« Dans quelle France on vit »: la détresse de ces policiers face aux violences dans les manifs


Sur RMC Story, les policiers témoignent d’un sujet brûlant : les violences dont ils sont victimes dans les manifestations depuis le début du mouvement des gilets jaunes fin 2018.
Par Clément Vaillant
29/01/2020
TÉLÉVISION – “On se prend des pierres par nos voisins, par certains membres de notre famille même!” Les membres de la Brigade spécialisée de terrain (BST) de Toulon se sont confié à Anne Nivat dans son nouveau numéro de “Dans quelle France on vit”, diffusé ce mercredi 29 janvier sur RMC Story (20h55).
Après un dernier numéro consacré aux diverses formes d’activisme, la reporter s’est intéressée à la police. Elle a suivi le quotidien d’une brigade qui œuvre dans les quartiers de reconquête républicaine (QRR) pour comprendre et exposer les difficultés auxquelles la police peut faire face.

“On se demande si on va y passer”

Face caméra, certains agents ont accepté de témoigner des violences dont ils sont victimes dans des quartiers sensibles et en manifestations, notamment depuis le début du mouvement des gilets jaunes en novembre 2018. “On se demande si on va y passer,” s’alarme l’un d’entre eux.

“Nous sommes déshumanisés à cause de notre tenue : on représente l’État qui pour certains gilets jaunes est coupable de quelque chose, donc le seul moyen de toucher l’État c’est de toucher un fonctionnaire de police.”

“Je suis rentré dans la police pour arrêter des bandits, des voleurs et certainement pas pour me battre contre monsieur tout le monde dans la rue”, poursuit son collègue. “On a passé un cap : on se prend des mortiers, des pierres par des gens qui ne sont pas des délinquants.”


Anne Nivat s’est également rapprochée d’un établissement accueillant des fonctionnaires plongés dans un profond mal-être du fait de leur métier. De nombreux témoignages et notamment celui de la veuve d’un policier s’étant suicidé avec son arme de service sont également des moments forts de ce reportage d’immersion.
Ces prises de paroles permettent de mieux comprendre ce à quoi sont confrontées les forces de l’ordre poussées à bout nerveusement. Un climat de haute tension qui n’excuse par pour autant les violences policières, elles aussi bien réelles, notamment durant les rassemblements contre la réforme des retraites.
Sur les réseaux sociaux, pas une seule manifestation ne se passe sans qu’elle soit émaillée par des incidents impliquant les forces de l’ordre. Encore ce mardi 28 janvier, un pompier a été blessé porte de Vincennes à Paris. Il a été touché à la tête par un tir tendu de LBD.
Dans ce contexte, Emmanuel Macron a enjoint le 14 janvier Christophe Castaner à faire rapidement des “propositions pour améliorer la déontologie” des forces de l’ordre accusées de violences.

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Face au suicide dans la police, comment l’entraide s’organise

Groupe Facebook
MIGUEL MEDINA via Getty Images
L’attaque de policiers à Viry-Châtillon avec des cocktails Molotov a été l’un des déclencheurs de la mobilisation des fonctionnaires et de leurs proches contre la souffrance au travail.

02/10/2019

Groupes Facebook, mobilisation des compagnes et compagnons, travail associatif en faveur de la santé mentale… Certains œuvrent depuis des mois contre la souffrance au travail.

Par Paul Guyonnet
SOUFFRANCE AU TRAVAIL – Les policiers de France et ceux qui les côtoient sont à bout. Selon un décompte tenu par des associations, le “compteur de la honte” de ceux qui se sont suicidés depuis le 1er janvier a déjà atteint 52 morts. Soit une dizaine de plus que sur toute une année dite “normale”. En réponse, l’intersyndicale a appelé à une “Marche de la Colère”, ce mercredi 2 octobre, dans les rues de Paris.
Mais sur Internet, les “collègues” comme ils aiment à s’appeler, n’ont pas attendu l’appel des organisations syndicales pour se mettre en ordre de marche face au suicide. Via des associations et surtout les réseaux sociaux, les initiatives pullulent pour prendre soin de la santé mentale des policiers. Et à chaque fois ou presque, elles émanent des concernés et de leurs proches.

Une “hotline” Facebook pour des policiers, par des policiers

“Regroupons-nous et tentons ensemble d’enrayer ce fléau qui nous touche tous de près ou de loin.”

Voici les quelques mots que découvre sur Facebook un internaute qui tenterait de rejoindre “SOS Policiers en détresse”, la page aux plus de 4500 membres lancée il y a moins d’un an. L’une des plus actives de la “flicosphère”.
À l’automne dernier, après un énième suicide dans la “boîte”– le surnom de la Police nationale –, plusieurs initiatives ont vu le jour sur Facebook. L’idée était notamment de donner naissance à une ligne verte qui serait tenue par des policiers, pour des policiers. Et au mois de novembre 2018, deux jours avant le suicide de Maggy Biskupski, la fondatrice de la MPC (pour Mobilisation des policiers en colère) qui alertait justement sur la souffrance dans la profession, le groupe “SOS Policiers en détresse” a été créé. Porté par ce hasard malheureux du calendrier, il a très rapidement grandi. Désormais, les membres s’impliquent, contribuent, interagissent.
Après avoir connu la détresse psychologique et même songé à la mort, un membre raconte au HuffPost qu’il a réussi à se reconstruire, plus fort encore. Et qu’il a décidé de mettre son expérience au service des autres. Depuis, il passe beaucoup de temps dans le groupe.

“Vu la solitude et la méfiance dans lesquelles je me suis trouvé à un moment, je me suis dit qu’il fallait que ce soit des flics qui aident des flics. Parce que personne d’autre ne peut le faire, parce que personne ne sait ce que c’est.”

Parmi les membres, tous n’ont pas connu personnellement la dépression, la détresse au travail, le burn out. Un policier contacté par le HuffPost explique par exemple avoir découvert ces maux par la souffrance de son épouse, qui évolue dans un tout autre milieu professionnel et qui a été arrêtée pendant de longs mois. Aujourd’hui, l’objectif est de faire avancer la cause, de peser au sein de la profession, de faire savoir aux collègues qu’ils ont un endroit où se confier et où trouver soutien et réconfort. “Dès le départ, le but était de découler sur une association”, nous explique un membre de la page. “De là à imaginer que j’allais rencontrer des gens qui allaient s’impliquer autant…”
Car aujourd’hui, de simple groupe de discussion, “SOS Policiers en détresse” est devenu un “safe space”, une “hotline” à même de répondre aux cas les plus délicats, un annuaire de spécialistes ainsi qu’une association loi de 1901.

“Pratiquement tous les jours, un collègue poste un truc pour dire que ça ne va pas. Et en deux-trois heures, il y a 60 à 70 commentaires pour dire que ça va aller, qu’il pourrait faire ci, ou ça…”, nous détaille un membre. “On se tend la main, on se prête une oreille attentive, on s’entraide dans différentes démarches. On fait ce qu’on peut pour se rassurer, pour s’assister.”

“J’ai appris qu’elle avait une lame de rasoir dans la main”

Un fonctionnement entre policiers qui produit de grands effets. “Il y a quelque temps, une collègue m’a sollicité pour me parler en pleine nuit, parce qu’elle n’allait pas bien”, nous raconte l’un des membres de “SOS Policiers en détresse”.

“Je discute un peu, et sentant qu’elle reprend le dessus et qu’elle se calme, on se quitte. Le lendemain, elle me recontacte pour me remercier, m’explique que je lui ai sauvé la vie. Lui répondant que je n’avais pas fait grand chose et qu’on avait juste discuté, ou plus précisément que je l’avais surtout écoutée, j’ai appris qu’elle avait une lame de rasoir dans la main et qu’elle voulait ‘juste voir couler son sang’. Depuis, elle va beaucoup mieux, et on est toujours en contact.”

Quelques mots, et une vie sauvée.

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