Post-attentats : l’importance de la prise en charge

Post-attentats : l’importance de la prise en charge
Par Aurélie Franc
15/02/2017
Les individus isolés et qui ne sont pas accompagnés rapidement ont plus de risques de développer des troubles psychologiques.
17 décès et plusieurs dizaines de blessés. Le bilan des attentats de Charlie Hebdo et de l’Hyper Cacher en janvier 2015 est terrible. Pour les personnes directement confrontées aux scènes barbares, les conséquences psychologiques pèsent encore très lourd, souligne l’étude Impacts de Santé publique France qui s’appuie sur des interviews effectuées six à neuf mois après les attentats.
Les séquelles ont été particulièrement exacerbées chez les personnes isolées socialement et chez celles qui n’ont pas été prises en charge dans les 48 heures suivant l’événement. L’enquête, qui porte sur 422 individus (population civile, mais aussi pompiers, policiers, etc.), plaide pour une prise en charge plus rapide et plus large.

« Nous recommandons de demander aux personnes qui ont été confrontées à un attentat si elles sont bien entourées et, dans le cas contraire, de faire en sorte que davantage d’attention leur soit portée »

Dr Stéphanie Vandentorren, médecin épidémiologiste et auteur du rapport

« Ceux qui étaient bien entourés socialement ont eu moins tendance à développer un état de stress post-traumatique ou des troubles de dépression et d’anxiété que ceux qui étaient isolés », relève le Dr Stéphanie Vandentorren, médecin épidémiologiste, responsable de la cellule d’intervention en région (Cire) Île-de-France de Santé publique France et auteur du rapport. « Nous recommandons de demander aux personnes qui ont été confrontées à un attentat si elles sont bien entourées et, dans le cas contraire, de faire en sorte que davantage d’attention leur soit portée. » La prise en charge dans les 48 heures des témoins directs ou qui se trouvaient à proximité du drame est également primordiale. Elle permet de réduire de deux tiers le risque de présenter des troubles anxieux et dépressifs dans les six mois qui suivent.

Trouble du sommeil

Pourtant, certaines personnes ne se sentent pas autorisées à demander des soins psychologiques, selon le Dr Stéphanie Vandentorren. « Les personnes qui n’ont pas été directement menacées se disent qu’elles ne sont pas légitimes par rapport à d’autres qui auraient plus souffert. Or les témoins sont des personnes à risque donc nous recommandons de leur prêter aussi attention. » Avant d’ajouter : « 15% des témoins de ces attentats ont souffert de troubles d’anxiété et de dépression. »
Cette étude permet de consolider les résultats déjà publiés en juin 2016. Plus de six mois après les attentats, 4 personnes sur 10 souffraient toujours de troubles de santé mentale. Parmi les 190 personnes civiles impliquées dans l’étude, 18% faisaient face à un stress post-traumatique (pensées intrusives, perturbation des cognitions, etc.), en particulier les personnes ayant été directement menacées (contact visuel avec le terroriste ou blessure par exemple) et les proches endeuillés. Pis, ceux qui ont souffert d’une réaction physique importante au moment du drame (souffle coupé, tremblement…) ont encore plus de risque de présenter un état post-traumatique. Les chercheurs notent également que 25% de la population étudiée avaient consulté un médecin pour un problème autre que psychologique mais qu’ils considéraient comme lié à l’événement (trouble du sommeil, fatigue, troubles dermatologiques, etc.). «Ce résultat incite à renforcer les dispositifs d’accès aux soins, voire aux droits si besoin en direction des personnes directement menacées, et ce, aussi à moyen terme après les événements», conclut l’étude.

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Peut-on se souvenir et parler d’une expérience traumatique ?

Peut-on se souvenir et parler d’une expérience traumatique ?
Par Eric Calamotte
Cahiers de psychologie clinique
2016/2 (n° 47)
Pages : 260
ISBN : 9782807390157
DOI : 10.3917/cpc.047.0225
Éditeur : De Boeck Supérieur


Résumé

L’auteur montre comment les expériences traumatiques ne peuvent pas se constituer en souvenirs, ni être communiquées par le langage verbal. Atomisé par l’expérience désastreuse, le sujet tente avant tout de survivre et de ne pas perdre sa capacité de penser. Vouloir reconstituer trop rapidement une scène traumatique et/ou criminelle est ainsi souvent illusoire.
Les traces de ces expériences se découvrent le plus souvent dans la négativité, mais aussi dans les efforts du sujet pour les communiquer à un thérapeute secourable, avec lequel il pourra construire et partager une expérience qui ne s’est pas réellement produite pour lui.
Le clinicien doit donc se présenter comme humain et secourable avant d’interpréter, pour ne pas être de connivence avec l’expérience traumatique et le crime.


Plan de l’article

L’expérience traumatique, essai de définition : la terreur de perdre la représentation. Survivre avant de se souvenir
Traumatisme et mémoire, la qualité des traces paradoxales
Dispositifs et techniques thérapeutiques
La position de témoin, le thérapeute comme personne secourable
Construction et interprétation
Pour conclure


L’expérience traumatique Clinique des violences sexuelles
Éric Calamote
Collection: Psychismes, Dunod
2014 – 264 pages – 155×240 mm
EAN13 : 9782100701094

Ce livre propose une approche clinique du traumatisme sexuel et de ses effets destructeurs dans la psyché. Il envisage aussi ses issues organisatrices, au-delà du désastre créé, des distorsions de l’expérience. Éric Calamote propose un modèle de soin psychique pour les sujets ayant subi de telles catastrophes ou ayant été auteurs de telles violences.
À partir de l’étude des spécificités des contextes de violence sexuelle, l’ouvrage développe une théorisation originale et nouvelle du traumatisme, de son inscription topique, de ses formes, du travail psychique qu’il impose et que paradoxalement il permet. Au-delà des violences sexuelles, les observations et la modélisation se transposent ici à l’ensemble des contextes traumatiques.
Un dispositif de soin psychique particulier est étudié, dispositif en double écoute particulièrement adapté au traitement des caractéristiques de ce type d’expériences.
L’approche psychanalytique est ici fondamentalement intersubjective, dynamique et considère le traumatisme comme une expérience dont la forme doit se déployer et se partager.