Serge Tisseron : « Les  robots vont modifier la psychologie humaine »

Robots et psychologie humaine

Serge Tisseron : « Les  robots vont modifier la psychologie humaine »
16.07.2018
Propos recueillis par Catherine Vincent
Satisfaction des désirs, solitude, mémoire, relation à l’espace… Pour le psychiatre Serge Tisseron, les machines dotées d’une intelligence artificielle vont bouleverser non seulement notre quotidien mais aussi notre manière d’être au monde.
Serge Tisseron est psychiatre, docteur en psychologie et, depuis 2015, membre de l’Académie des technologies. Il a cofondé, en 2013, l’Institut pour l’étude des relations homme/robots (IERHR), dont il est toujours un membre actif.

Comment l’omniprésence de machines dotées d’une intelligence artificielle (IA) dans notre quotidien va-t-elle modifier le psychisme humain ?

Les robots vont modifier la psychologie ­humaine autant que les progrès de l’alimentation et de la médecine ont modifié nos corps. Notre taille et notre corpulence ont changé, notre résistance aux maladies et à la douleur aussi, mais nous ne nous en rendons pas compte car ces changements nous sont devenus naturels. Il en sera de même avec les ­machines intelligentes, qui vont bouleverser non seulement notre quotidien mais aussi notre manière d’être au monde.

Pepper robots by SoftBank Robotics are seen in an exhibitor’s suite during CES 2018 in Las Vegas on January 11, 2018.
The humanoid robot is designed to be a companion and is capable of recognizing human emotions. / AFP PHOTO / Mandel Ngan

Quatre domaines, au moins, seront profondément modifiés. D’abord, notre capacité à différer la satisfaction de nos désirs. Le téléphone, puis le mail, ont déjà commencé à altérer notre capacité de résistance à l’attente relationnelle : avec la livraison quasi instantanée par drone, nous allons aussi devenir intolérants à l’attente des objets. Le degré suivant sera probablement l’intolérance à nos attentes de reconnaissance, car nos robots de proximité pourront nous gratifier de quantité de félicitations et gentillesses. Dès lors, serons-nous capables de supporter que la société humaine qui nous entoure soit moins aimable avec nous ? Aurons-nous seulement envie de continuer à la fréquenter ?

Le deuxième changement concerne le rapport à la solitude et au discours intérieur. Avec nos « chatbots »[« agents conversationnels »], nous allons développer une tendance à nous raconter en permanence. Contrairement à la plupart des humains, ces machines nous ­feront constamment rebondir par des questions, des plaisanteries et des gentillesses. Pour une raison simple : la capture de nos données personnelles…

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