Date de parution : 01/12/1985
Editeur : Solar Collection : le monde de
ISBN : 2-86676-192-8
EAN : 9782866761929
L’inceste page 91
L’archétype de l’initiation s’active au cours d’un « sacrifice », c’est-à-dire d’un deuil et de ce que les freudiens appellent un complexe de castration. Il donne, paradoxalement, naissance à un processus de transformation. « Le monde, dit Jung, apparaît quand l’homme le découvre. Or il ne le découvre qu’au moment où il a sacrifié son enveloppe dans la mère originelle, autrement dit dans l’état inconscient du commencement. » La mort du Christ symbolise ainsi la nécessité pour le moi de renoncer à s’approprier des dynamismes de l’inconscient.
L’analyse du sacrifice que fait Jung se trouve à l’origine de sa brouille avec Freud. Reprenant, en effet, le problème de l’inceste à sa base, il en souligne l’universalité mais, à l’encontre de Freud, il refuse de se contenter de libérer le désir pour le mettre en présence d’une impossible réalisation. Selon lui – et il y reviendra tout au long de son œuvre –, on ne peut réduire l’inceste à la seule pathologie, car on a affaire ici à un symbole de la plus haute importance.
Dans Métamorphoses et Symbole de la libido, il considère que l’inceste symbolise le retour vers la mère, vers l' »enveloppe originelle », dans Psychologie du transfert qu’il est le principe organisateur du transfert, et dans Mysterium conjonctionis qu’il se trouve à la base de l’union des contraires, c’est-à-dire de l’émergence du soi.
L’attirance sexuelle pour un parent, dit Jung, serait banale si le désir incestueux n’était, qu’on nous passe le terme, qu’un « simple désir de coucher ». Le père ou la sœur, ou tous les autres, ne sont pas seulement convoités en tant qu’objets sexuels mais aussi en tant que porteurs de sens. Désirait-on donc les posséder pour posséder l’inconscient ? En fait, ce que l’on recherche au travers de la personne avec laquelle on voudrait commettre l’inceste, c’est une relation vivante avec l’inconscient. Comme cette relation passe toujours par un « retour à la mère » puisque la mère symbolise l’inconscient, l’inceste vise toujours la mère au travers de l’être désiré.
Mais l’inceste est une impossibilité non seulement sociale mais existentielle également. Par lui, se révèle la contradiction qui, dès notre enfance, institue l’humaine condition. Un passage à l’acte se traduirait, en effet, par un échec, car le désir qui, dans l’inceste, serait comblé porte un tout autre sens que celui qu’il désigne. (Coucher avec sa mère, ce n’est pas établir une relation privilégiée avec l’inconscient.) L’intégration de cette contradiction constitutive se réalise à la fois par le retour à la mère (conjonction) et par la séparation d’avec elle (différenciation). Le symbole maternel est un symbole crucial, il « ne remonte plus en arrière vers les commencements, il va vers l’inconscient en tant que matrice créatrice de l’avenir. »
Du mariage incestueux mais sacré des pharaons aux analyses qu’il exerce sur les affabulations de Miss Miller (Métamorphoses…) en passant par les alchimistes, Jung recense une documentation très fournie qui étaye sa thèse. Il montre qu’en opposition aux tabous de l’inceste, que presque toutes les civilisations ont connu, il existe des mythes, des contes et rituels qui lui confèrent une valeur positive, et en font un symbole important.
Une réflexion au sujet de « Jung – L’inceste du côté de l’agresseur »
Super cet article aussi, qui résume beaucoup de choses !
Maud Lapommeraie