Soigner les traumatismes des réfugiés de guerre


Bruno catalano – Les mains
06/10/2017
ledailypsy
Depuis six ans, plus de cinq millions de Syriens fuient la guerre qui a fait des centaines de milliers de victimes dans leur pays. Lorsque certains se résignent à se réfugier dans un foyer d’un territoire voisin, d’autres risquent leurs vies en traversant la mer afin d’atteindre les côtes européennes. De nombreuses associations et équipes de bénévoles se mobilisent pour offrir aux exilés une aide de base, mais cela suffit-il à soigner leurs blessures de guerre, tant physiques que psychologiques ?
Dans son reportage La santé mentale des réfugiés, un problème négligé en Europe, datant du 9 mars 2016, le service de nouvelles et d’analyses humanitaires IRIN constate que, malgré la présence d’équipes de psychologues et de conseillers bénévoles accueillant les réfugiés syriens, la mise en place de ces structures restent rares et rencontrent plusieurs difficultés à soigner les traumatismes des patients. Au manque de temps et d’argent s’ajoutent les barrières linguistique et culturelle qui empêchent d’appliquer fondamentalement les moyens thérapeutiques pour travailler avec les réfugiés. Et pourtant, pratiquement tous sont victimes de névroses traumatiques.

Des séquelles psychologiques ancrées dans leurs corps

Arrivée sur l’Île de Lesbos, Hayat, une jeune femme syrienne, ne comprend pas pourquoi ses mains sont paralysées. Ce syndrome de stress post-traumatique se retrouve chez d’autres réfugiés, se manifestant de différentes manières.
Altération de la mémoire, cauchemars, flashbacks, insomnies, délires de persécution, phobies, obsessions, dépression, modification du caractère et de la personnalité, inhibition intellectuelle, perturbation neurovégétative… les symptômes traumatologiques sont divers et s’aggravent à mesure que le patient n’est pas pris en charge. Et pourtant, lorsque la possibilité d’apporter des soins psychologiques aux réfugiés se présente, ces derniers refusent parfois catégoriquement d’en recevoir.

Ne pas vivre, mais survivre

Pour leur article intitulé Liban : soigner les blessures psychologiques des enfants réfugiés syriens, publié le 9 janvier 2017, les journalistes Rime Abdallah et Constance Léon rencontrent la psychologue Monette Kraitem qui travaille avec les réfugiés syriens des camps situés dans la zone de Zahlé, au Liban. La spécialiste affirme que de nombreux réfugiés rejettent les aides psychothérapeutiques qu’on leur propose car ils préfèrent d’abord se nourrir correctement avant de s’occuper de leur état mental, négligé par plusieurs d’entre eux. Pour Jean-Baptiste Pesquet, chercheur à l’Institut Français du Proche-Orient, spécialiste des réfugiés syriens au Liban :

« Accepter un soutien psychologique signifie reconnaître que les réfugiés ne sont pas de bons parents. D’une part, parce qu’ils ne parviennent pas à offrir ce dont leur enfant a besoin et d’autre part, parce que reconnaître que son enfant a des “problèmes” revient à dire que ce sont eux, les parents, qui lui ont transmis et qu’ils ont donc, eux-mêmes, des problèmes psychologiques ».

D’autres réfugiés, à la recherche d’un travail et débordés par les problématiques bureaucratiques dans leur pays d’accueil, ne parviennent pas à se consacrer du temps pour entamer un travail psychothérapeutique.

Un manque de confiance

Il est difficile pour la plupart des réfugiés de se confier à des inconnus, dans un pays qui n’est pas le leur. Certains d’entre eux se sentent même persécutés au point de penser que si ils parlent, ils se mettent en danger de mort. Ce refus de soutien psychologique pousse certains réfugiés à nier leur traumatisme.
Le manque de confiance ne provient pas seulement des Syriens, mais également des habitants des territoires voisins qui accueillent les réfugiés de guerre. Au Liban, les campements se situent dans des villes pauvres. Les habitants libanais ont du mal à accepter d’apporter de l’aide aux réfugiés lorsqu’eux-mêmes sont, pour la plupart, confrontés aux problèmes de chômage et de précarité. Ce rejet de leur part incite les Syriens à se refermer davantage sur eux-mêmes et à renforcer leurs sentiments d’impuissance et de solitude, ce qui ne favorise pas la communication et aggrave par surcroît leur santé mentale.
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De nouvelles méthodes pour travailler avec les patients

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D’autres organismes mettent en place des moyens thérapeutiques non spécifiques au traitement des traumatismes, comme par exemple à Outremont, au Canada, où l’organisme Hay Doun a fait découvrir cette année l’art-thérapeutique à des enfants réfugiés syriens afin qu’ils apprennent à exprimer leurs émotions ressenties pendant la guerre à travers l’art. Lorsque les mots manquent, les images sont toujours là…

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Des migrants et leurs familles surmontent leurs traumatismes à travers l’art


Dans le but d’aider les familles de migrants portés disparus lors de leur traversée de l’Amérique centrale en direction du Nord et toutes les personnes ayant vécu un traumatisme durant ce voyage, la Croix rouge a mis en place un projet d’art-thérapie à Honduras.
Chargé-e Territoires Associés – Honduras – 26 janvier 2017
Les participants ont pu réaliser une grande fresque murale et exprimer leurs émotions, à la fois de tristesse liée aux disparitions et à la fois de joie. L’expérience a permis aux familles d’extérioriser leurs sentiments personnels mais aussi de partager une expérience collective avec les autres participants ayant vécu le même choc. Grâce à l’art, elles se sentent libérées et ont pu rendre hommage à leurs proches disparus.

Par ailleurs, les phénomènes de migration entraînent d’autres enjeux que le dépassement d’un traumatisme. L’intégration ou la diversité culturelle et linguistique sont des problématiques qui peuvent également être abordées d’un point de vue artistique et thérapeutique. Un cycle de recherche et de formation sur l’accompagnement et la valorisation de l’expérience de la mobilité et de la migration dans la cité a été mis en place du 15 janvier au 8 février 2014 à Paris.
Une conférence a été donnée le 15 janvier à la Maison des Associations portant sur les médiations artistiques, expériences migratoires et pluralité linguistique et culturelle.
Une retranscription vidéo est disponible sur le site de l’Université Sorbonne Nouvelle Paris 3.
Cinq intervenants ont pris la parole sur des thématiques comme l’art et la libération de la parole, l’adaptation ou l’apprentissage.

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