés. D’autres sont moins bien équipés. La France dispose par exemple d’un secrétariat d’État dédié et de d’un fonds spécifique, le FGTI (Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d’autres infractions), financé par une taxe sur les contrats d’assurance. À l’inverse, la Belgique, relativement épargnée par le terrorisme, n’était pas préparée à prendre en charge les victimes des attentats du 22 mars 2016.

«On n’a pas eu du tout d’accompagnement de l’État, la Belgique n’était pas prête. En France, dans les quarante-huit heures qui suivent un attentat, le FGTI peut contacter les victimes, sur la base du listing établi par le procureur de la république, afin de les accompagner financièrement mais aussi psychologiquement. En Belgique, il existe une commission d’aide aux victimes mais elle n’a pas le droit de les contacter. Pour ce qui est de l’indemnisation, elle est soumise à des évaluations: on a demandé à ma fille et à ma femme de faire un courrier pour expliquer en quoi ça avait changé leur vie d’avoir perdu ma belle-mère», dénonce Thomas Savary.

Retravailler après un attentat, un long chemin pour les victimes

Retravailler après un attentat, un long chemin pour les victimes
Par Tiphaine Thuillier,
publié le 16/12/2017
Comment retrouver un emploi ou reprendre son poste quand on a subi un tel traumatisme ? La prise en charge des personnes frappées par le terrorisme évolue, doucement.
Le 13 novembre 2015, Adeline venait tout juste d’achever un CDD de quatre mois dans une maison de disques. Elle allait chercher un autre contrat, mais sa présence au Bataclan a tout bouleversé. La question de l’emploi est devenue secondaire pour celle qui a vécu un événement aussi traumatisant. « J’ai un énorme trou de plus de deux ans sur mon CV, raconte la jeune femme. Aujourd’hui, après avoir eu un enfant entre temps, il faut que je retourne dans le monde du travail. Mais c’est très compliqué. » Doit-elle jouer la carte de la franchise avec ses futurs employeurs ? Tout raconter aux risques de passer à leurs yeux pour une « victime » et pas comme une professionnelle à part entière ? Pour le moment, elle ne sait pas quelle stratégie adopter.

« Que personne ne sache ce qui m’était arrivé »

Alexandre, lui aussi, était au Bataclan ce soir de novembre. Dès le lundi matin, il reprenait le chemin de son bureau, sans faire la moindre pause. « J’ai remis la tête dans le guidon, comme si de rien n’était », se souvient le jeune trader. Quelques mois plus tard, le besoin de lever le pied s’est imposé.

« J’ai bien senti que ce serait mal accepté dans mon secteur professionnel et que, passée la compassion des premiers moments, l’entreprise et les collègues avaient retrouvé leur rythme, qui n’était plus le mien. »

Il décide de changer d’emploi et, à la faveur d’un plan de départ volontaire, enchaîne sur le même poste, mais ailleurs. « Je voulais être anonyme, que personne ne sache ce qui m’était arrivé », raconte-t-il, persuadé à l’époque que ce changement lui permettrait d’aller mieux. « C’est finalement plus compliqué que ça, dit-il. D’une certaine façon, on est un peu comme des travailleurs avec un handicap léger, on a parfois des moments de flottement, il faut nous laisser un peu respirer. »
Thierry Baubet, psychiatre au sein de l’AP-HP suit plusieurs victimes des attentats du 13 novembre. « Près de la moitié des personnes rescapés du Bataclan souffrent de stress post-traumatique, explique-t-il. De tels troubles ont des effets directs sur la vie professionnelle. Plusieurs vivent ce qu’on appelle des épisodes de reviviscences, avec des images ou des sons qui s’imposent à eux et les replongent dans l’événement en provoquant chez eux la même détresse que lors de l’événement initial. »

« Aucun virage professionnel ne peut remplacer une thérapie »

Le désir de changement intervient souvent en cas de traumatisme. « Après un tel événement, la personne a besoin de réévaluer ce qui est important, détaille Thierry Baubet. Elle se dit que les choses doivent changer et ne peuvent pas rester comme avant. En général, les victimes se tournent vers des métiers créatifs ou axés sur la relation à l’autre. Mais aucun virage professionnel ne peut remplacer une thérapie », prévient le spécialiste.
« J’ai des amis qui étaient au Bataclan eux aussi et qui ont repris leur job immédiatement, avant de se rendre compte qu’ils ne voulaient plus de cette vie-là. Aujourd’hui, certains veulent faire du yoga ou quelque chose qui n’a rien à voir avec leur carrière initiale », commente Adeline.
Au début, Alexandre, ne s’est pas donné le temps de la réflexion, il a repris le même poste. Mais aujourd’hui, il y pense de plus en plus, sans qu’un projet très concret ne s’impose à lui. « La question est présente dans mon esprit, car je me dis vraiment que la vie est trop fragile pour repousser ses désirs profonds. J’ai pourtant encore du mal à savoir si je suis dans un ras-le-bol professionnel assez classique chez les trentenaires ou si c’est plutôt une recherche de soi précipitée par les événements tragiques. »
Pour Adeline, une chose est sûre, il y a un avant et un après 13 novembre. « J’aimerais retrouver un emploi où je me sentirai protégée, dans un environnement plus doux. Ce qui n’est pas forcément le propre du monde de l’entreprise. L’échéance se rapproche, car je n’ai aucun revenu depuis janvier 2017, mais je ne veux pas céder dans n’importe quelles conditions. Aujourd’hui, je n’en ai plus rien à foutre des réunions marketing à la con. Je n’ai clairement plus la gagne », raconte Adeline. Une distance par rapport à la vie d’avant qui se retrouve dans de nombreux témoignages. « Le stress post-traumatisme modifie les performances cognitives ou le caractère, analyse Thierry Baubet. Il y a souvent un phénomène de détachement, vis-à-vis des autres, des missions ou des objectifs fixés au travail, par exemple, qui paraissent alors dérisoires. »

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