Le succès d’un programme de prévention du suicide et d’aide aux policiers et policières

 le succès d’un programme de prévention du suicide et d’aide aux policiers et policières
Si on s’inspirait de Montréal : le succès d’un programme de prévention du suicide et d’aide aux policiers et policières qui connaît un rayonnement international
10 octobre 2019
Louis-Francis Fortin veille à la santé mentale des agents de police de la ville de Montréal depuis 2006. En 2017, ce psychologue clinicien a pris la relève comme chef de section au Programme d’aide aux policiers et policières (PAPP), une équipe de cinq personnes au service des 4 800 membres de la police de la ville de Montréal. Leur mission : soutenir le personnel policier et prévenir les suicides. Mis en place depuis près de 30 ans, ce dispositif est considéré comme un modèle du genre. Il a permis de changer les mentalités au sein de la police montréalaise en démystifiant le recours à l’aide psychologique.

Pouvez-vous nous raconter la genèse du programme d’aide aux policiers et policières (PAPP) ?

Entre la fin des années 80 et le début des années 90, le service de la police de la ville de Montréal (SPVM) a fait face à un nombre élevé de suicides dans ses rangs. En 1998, est donc lancé, en concertation avec les syndicats, un programme dédié aux policiers, une population jugée à risque pour sa proximité avec la mort, la violence et sa difficulté à demander un accompagnement.
Nommé « Ensemble pour la vie », le programme comporte 4 grands volets. Il prévoit d’abord une demi-journée de formation en groupe sur le suicide pour tous les policiers. L’accent est mis sur l’identification des risques et des signes, ainsi que sur les moyens d’aider les autres. Une ligne d’assistance téléphonique anonyme et opérée par des officiers bénévoles spécialement formés a aussi été lancée, ainsi qu’une campagne de communication sur les ressources existantes et l’importance de la solidarité.
Nous avons ainsi créé un réseau de sentinelles où tous les employés peuvent faire la différence. Le but ? Lutter contre la stigmatisation et renforcer le soutien des pairs.

Vous organisez aussi des tournées dans les unités ?

Oui, nous les réalisons toujours en duo constitué d’un psychologue et d’un.e policier.e. Nous apportons ainsi de l’expertise et des outils pratiques, mais aussi le témoignage d’un pair ce qui libère la parole et permet aux policiers de s’identifier. C’est un milieu où la vulnérabilité et les fragilités ne sont pas forcément bien perçues : montrer des modèles de résilience est donc essentiel. Depuis 2016, nous avons ainsi rencontré plus de 2000 employés.

Comment a évolué ce programme en 20 ans ?

Notre offre s’est diversifiée au-delà de la prévention des suicides. Nous proposons, par exemple, des formations sur la gestion des interventions à risque (pendant, mais aussi après) ou encore sur l’aide à apporter à un collègue en difficulté. Nous agissons en prévention au sein d’unité dont le travail comporte des risques spécifiques, telles les unités de lutte contre les crimes sexuels. Nous nous appuyons aussi désormais sur des ambassadeurs, comme des sportifs très populaires, qui sont de vrais rôles modèles.

Quels sont les résultats de ce programme ?

Ce dispositif a entraîné une baisse des suicides de 79% au sein de la police de Montréal entre 2000 et 2009. Leur taux demeure sensiblement le même aujourd’hui. Cela montre que la formule fonctionne sur le long terme. À tel point que nous recevons des visites et des appels de polices du monde entier (de Toronto à Genève en passant par la France et l’Australie) qui souhaitent s’inspirer de que nous avons mis en place.

Quelles sont les clés du succès ?

Un premier point fondamental : nos services sont accessibles de manière illimitée.
Quand un policier nous appelle, il n’y a pas de liste d’attente, nous lui proposons un rendez-vous en consultation dès la semaine suivante (en cas d’urgence, c’est encore plus rapide). La ligne téléphonique est ouverte 7 jours sur 7, 24h sur 24. L’accès au service est donc facile et la prise en charge rapide.
Nous sommes aussi très proactifs, nous n’attendons pas d’être contactés pour nous rendre dans les unités et proposer des consultations aux agents, notamment aux plus exposés, comme ceux travaillant dans la section spécialisée dans les agressions sexuelles ou ceux en infiltration.
Il est également essentiel que ce soit une priorité, que du temps et des moyens soient dégagés. Quand le message vient de la direction, c’est un signal fort pour les équipes que leur bonne santé est primordiale. Enfin, je pense que ce dispositif marche, car nous sommes intégrés, nous ne sommes pas considérés comme des intervenants externes. Nous avons une identité forte et vite repérable, mais connaissons aussi très bien le milieu policier et ses spécificités. Le réseau de sentinelles nous permet d’avoir le regard du terrain, nous ne sommes pas enfermés dans nos bureaux !

Avis d’Empreinte Humaine

Le travail du Programme d’aide aux policiers et policières (PAPP) est remarquable dans sa démarche et dans ses résultats. La clef du succès réside à la fois au niveau de la direction, mais aussi dans l’implication active des policiers et par la présence terrain des intervenants spécialisés.
Ce qu’a réussi à créer le PAPP est un espace de parole sécuritaire où on peut exprimer sa détresse et aller au-devant de ceux qui semblent fragiliser. L’implication syndicale et l’implication de sentinelles permettent de développer une légitimité forte et un sentiment d’appartenance qui permet à tous de travailler « Ensemble pour la vie ».

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« Dans quelle France on vit »: la détresse de ces policiers face aux violences dans les manifs


Sur RMC Story, les policiers témoignent d’un sujet brûlant : les violences dont ils sont victimes dans les manifestations depuis le début du mouvement des gilets jaunes fin 2018.
Par Clément Vaillant
29/01/2020
TÉLÉVISION – “On se prend des pierres par nos voisins, par certains membres de notre famille même!” Les membres de la Brigade spécialisée de terrain (BST) de Toulon se sont confié à Anne Nivat dans son nouveau numéro de “Dans quelle France on vit”, diffusé ce mercredi 29 janvier sur RMC Story (20h55).
Après un dernier numéro consacré aux diverses formes d’activisme, la reporter s’est intéressée à la police. Elle a suivi le quotidien d’une brigade qui œuvre dans les quartiers de reconquête républicaine (QRR) pour comprendre et exposer les difficultés auxquelles la police peut faire face.

“On se demande si on va y passer”

Face caméra, certains agents ont accepté de témoigner des violences dont ils sont victimes dans des quartiers sensibles et en manifestations, notamment depuis le début du mouvement des gilets jaunes en novembre 2018. “On se demande si on va y passer,” s’alarme l’un d’entre eux.

“Nous sommes déshumanisés à cause de notre tenue : on représente l’État qui pour certains gilets jaunes est coupable de quelque chose, donc le seul moyen de toucher l’État c’est de toucher un fonctionnaire de police.”

“Je suis rentré dans la police pour arrêter des bandits, des voleurs et certainement pas pour me battre contre monsieur tout le monde dans la rue”, poursuit son collègue. “On a passé un cap : on se prend des mortiers, des pierres par des gens qui ne sont pas des délinquants.”


Anne Nivat s’est également rapprochée d’un établissement accueillant des fonctionnaires plongés dans un profond mal-être du fait de leur métier. De nombreux témoignages et notamment celui de la veuve d’un policier s’étant suicidé avec son arme de service sont également des moments forts de ce reportage d’immersion.
Ces prises de paroles permettent de mieux comprendre ce à quoi sont confrontées les forces de l’ordre poussées à bout nerveusement. Un climat de haute tension qui n’excuse par pour autant les violences policières, elles aussi bien réelles, notamment durant les rassemblements contre la réforme des retraites.
Sur les réseaux sociaux, pas une seule manifestation ne se passe sans qu’elle soit émaillée par des incidents impliquant les forces de l’ordre. Encore ce mardi 28 janvier, un pompier a été blessé porte de Vincennes à Paris. Il a été touché à la tête par un tir tendu de LBD.
Dans ce contexte, Emmanuel Macron a enjoint le 14 janvier Christophe Castaner à faire rapidement des “propositions pour améliorer la déontologie” des forces de l’ordre accusées de violences.

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