Les proches des victimes des attentats essaient de faire face
Isabelle Demangeat, le 09/09/2016
Si les attentats ont pu provoquer chez une partie de nos contemporains une prise de conscience de leur propre finitude, les proches des victimes, eux, tentent avant tout de survivre.
Fatiguée, Nadine Ribet-Reinhart souffle au téléphone : « Ma mort, je m’en fiche. » « Je n’y pense même pas », confie-t-elle après avoir contrôlé des sanglots. Pas le temps, pour cette mère habitée par l’envie de continuer à faire vivre son fils aîné, Valentin, mort au Bataclan, le 13 novembre, en créant notamment une fondation pour lutter contre l’illettrisme (1). Pas l’idée non plus. « C’est déjà trop difficile, même sur le plan intellectuel, d’envisager la perte de son enfant, d’un sujet jeune, au terme d’un acte de guerre, explique-t-elle. Cela fait déjà tellement d’éléments que nous tentons, peu à peu, d’affronter et de digérer pour apprendre à continuer d’avancer différemment… » L’horizon de sa propre mort, la prise de conscience de sa finitude, n’ont ni l’espace ni le temps d’apparaître.
Ce médecin de 55 ans, mère de deux autres enfants, n’a pas d’autre choix que d’agir en termes de priorités. Le plus important aujourd’hui : « Montrer à nos autres enfants que nous sommes là, avec mon mari, pour eux ; que nous sommes encore debout, même s’il y a des moments de faiblesse. Nous essayons de faire en sorte qu’ils puissent franchir cette épreuve, très difficile à vivre pour eux qui n’ont pas notre maturité ni notre expérience. » Il s’agit de les préserver, de se préserver, de se protéger beaucoup. Et de survivre.
Sa fille Lola a perdu la vie au Bataclan : le témoignage d’un père inconsolable
Sa fille Lola a perdu la vie au Bataclan : le témoignage d’un père inconsolable
3 septembre 2016
Ecrit par Dorothée Werner
Dans « L’indicible de A à Z », Georges Salines raconte Lola, sa fille morte au Bataclan le 13 novembre. Extraits tendres et solaires.
« Tu aimais les livres, le cinéma, dessiner, voyager, le rock, danser, les enfants, Billy le Chat, la tarte au citron, la bière belge, prendre un brunch au Bouillon Belge, chanter en jouant du ukulélé, le roller derby, tes amis, ta maman, ton papa, tes frères, ton copain, tes copines, faire des bises, faire l’amour. Tu aimais la vie. Et tous ceux qui te connaissaient t’aimaient. »
Et Georges Salines, qui écrit ces lignes sous le mot « Aimer », aime sa fille pour toujours. Même si Lola est morte à presque 29 ans sous les balles des terroristes le 13-Novembre dernier au Bataclan. Il publie « L’Indicible de A à Z »* : l’abécédaire tendre et jamais larmoyant d’un père évoquant la famille et les amis de Lola, sa quête de vérité et sa soif de justice, les jours d’après. Georges Salines déroule l’alphabet au petit bonheur, entre souvenirs, état des lieux et manières de rester debout.
On pleure et on sourit avec ce pince-sans-rire poignant, jamais dupe de rien et surtout pas du cirque médiatique. Ce haut fonctionnaire de la santé publique vous dira peut-être quelque chose : chauve avec un petit bouc blanc, portant beau et parlant bien, ce marathonien est souvent interviewé en tant que président de l’association de victimes 13 Novembre : fraternité et vérité. ELLE vous dévoile en exclusivité quelques extraits de son livre, mais il faut le lire en entier : Georges Salines a la dignité communicative. Lola repose peut-être dans la 62e division du Père-Lachaise mais, grâce à son père inconsolable et magnifique, on entend à nouveau son rire au loin.