Paris : un policier se suicide dans le bois de Vincennes


Par CNEWS Matin – Mis à jour le 11/11/2017


L’IGPN a été co-saisie de l’enquête.[FRED TANNEAU / AFP]
Un policier a été retrouvé pendu ce samedi à 2h30 du matin dans le bois de Vincennes, situé dans le XIIe arrondissement de Paris.

Son épouse, également fonctionnaire de police, avait donné un peu plus tôt l’alerte, rapporte Le Parisien. Le corps du capitaine de police à Maisons-Alfort (Val-de-Marne) a pu être géolocalisé grâce à son téléphone portable.
Ses proches et collègues lui ont prodigué les premiers soins. Malgré l’intervention des pompiers, l’homme n’a pas pu être réanimé. Il avait déjà tenté de mettre fin à ses jours quelques semaines auparavant avec son arme de service, dans le bois de Vincennes.

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22 v’là le burn-out

par Chris, policier
Publié le 7 novembre 2017

J’ai rencontré Jules voilà quelques semaines. Nous faisons le même métier. Nous discutions, et il puis il s’est mis à me parler d’un sujet bien particulier. Si peu connu. Voir pas du tout. Pas reconnu du tout, voir tourné au ridicule. Vous l’aurez compris, il s’agit du burn-out. Le temps a passé, et ces jours-ci, à l’occasion d’une situation que j’imagine assez proche dans certains aspects, cette conversation m’est revenue à l’esprit. Ce sujet mériterait bien mieux qu’un simple billet de blog, et Jules saura vous en parler, de manière bien plus complète. Mais déjà, si l’on peut poser des mots…

Je vous laisse faire connaissance avec Jules. Un flic, comme moi, parmi tant d’autres.


Enfin ! Je sors de l’école de police

Fier de porter cette tenue de cérémonie devant ma famille, je jette ma casquette en l’air avec enthousiasme. Après une formation théorique de près d’un an, j’ai hâte de passer à la pratique et au terrain. Je ne suis pas encore conscient de ce qui m’attend, mais peu importe. Je suis en train de donner un sens à ma vie.

Quelque temps plus tard…
Quel choc ! Des trains à deux étages (RER), des tours d’immeuble gigantesques, un rythme de vie stressant, des horaires atypiques et décalées (un week-end sur six en congés). Une de mes premières interventions se déroule au pied de tours de plus de vingt étages. Un jeune homme d’une vingtaine d’années vient d’être assassiné en plein jour, pour une affaire de drogue. La population du quartier, qui est sous le choc, est hostile à la police “qui n’était pas là au bon moment”. Entre deux jets de pierres dans notre direction, la radio retentit : “Urgence ! Un individu vient de s’évader du commissariat ! Il a sauté du deuxième étage et a pris la fuite à pied en direction de… ” Je me tourne vers mes collègues et je leur demande naïvement : “C’est comme ça tous les jours ?” Ils me répondent en choeur : “Bienvenue stagiaire (avec humour) de merde.” Je reste sans voix, mais peu importe. Cette nouvelle vie dynamique va me permettre de trouver un sens à ma vie.

Quelque temps plus tard…
« Je me suis vite adapté à mon environnement de travail et je mets beaucoup de coeur dans mes tâches quotidiennes. L’imprévu, l’adrénaline, la peur et l’action sont mon quotidien. J’interviens dans tout type de situations dramatiques : accidents de la route, incendies d’appartement, découverte de cadavres, violences conjugales, interpellations houleuses, pauvreté, etc. Je commence à comprendre que ce métier est très dur et qu’aider mes concitoyens n’est pas toujours possible, mais peu importe. Pas le temps de digérer, je repars sur un appel 17. J’enferme ces images dans une boîte, je fais du sport pour extérioriser et je continue mon apprentissage avec passion. »

Quelque temps plus tard…
« Après des années sur la voie publique à assister, protéger et servir, je change de fonction et m’oriente vers l’enquête judiciaire. Véritable révélation de ce début de carrière, ce goût pour l’investigation et la procédure pénale m’anime et me pousse à devenir officier de police judiciaire : plus de deux cents dossiers en portefeuille (plus de deux cents êtres humains qui attendent), des conditions de travail rudimentaires, archaïques et indignes d’un service public moderne, un véhicule pour une quarantaine d’effectifs et la frustration d’être dans l’incapacité de satisfaire l’attente des victimes face à leurs souffrances. Il faut sortir les dossiers très urgents au détriment des dossiers urgents, qui passent avant les dossiers moins urgents. Mais peu importe. Je multiplie les heures supplémentaires pour pouvoir avoir le temps de tirer le fil d’une “belle affaire”. »

Quelque temps plus tard…
Suite à la “belle affaire”, me voilà propulsé au service des “stups”. Il n’y a plus de victimes dans l’attente du suivi de leur plainte mais une forte demande d’action contre les trafics. Le quotidien, c’est l’enchaînement des gardes à vue à gérer, des auditions de personnes interpellées avec un joint ou une barrette de shit, dans une ambiance exigeante et odorante. Quelques belles affaires pour se rappeler que, de temps en temps, je suis là pour interpeller des trafiquants, mais très vite le quotidien et les saisies ridicules me rattrapent. “Ah ! La balance n’est pas assez précise pour obtenir un poids, pendant ce temps-là les tontons me parlent de kilos et je suis contraint de mettre sous scellé moins d’un gramme, pas aussi lourd que le tas de papiers qui va avec ! Ne critique pas l’administration ! Devoir de réserve ! Chut !” Les troubles du sommeil commencent et se font de plus en plus réguliers. Je me réveille en pleine nuit : “J’ai oublié d’annexer le certificat médical du gardé à vue !” Mais peu importe. Charlie Hebdo, Montrouge, l’Hyper Casher, je n’ai pas le droit de me plaindre. »

Quelque temps plus tard…
« “Chef, quand est-ce que l’on va être renforcés ? Je peux avoir un stage à la PJ ? L’informateur me parle de vingt kilos, on va faire quoi ? On a beaucoup (trop) de gardes à vue en ce moment, ça devient difficile.” Pas de réponse. Le silence. C’est le plus pesant. Cette absence de perspective, je ne la supporte plus. Ces victimes que l’on prend en compte pour les statistiques, je ne supporte plus de leur mentir. Je viens le matin avec une sorte de boule au ventre, cette aigreur qui vous prend aux tripes et vous consume de l’intérieur. Je ne supporte plus l’absurdité des tâches quotidiennes et cette politique du chiffre qui me mine tant. Je ne supporte plus cette hiérarchie qui persiste dans sa spirale de résultats et de performances : sortir les dossiers à tout prix. Dans quel but ? Qu’ils aboutissent devant la justice ou pour illustrer un tableau mensuel ? Je deviens irritable avec mes proches, voire cynique. C’est à ce moment-là que j’ai pris conscience que j’avais un problème : le “burn-out”. »


C’est quoi, le « burn-out » dans la police ?

Selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), il se caractérise par « un sentiment de fatigue intense, de perte de contrôle et d’incapacité à aboutir à des résultats concrets au travail ».
Le syndrome d’épuisement professionnel (humain, pas celui des voitures de police) provoque une fatigue profonde, un désinvestissement professionnel et un sentiment d’échec et d’incompétence dans le travail. Il est considéré comme une résultante d’un stress professionnel répétitif.
Les policiers méconnaissent le burn-out et ses mécanismes, s’imaginent que ça ne peut pas leur arriver, car on se doit d’être solide dans la police. Ils entendent vaguement parler de risques psycho-sociaux, sans savoir ce que cela signifie, alors que les policiers sont soumis à des conditions de travail propices au développement des dits risques. Ces hommes et ces femmes qui masquent leur souffrance sous l’uniforme (ou la tenue bourgeoise) donnent tant au travail qu’un jour, ils craquent : troubles du sommeil, ruminations professionnelles la nuit, baisse du plaisir à travailler (même si, auparavant, on était très motivé), irritabilité, repli sur soi, agacement, désinvestissement social et familial, fatigue, stress, cynisme envers les citoyens ou les collègues, violences ou idées noires sont autant de signes à détecter et à reconnaître. À force de remplir la boîte à « traumas », elle déborde.
Le déni est comme les entraves administratives. L’article 803 de ce menottage intellectuel nous prive de la liberté de révéler les empreintes de la souffrance au travail.
Mais ces femmes et ces hommes se doivent d’être forts, courageux, et ne peuvent imaginer se mettre à pleurer sur une scène d’accident mortel. Quel regard porteraient leurs collègues s’ils dévoilaient qu’ils se sentent débordés ? Lorsqu’un policier « avoue » vivre une période difficile, la première réaction, c’est de lui enlever son arme (sur avis médical ?). Compréhensible, mais qui est protégé ? Mais on lui enlève ainsi le droit de travailler dans la rue et, s’il n’est pas en congé maladie, on l’assignera à faire des photocopies ou à remplir les tableaux statistiques. Tout le monde saura alors qu’il y a quelque chose qui ne va pas. Tout le monde se dira, à tort : « Il n’y a pas de fumée sans feu. »
Le #BURNOUT policier actuel, cette perte de sens, a pourtant fait l’objet de commentaires publics qui tendent à stigmatiser ses victimes en frondeurs déloyaux, ces fainéants qu’il faut traquer pour dissuader les autres. Les faire culpabiliser pour les faire rentrer dans le droit chemin permet d’éviter de reconnaître l’ampleur du problème et des conséquences sur la santé, physique et mentale. On sait pourtant que la meilleure thérapie est le retour au travail, avec du sens.
L’espoir de reconnaissance, quant à présent, est mince.
Mais ce « coming burn-out » est ô combien salvateur. Chaque policière, chaque policier, chaque échelon hiérarchique doit se sentir libre d’évoquer le sujet, d’être formé et, si besoin, d’appeler à l’aide ou d’aider, avant de se/le laisser « brûler par l’extérieur ». Ceux qui l’ont pris en charge et affronté en ressortent grandis.

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