Le brown-out : quand le travail perd tout son sens


Le brown-out : quand le travail perd tout son sens
Rozenn Le Saint
05/01/2018
Après le burn-out et le bore-out, le brown-out. Le sentiment d’être inutile professionnellement peut mener à la dépression. Un médecin énumère les symptômes.
Le terme de burn-out est utilisé à tort et à travers. Or qui dit souffrance au travail ne signifie pas forcément syndrome d’épuisement professionnel, ni surmenage.
Une patiente est venue consulter François Baumann en s’auto-diagnostiquant d’emblée un burn-out. En réalité, elle souffrait d’un brown-out, une « baisse de tension », littéralement, correspondant à « la douleur et au malaise ressentis suite à la perte de sens de ses objectifs de travail et à l’incompréhension complète de son rôle dans la structure de l’entreprise », définit-il dans son livre Le brown-out, quand le travail n’a plus aucun sens, à paraître en janvier 2018.
D’ailleurs, plus de la moitié des travailleurs estiment que le sens au travail s’est dégradé, selon une étude Deloitte Viadeo. Et les éléments qui contribuent le plus à la perte de sens au travail seraient le processus d’évaluation (pour 40%) et le manque de reconnaissance (pour 43%). Ils seraient donc facteurs de brown-out. François Baumann en décrit les principaux symptômes :

1 – La déception

« Vous-vous engagez dans un poste pour lequel on vous a promis monts et merveilles. En réalité, les tâches ne sont pas à la hauteur des espérances, ce qui provoque un sentiment d’amertume, de non reconnaissance », indique le spécialiste de la souffrance au travail. « Ceux qui éprouvent un brown-out ne sont pas des paresseux mais des déçus », distingue-t-il. Comme cette patiente diplômée d’une licence en psychologie qui n’a pas trouvé de travail dans son domaine et se retrouve à empaqueter des cartons à la chaîne.

2 – Le sentiment d’être inutile

« L’estime de soi diminue au fur et à mesure à cause du sentiment d’inutilité que l’on éprouve », analyse le médecin. Exercer un « bullshit job », un « métier à la con », qui n’a pas de sens, comme le décrit l’anthropologue David Graeber, déprime.

3 – Une tendance à la procrastination

Les tâches vous ennuient tellement que vous les reportez au lendemain. Elles finissent par s’accumuler. Et vous avez encore moins envie de vous y mettre.

4 – L’absence d’espoir

Votre manager vous promet qu’après quelques temps de travail, certes, peu stimulant, les responsabilités finiront par arriver… Mais rien ne change. « On ne perçoit pas de lumière au bout du tunnel. Cela provoque des crises de colère, signes de ras le bol », décrit François Baumann. Il est grand temps de consulter un médecin du travail.

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Suicide de policiers – « Des traces psychologiques considérables »

Suicide de policiers : « Ne pas avouer sa faiblesse, même passagère »
par Mounir Belhidaoui
5 janvier 2018
Les policiers, eux aussi, ont le blues. En deux ans le suicide de membres de forces de l’ordre a significativement augmenté. Pourquoi ? Quelques éléments de réponse.
Le 31 décembre 2017, dans la petite commune de Champigny-sur-Marne (94), des heurts entre vigiles, policiers et jeunes ont éclaté en marge d’une soirée organisée dans une salle de la ville. Deux policiers, Laurie et Dominique, arrivés en plein milieu d’une scène de quasi-émeute, furent roués de coups par une bande de jeunes. Ils ont pu être tirés d’affaire par Ali, un garçon de 17 ans. Les deux fonctionnaires se sont vus prescrire respectivement 7 et 10 jours d’incapacité totale de travail (ITT). La soirée n’avait été autorisée ni par la Mairie, ni par la Préfecture.

« Des traces psychologiques considérables »

« Le problème, c’est l’anticipation de l’événement », confie Jules*, un membre du collectif Citoyens et Policiers, qui veut installer du liant et de la confiance entre les personnes et les forces de l’ordre. « Une soirée rassemblant 800 personnes un soir de 31 décembre (moment à risque annuel pour les policiers) aurait dû alerter les autorités. Une solution adaptée aurait dû être décidée en amont ». Cette agression de policiers pose la question de leur condition de travail, et notamment leur formation, « insuffisante ». « Aucune formation à la gestion du stress ou encore à la désescalade des situations violentes » selon Jules*, membre du collectif depuis bientôt deux ans.
Nous comprenons que cette question est intimement liée à celle de la pression que vivent les policiers au quotidien, qui les placent dans des situations de plus en plus insoutenables. Sur la seule année 2017, ce sont près de 40 policiers qui ont mis fin à leurs jours, soit trois fois plus que sur toute l’année 2016. « Les raisons sont à mon sens multifactorielles mais jusqu’à présent, elles ont toujours été caricaturées en « C’est un problème familial » », nous confie Jules* qui nous en dit plus sur la « difficulté du métier : insultes, menaces, violences, interventions sur des morts violentes, accidents de la route, vision du sang, des cadavres, etc… Ça laisse des traces psychologiques considérables, il n’y a aucun accompagnement dans ce cadre suite à tous ces événements ».

« La vie privée peut s’en trouver très impactée »

Le membre du collectif déplore aussi que la police « est un milieu machiste où il faut savoir se montrer fort et ne surtout pas avouer sa faiblesse, même passagère… Cela n’aide pas au dialogue, ça pousse même à l’isolement, voire au drame ».

Pour Loïc Fanouillère, secrétaire général du syndicat Alliance, l’un des plus puissants du métier, cette tendance est surtout liée à la « pression » que vivent les policiers, qui a « connu un pic au moment des attentats » : « sur le coup, la tension est très vive. Quand ça se calme un tout petit peu, les conséquences arrivent assez nettement ». Loïc Fanouillère ajoute des « problèmes de management » à « ne pas généraliser » : « La vie privée peut s’en trouver très impactée, l’intensité de l’emploi est vectrice de fragilité chez certains policiers ». La mise en place d’une cellule psychologique peut-elle être efficace en guise de solution ?
Dans une interview pour la radio RTL, Isabelle Venot, psychologue et chef adjointe du SSPO (Service de soutien psychologique opérationnel), répond, comme Jules*, que cela peut aider. Problème : les policiers y sont récalcitrants. « Il y a encore cette représentation d’homme fort qui tient la route » et « la représentation du psychologue de celui chez qui on va quand on est fou », argumente-t-elle. Les intervenants de ce papier explicatif sont tous d’accord pour dire que l’accompagnement est essentiel pour éviter de nouveaux drames, chez les civils comme chez les policiers, et que doit se rétablir un dialogue quelque peu perdu par la tension de l’époque.

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