Grazia – 13 novembre, un an après : l’art comme thérapie

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après le 13 novembre l’art comme thérapie


13 novembre 2016
Les victimes des attaques à Paris ont encore du mal à exprimer leurs émotions. Les mots semblent anodins face aux horreurs de cette nuit. Certains parviennent à extérioriser leur peine en prenant plume, pinceaux ou partitions.
Noir et carmin. Le visage d’une femme brisé en deux morceaux, rattachés par un pansement. Des portraits sans regard, des marques d’ongles. La série Attentats 13/11/15 de Catherine Arnault semble faite de larmes et de sang. La jeune femme était au Bataclan le soir où les terroristes ont ouvert le feu sur la foule. Elle a vu la mort. Elle y a échappé, la formule consacrée voudrait que l’on précise « saine et sauve ». Mais aucun des rescapés du 13 Novembre n’est sain et sauf. Dans l’enfer des attentats, il leur a fallu lutter pour survivre ; depuis, il leur faut lutter pour réapprendre à vivre.

Extérioriser une émotion impossible à verbaliser

Chez certains, la reconstruction est passée par l’art. D’aucuns, comme Fred Dewilde, ont dessiné une BD ou écrit un livre. D’autres ont composé de la musique ou même créé un label, comme Arthur Dénouveaux. D’autres encore ont peint. A l’instar de Catherine Arnault, qui a usé ses pinceaux tous les jours, « jusqu’à ce que j’aie mon compte, dit-elle. La peinture a été salvatrice, explique cette archiviste-documentaliste photo. Moi qui peignais des paysages et des portraits, j’ai bifurqué dans l’abstrait. Je partais dans tous les sens. Je tentais de nouvelles méthodes. C’était un exutoire. Une façon d’extérioriser ce que j’avais enfoui au fond de moi. Chose que je ne réussissais pas à faire par la parole. »
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L’entraide pour dépasser les traumatismes

Une majorité des victimes du 13 Novembre étaient des mélomanes. « Ils ont forcément une appétence pour le domaine artistique. Dès lors, il paraît logique que leur reconstruction s’appuie là-dessus », explique Caroline Langlade, rescapée du Bataclan et présidente de l’association Life for Paris. Ce collectif, créé après l’appel de Maureen Roussel le 1er décembre sur les réseaux sociaux, se fixe pour objectif de libérer la parole. « Beaucoup avaient besoin de dire merci à une personne qui leur était venue en aide ce soir-là. »
Petit à petit, une dynamique de groupe s’installe. « Une des premières questions qu’on se posait, c’était : « Tu es retourné au ciné ? » Une salle noire avec beaucoup de bruit, c’est effrayant. » L’association organise des sorties expos, concerts, des ateliers d’art-thérapie. Dans l’entraide, les membres dépassent leurs traumatismes. « Cette solidarité participe énormément à la reconstruction, assure Caroline Langlade. On s’est tous retrouvés face à notre mort le soir du 13 novembre. Ce qui m’intéresse avec l’association, c’est de réparer les vivants. »

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Nos réactions à la lecture de l’article

Shirley Bensimon, Amélie Bonnaud, Lara du Plessis

A- Nous trouvons cet article très intéressant, car il montre que les personnes qui ont été confrontées à l’impensable, l’indicible, parfois ne peuvent pas poser les mots. Le fait de trouver en la peinture, la composition, ou toute activité artistique un moyen pour s’exprimer a des effets thérapeutiques certains mais souvent insuffisants.

L’art-thérapie pose le cadre d’un processus créatif dans une visée thérapeutique. On est dans le domaine du soin, exercé par un professionnel, elle se pratique sur indication médicale ou pas.

L- Pourquoi proposer des séances d’art-thérapie aux personnes ?

L’art-thérapeute propose un accompagnement sans attente, une thérapie pour laquelle il n’est requis aucune connaissance ou technique artistique. L’art, et surtout, la créativité sont des supports proposés autres que le corps. Quand les mots ne sont plus accès, mais chemin, c’est un moyen, une boite à outil, dans un processus qui s’inscrit dans une relation thérapeutique.

Est-ce que l’art-thérapie est une invitation ?

C’est pour ne pas laisser seule la personne blessée psychiquement avec sa souffrance, dans un cadre bienveillant, que l’art-thérapeute invite. C’est une invitation à la mise en forme, mise sur une autre scène qui peut peut-être, permettra l’accès à la symbolisation et par là de mettre à distance ce qui vient se répéter… se rejouer.

Est-ce que l’art-thérapie est une invitation à la rencontre ?

L’art-thérapie c’est prendre le temps de la rencontre, un temps pour se poser. Déposer peut-être ce qui n’a pu l’être, à l’abri de toute intrusion. C’est proposer à la personne d’exprimer, d’expérimenter autrement qu’avec les mots, « quand il y a un impossible à dire », s’ouvrir à un autre langage. C’est accompagner la personne à cheminer dans cette traversée, à partir d’un dispositif, d’une expérience créative, pour révéler ses capacités à dépasser ses difficultés dans sa temporalité individuelle.

Pour Winnicott, le jeu est une expérience créative, mais peut-on dire que la création est un jeu ?

Winnicott, dans son dernier livre, Jeu et Réalité (Paris, Gallimard, 1975), nous explique que « jouer c’est manipuler des objets extérieurs, les mettre au service du rêve ». Il considère le jeu, la création comme universels. P.75 il écrit « C’est en jouant que l’enfant ou l’adulte est libre de se montrer créatif ».

Et donc, en quoi, créer ou jouer aurait un effet réparateur ?

Toujours en référence au même ouvrage, Winnicott explique le fonctionnement de la psychothérapie  » La psychothérapie s’effectue là où deux aires de jeu se chevauchent, celle du patient et celle du thérapeute. Si le thérapeute ne peut jouer, cela signifie qu’il n’est pas fait pour ce travail. » Donc, pour nous c’est très clair…il faut être deux pour faire une thérapie. Choisir de créer tout seul est un choix respectable, certes, mais on ne peut pas appeler ce processus une psychothérapie.


La porteuse du projet 13 or de vie

Trop de victimes minorent leur traumatisme et refusent de consulter, pensant avoir « échappé au pire »

logo-le-point-santeTrop de victimes minorent leur traumatisme et refusent de consulter, pensant avoir « échappé au pire ».

Nice : deux mois après, le combat des psys

Selon les professeurs Benoit et Askenazy, trop de victimes minorent leur traumatisme et refusent de consulter, pensant avoir « échappé au pire ».
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Publié le 24/09/2016

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« Beaucoup pensaient que le choc passerait tout seul, avec le temps, note l’un des psychologues qui les reçoivent, Serge Ricaud. Ils sont restés dans une phase d’attente, et on les trouve en pleurs. Ils ont encore du mal à verbaliser ce qui leur est arrivé. Ils nous parlent des cris, d’images de membres découpés, de corps projetés… Si, en plus, ces gens ont vécu des accidents, des pertes de proches au cours de leur enfance, le traumatisme fait écho à ce passé. »

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Nous essayons toujours de détecter, dépister, aider ceux qui ne vont pas bien. Pas facile : beaucoup encore ne consultent pas. Etre anxieux, hanté par des images, mal dormir, vivre replié sur soi les premiers jours, c’est compréhensible. Mais chez certains ces symptômes persistent. Il faut s’en inquiéter ; or trop d’entre eux ne le font pas. Ils se disent : J’ai échappé au pire. Certains peuvent éprouver de la culpabilité, de la honte à consulter, pensant : Il y a eu plus grave que moi. Or, je le dis avec force, il ne faut pas banaliser. »

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