Terrorisme : « On ne peut pas vivre en état de stress permanent »

Logo Nice 14 juillet 2016 vendredi 29 juillet 2016
par  Elodie Chermann
Une interview d’Evelyne Josse par la journaliste Elodie Chermann paru dans le quotidien français
Le Parisien le dimanche 17 juillet 2016.
ATTENTAT. La promenade des Anglais a été rendue aux Niçois. Hier, ils y ont repris leurs habitudes sans oublier pour autant les nombreuses victimes.MOINS de quarante-huit heures après l’attaque terroriste qui a coûté la vie à 84 personnes jeudi soir, la circulation a repris hier matin sur la promenade des Anglais à Nice. Seulement dans un sens. Et avec moins de trafic que d’habitude. Dès midi, les piétons ont eu le feu vert pour déambuler à nouveau en front de mer, prendre un bain de soleil sur la plage ou se baigner.
C’est le signe que la vie commence — doucement — à reprendre le dessus malgré l’horreur et le chagrin.

 « On ne peut pas vivre en état de stress permanent »

Selon la psychologue, maître de conférences à l’université de Lorraine à Metz, le traumatisme nous touche tant sur le plan individuel que sur le plan collectif.
Quelles conséquences psychologiques l’attentat de Nice va-t-il avoir sur les victimes et les témoins ?

ÉVELYNE JOSSE. Voir des corps voler comme dans un jeu de quilles et des membres éparpillés sur le sol constitue un choc encore plus violent que de tomber sur une victime couchée au sol avec du sang qui sort de la poitrine. Mais suivant sa personnalité, ses antécédents, son degré d’implication dans le drame et le niveau de soutien fourni par son entourage, chacun réagira de manière très différente. Certains;manifestent bruyamment leurs émotions par des pleurs ou des cris,d’autres semblent totalement indifférents ou bien se sentent coupables d’avoir survécu.
Mais ça ne présage en rien de leur évolution mentale.

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Les intervenants d’aide de deuxième ligne face aux victimes d’attentat

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Un article d’Evelyne Josse, novembre 2015

 Les intervenants d’aide de deuxième ligne

Nous l’avons vu dans un article précédent [1], il existe deux niveaux d’intervention auprès des victimes d’attentat. La première ligne implique les aidants en contact direct avec les victimes en situation de crise et dans son décours immédiat. La deuxième ligne concerne les professionnels intervenant dans un second temps, à distance de la crise, en institution ou en cabinet. Parmi ceux-ci, on compte les psychologues et les psychiatres, les avocats, les magistrats, les agents de police de commissariat, etc.

Une souffrance spécifique

Les ondes de choc du trauma
On peut se représenter le traumatisme comme un tremblement de terre dont l’attentat terroriste constitue l’épicentre. Les ondes de choc se propagent en cercles concentriques à partir de l’événement traumatisant tout en diminuant d’intensité à mesure qu’elles s’en éloignent. La victime directe se situe dans le foyer du séisme et les ondes de choc bouleversent progressivement son entourage. Les ondes de choc bouleversent aussi les intervenants qu’elle rencontre durant et après la crise.

La traumatisation tertiaire : le traumatisme vicariant et la fatigue de compassion
Rappelons que la traumatisation secondaire constitue la première onde de choc du traumatisme et concerne les aidants de première ligne en contact direct avec la victime[2]. La seconde onde de choc touche les intervenants de deuxième ligne en relation avec les victimes directes et leurs proches en détresse. Parmi ceux-ci, on compte, au niveau professionnel :
• les policiers de commissariat,
• les enquêteurs,
• les avocats,
• les magistrats,
• les professionnels de la santé mentale (psychothérapeutes, psychologues, psychiatres) exerçant en cabinet ou au sein d’institutions, etc.

La traumatisation vicariante

Les intervenants de deuxième ligne n’ont pas vécu ni été témoins des actes terroristes mais ils sont concernés par eux et/ou par leurs conséquences du fait de leur proximité émotionnelle avec les victimes directes et avec leurs proches. En s’engageant auprès d’eux, ils sont confrontés à la souffrance mystérieuse des victimes, à leurs témoignages poignants ou à leur silence persistant. Ces situations qui leur font éprouver des émotions intenses peuvent induire chez eux une souffrance psychologique, plus ou moins intense et plus ou moins tardive, appelée traumatisation vicariante ou traumatisme vicariant. Lorsqu’ils souffrent de tels troubles, les intervenants sont considérés comme des victimes tertiaires.

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