Le Secrétariat d’Aide aux Victimes m’a sauvé la vie, ne le supprimez pas M. Macron


Secrétariat Général d’Aide aux Victimes

Je m’appelle Sophie et le 13 novembre 2015, comme des centaines de personnes innocentes, j’étais au Bataclan pour le concert des Eagles of Death Metal.

19/06/2017
Lettre ouverte à M. Emmanuel Macron, Président de la République

Monsieur Macron,

J’ai appris la semaine dernière avec colère et une profonde tristesse la décision de votre gouvernement de supprimer le Secrétariat Général d’Aide aux Victimes que gérait Mr. Christian Gravel.

Pour comprendre ma réaction, peut-être est-il nécessaire de me présenter d’abord. Je m’appelle Sophie, j’ai 33 ans et le 13 novembre 2015, comme des centaines de personnes innocentes, j’étais au Bataclan pour le concert des Eagles of Death Metal. Contrairement à d’autres, j’ai eu la chance de sortir vivante. Mais j’avais pris 2 balles. Une qui m’a arraché la moitié du mollet, l’autre qui est restée dans mon bassin pendant plus de 18 mois avant qu’on me la retire.

Cette nuit a été, je pense, la pire de ma vie, et je ne savais pas encore que les galères n’allaient faire que commencer. J’ai, pour commencer, été rapatriée à l’hôpital par un Uber car j’avais pu sortir du Bataclan par une sortie de secours. Après être arrivée à l’hôpital Saint-Antoine, j’ai dû attendre près de 9 heures avant d’être opérée car mon état n’était pas jugé « grave ». Juste avant mon opération, j’ai rencontré un policier qui m’a crié dessus que ce n’était pas normal que je n’aie pas de bracelet qu’on avait, apparemment, remis aux victimes, et qui m’a assommée de questions avant que les chirurgiens ne m’emmènent au bloc opératoire. Deux opérations en moins de 48 heures plus tard, ma plainte a été prise par une inspectrice venue à mon chevet, puis le grand flou a commencé. Une psy est bien venue me voir à mon chevet, mais sinon je ne savais pas ce que serait ensuite ma sortie. Elle a eu lieu 13 jours après mon admission et je n’avais qu’une seule chose en poche, le numéro de la cellule psychologique mise en place. Je devais trouver une infirmière pour prendre soin de mes blessures et de mes 43 points de suture, je devais trouver un kinésithérapeute pour ma rééducation et enfin la seule certitude était que la cellule devait me trouver un psy.

La même cellule que j’allais appeler quelques jours plus tard en panique et qui devait me raccrocher au nez me conseillant de rappeler une fois calmée, la même cellule qui devait me trouver un psy dans mon secteur (apparemment le 15ème et le 18ème sont dans le même) et qui me fait rencontrer le Dr C. qui ne trouva pas autre chose à faire que de s’endormir pendant que je lui racontais les atrocités vécues. Non, vous n’avez pas mal lu, il dormait.

Et pendant tout ce temps, je ne savais pas ce qui allait se passer. De qui je dépendais. Le 13 au soir, je dépendais de la Défense, de l’Intérieur et de la Santé pour me sortir de cet enfer et me soigner. Puis concernant l’hospitalisation, les mois de galère médicale (toujours pas finies à ce jour), c’était la sécurité sociale qui devait payer les opérations coûteuses et la Santé me permettre d’avoir des médecins à la pointe sur mes blessures de guerre. Ensuite, encore la Santé et la sécurité sociale pour mes soins psy, mais nous y reviendrons. Ensuite, le Ministère du Travail devait permettre mon retour à l’emploi sous un statut de travailleuse handicapée ou en mi-temps thérapeutique, mais ça, je ne l’ai su que récemment. Personne ne me l’avait indiqué avant ma rencontre avec la Secrétaire d’État chargée de l’Aide aux Victimes Juliette Méadel. Enfin, grâce au Ministère de la Défense, dont dépend l’ONACVG, je sais que je serai accompagnée toute ma vie. Et cette vie, devenue si compliquée dans la capitale pour moi, pourra encore être aidée par le Ministère du Logement si je décide de la quitter.

Plusieurs ministères, beaucoup trop d’interlocuteurs pour beaucoup trop de personnes concernées et blessées et ayant chacune son histoire personnelle.

Grâce aux associations montées à la suite de ces atrocités, Life for Paris et 13onze15 notamment, j’ai pu avoir des informations, découlant directement de leurs longs rendez-vous avec le secrétariat d’État et me permettant d’avancer.

Plus factuellement aussi, après des semaines et des semaines de relance de la sécurité sociale pour savoir si les soins de kinésithérapie allaient être, ou non, renouvelés, le secrétariat d’État est intervenu et en quelques heures, j’avais enfin une réponse à ma question. Tout comme grâce à l’intervention personnelle de M. Gravel, j’ai été mise en relation avec la PAV75 pour enfin bénéficier d’un suivi psychologique sérieux et régulier. M. Gravel qui, à ce jour, a été la seule personne proche du gouvernement à avoir pris le soin de s’enquérir du suivi psychologique indispensable aux victimes d’attentats.

Depuis le 13 novembre 2015, notre vie a été transformée en un long combat intérieur pour pouvoir se reconstruire et essayer de reprendre goût à la vie, voire parfois d’en profiter. Trop d’épreuves sont pourtant venues rendre les choses plus difficiles pour nous, notamment tous ces problèmes administratifs que nous ne connaissions pas, nous ou nos avocats, et la création de ce secrétariat a été la preuve que les politiques ne nous oubliaient pas.

Ce secrétariat a sauvé ma vie et aujourd’hui, Monsieur Macron, je vous demande de recevoir personnellement les associations, notamment Life for Paris, afin de nous rassurer sur le fait que nous ne sommes pas juste des numéros de dossiers, mais que votre gouvernement se sent concerné par notre sort et fera ce qu’il peut pour continuer cette aide amorcée par le Secrétariat Général.

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Attentats : « C’est un long travail de redevenir heureux »

Publié le 26/05/2017
Par Soline Roy
Dans son livre L’Instinct de vie, Patrick Pelloux raconte comment, lors de l’attentat de Charlie, le médecin urgentiste a agi comme un «automate» sur un champ de bataille jonché de ses amis.
l y a l’avant, « et puis il y a l’après. Ou plutôt l’avec ». Médecin urgentiste, Patrick Pelloux a été plusieurs hommes dans l’attentat qui a frappé, le 7 janvier 2015, le journal Charlie Hebdo. Il a été le rescapé, celui qui aurait dû être là. Le professionnel de l’urgence qui a organisé les secours. Le témoin assailli par les médias. Le guerrier obstiné qui a continué à faire un journal décimé. L’ami qui a vu les siens à terre et a dû continuer « avec ».
Patrick Pelloux peut agacer, mais son Instinct de vie n’est pas un témoignage comme les autres. Il semble écrit à quatre mains : celles de l’homme nous racontent une lourde chute et une lente remontée, tandis que celles du médecin décryptent le chemin parcouru.

« Les confrères qui ont réécouté les bandes sonores de mes appels au Samu n’ont pas reconnu ma voix »

Patrick Pelloux
«Ils (les terroristes, NDLR) ont marché dans le sang de mes amis», lâche-t-il d’abord. Arrivé sur place avant même la police, ce 7 janvier 2015, Patrick Pelloux a vite « senti physiquement (son) cerveau se scinder en deux, cela s’appelle la sidération ». L’instinct, pour lui, est de sauver les autres. Le champ de bataille est jonché de ses amis mais il « fait le tri », soigne, organise les secours et informe le sommet de l’État… « C’est ma fonction. Mon job. » Mais tout est fait, dira-t-il plus loin, « dans un état d’automate. (…) Les confrères qui ont réécouté les bandes sonores de mes appels au Samu n’ont pas reconnu ma voix. »

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