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A terre, j’ai de nouveau ouvert mon premier œil sur quelques mètres carrés et sur ce monde sans limites. Les décombres n’étaient faits ni de poussière, ni de cendres, ni de verre, ni de plâtre. Ils étaient faits de silence et de sang. Je ne sentais pas le sang, dans lequel je baignais pourtant, je n’avais pas même encore vu le mien, mais j’entendais le silence, je n’entendais même que ça. Il m’enveloppait et prenait mon corps pour le faire léviter à l’aveuglette et sans fin pendant quelques secondes, quelques minutes, une éternité, léger, léger, tandis que l’homme d’avant, celui qui était presque déjà mort et qui restait collé au sol, me disait : » Mais que s’est-il passé ? Est-il possible qu’il ne me soit rien arrivé ? Je suis vivant, je suis là ? Ou bien non ? » Ou quelque chose comme ça. Le demi-mort a ajouté : « Il n’est peut-être pas parti, celui qui disait « Allah Akbar ». Ne bougeons pas » Tout se réduisait encore à l’apparition d’une paire de jambes noires et à l’attente de son retour.
La parole des victimes contre le terrorisme
La parole des victimes contre le terrorisme
Denis Salas
Date de parution : 11/04/2018
Editeur : DDB
ISBN : 978-2-220-09428-1
EAN : 9782220094281
Format : Grand Format
Présentation : Broché
Nb. de pages : 305 pages
Poids : 0.266 Kg
Dimensions : 12,5 cm × 18,0 cm × 2,1 cm
Denis Salas est magistrat et essayiste. Il dirige la revue Les Cahiers de la Justice et préside l’Association française pour l’histoire de la justice. Dernières publications : Le Courage de juger (2014) et Erreurs judiciaires (2015).
Souvent, la foule est criminelle, émeutière, redoutée pour sa force indomptable. Elle inquiète par la fièvre qui l’anime et la violence éruptive qui s’en dégage. On oublie qu’il est des foules paisibles et inoffensives, qu’elles sont des cibles faciles pour les terroristes et que le cœur de nos villes peut devenir le lieu de crimes de masse. Malgré le choc qui l’étourdit, cette foule innocente se relève.
Elle se recompose et se dresse sur nos places publiques. Là où la panique menace, on voit monter la solidarité ; là où on craint la haine, la dignité s’impose. La foule citoyenne s’avance en marches silencieuses pour résister devant l’épreuve. Elle s’individualise peu à peu : son anonymat s’efface, son bruit se fait voix. De cette âme collective surgissent des gestes, des noms, des visages. La singularité des vies et des liens apparaît.
Un grand récit émerge du désastre initial. Il s’ancre dans un collectif reconstitué, des formes du deuil réinventées, une forte attente de justice. La foule des victimes du hasard devient une communauté de destin. De son parcours, ce livre veut témoigner.
10.07.2018
Livre. Comment un homme ou une femme, une foule, une ville, un Etat, un peuple ou un pays peut vivre avec le trauma d’un attentat meurtrier qui l’a touché ? Comment se relever, continuer, résister, vivre malgré l’horreur vécue ? Comment respecter la mémoire des disparus, accompagner les survivants, écrire un récit à hauteur d’homme, humanisé sans nier la réalité guerrière de l’attaque ?
Ce livre de Denis Salas constitue sans doute l’une des plus belles définitions de la résilience. Pourtant ce mot à la mode n’y est pas écrit. Comme si l’auteur voulait conjurer le risque d’une formule toute faite pour mieux s’en affranchir et explorer le champ en toute liberté. Il le fait de façon forte et personnelle. De fait, le magistrat était à Nice le 14 juillet 2016 quand l’inimaginable s’est produit sur la promenade des Anglais.
Opposer le droit à la barbarie est, bien sûr, la première des réponses. Plaider le contraire eût été déroutant de la part du directeur de la revue Les Cahiers de la justice, éditée par l’Ecole nationale de la magistrature, et président de l’Association française pour l’histoire de la justice. Mais, selon lui, cette réponse n’est pas suffisante.
L’onde de choc de la répétition d’attentats qui fauchent au hasard dans les foules, est amplifiée par les médias et l’instantanéité de la diffusion d’images d’horreur sur les réseaux sociaux. La stratégie de la peur et « l’abjection sublimée » par le djihad médiatique mettent en péril le pacte social par lequel le citoyen a mis sa sécurité entre les mains de l’Etat.
Mais cette confrontation entre l’Etat défié et l’ennemi invisible est une double impasse. D’abord, parce que la réponse guerrière se fait au prix de législations qui menacent les acquis démocratiques sans pour autant garantir la sécurité. Surtout, car les victimes sont exclues de ce tête-à-tête. Dans cette « guerre » au terrorisme, la victime officielle est l’Etat et c’est ce qui…