Afrique/Europe : défis démographiques, enjeux politiques – Emission en partenariat avec La Croix

Stephen Smith
Professeur d’études africaines, journaliste spécialisé sur l’Afrique. publie “La ruée vers l’Europe : la jeune Afrique en route vers le vieux continent”

La ruée vers l’Europe : la jeune Afrique en route pour le Vieux Continent Stephen Smith
Grasset, 2018
.La natalité africaine pourrait être le défi géopolitique du prochain siècle. En 2050 l’Afrique pourrait avoisiner les 2.5 milliards d’habitants. Cette explosion démographique pourrait annuler les effets du développement économique observé en Afrique, et déclencher de nouvelles vagues de migration.
La natalité africaine pourrait bien être le défi géopolitique majeur du prochain siècle. Au moment des indépendances, l’Afrique était peuplée de moins de 260 millions d’habitants. En 2017, elle en compte 1.25 milliards. À l’horizon 2050, elle devrait avoisiner les 2.5 milliards. Si les tendances restent les mêmes et si les calculs de l’INED sont corrects, ce chiffre doublera encore d’ici à 2100 pour dépasser les 4.4 milliards d’habitants.
À moins d’un soudain développement à la chinoise, cette explosion démographique pourrait annuler tous les effets du développement économique observé et attendu en Afrique, et déclencher de nouvelles vagues de migrations auxquelles, à en juger par ses difficultés à gérer la crise migratoire de 2015, l’Europe n’est pas prête.
Pourtant, cette même Europe vieillit, fait peu d’enfants, et aura donc un besoin rapide de nouveaux bras pour occuper ses emplois. S’il veut conserver l’équilibre de son modèle social, notre vieux continent devra donc bientôt prendre le risque de réveiller des tensions identitaires que de nombreux mouvements populistes sont déjà prêts à exploiter.
Pour en discuter aujourd’hui dans Les Matins de France Culture, Guillaume Erner reçoit Stephen Smith, Professeur d’études africaines, journaliste spécialisé sur l’Afrique. publie “La ruée vers l’Europe : la jeune Afrique en route vers le vieux continent” (Grasset), rejoint en seconde partie d’émission par Pierre Verluise, docteur en géopolitique de l’Université de Paris IV – Sorbonne, fondateur du premier site géopolitique francophone, Diploweb.com, chercheur associé à la Fondation pour la recherche stratégique (FRS).


Stephen Smith.
• Une population se renouvelle en Afrique tous les 15 ans.
La transmission des valeurs ne peut plus se faire.
Une culture de jeunesse.
Une certaine américanisation de la culture.
40% de moins de 20 ans
• Caractéristiques démographique religieuse
Révolution du Pentecôtisme
Le mio protestantisme
Eglises investies par les jeunes et les femmes.

Parmi les pays africains, 31 ont une majorité chrétienne, 21 sont à majorité musulmane, et 6 voient encore dominer les religions ancestrales. En 1900, les chrétiens en Afrique étaient 10 millions. En 2012, ils sont 500 millions. En 1900, les Africains représentaient 2% des chrétiens dans le monde contre 20% aujourd’hui. Et dans dix ans, l’Afrique surpassera à la fois l’Europe et les Amériques.

Pierre Verluise : Depuis 2015 la totalité de notre accroissement démographique en Europe vient de l’apport migratoire.

La France s’inscrit dans l’Europe qui s’inscrit depuis des décennies par un vieillissement.
Un continent africain qui a une population jeune.
500 millions d’Européens
1,25 milliard d’africains 40% de moins de 15 ans

La pression démographique est importante, mais comment intègre t’on ?

Ce sont les personnes plus nanties qui partent. 2 ou 3 milles euros
La robotisation fait maigrir le marché du travail donc l’histoire de remplacer une population vieillissante ne tient pas debout.
Une économie de l’ombre s’est mise en place.
Le trafic humain a remplacé le tourisme.
Voir d’où vient la pression migratoire selon les pays d’où elle vient.
Le Japon est vieillissant et il a perdu sa puissance économique.
On a privatisé la retraite en France.
La révolution des transports et de l’Internet est nouveau.
Une articulation, un jeu de circulation en Afrique.

Les données politiques

Les flux migratoires et plus précisément les réfugiés de l’année 2015-2016 ont eu des effets politique malgré eux non négligeable en Europe :
Le Royaume uni, le Bréxit
L’Allemagne, l’AFD
La France, deuxième tour le FN
L’Autriche
Donc les flux migratoires produisent des effets politiques si on ne les gèrent pas.
Nous sommes tous des migrants car même si on ne bouge pas, autour de nous tout change.

La donnée religieuse

Stephen Smith
Le pentecôtisme
Le néo protestantisme est une communauté religieuse.
C’est une religion de l’argent, le succès étant le signe extérieur du salut qui vous est conféré par le seigneur. La religion de l’argent et de la réussite.
L’idée que finalement une certaine prédestination s’extériorise dans votre mode de vie.
Les renoncements à la réciprocité dans les rapports sociaux sont entrés dans les cités.
On y a fait beaucoup moins attention que l’islamisation sur laquelle on s’est focalisée.
Régis Debray l’assimile à l’américanisation, mais c’est malheureusement une mondialisation plus qu’une américanisation.
Ce n’est pas parce que les gens sont des perdants de la mondialisation que la mondialisation est mauvaise.
Aujourd’hui, on est en compétition avec le monde entier.

Le vibrant plaidoyer de Le Clézio pour les migrants


Jeudi 5 octobre 2017
ÉDITO – Jean-Marie Gustave Le Clézio a lu à l’antenne un texte inédit dans lequel l’écrivain prend position pour les migrants. Un texte extraordinaire à découvrir ici.
Jean-Marie Gustave Le Clézio était aujourd’hui un invité spécial dans la matinale d’Inter : successivement invité de Nicolas Demorand à 8h20 et d’Augustin Trapenard dans son magazine culturel, Boomerang, à 9h10.

La vérité, c’est que chaque drame de la migration en provenance des pays pauvres pose la question qui s’est posée jadis aux habitants de Roquebillière, lorsqu’ils ont offert l’asile à ma mère et à ses enfants : la question de la responsabilité.

Dans le monde contemporain, l’histoire ne répartit plus les populations entre factions guerrières. Elle met d’un côté ceux qui, par le hasard de leur situation géographique, par leur puissance économique acquise au long des siècles, par leur expériences, connaissent les bienfaits de la paix et de la prospérité. Et de l’autre, les peuples qui sont en manque de tout, mais surtout de démocratie.

La responsabilité, ce n’est pas une vague notion philosophique, c’est une réalité.

Car les situations que fuient ces déshérités, ce sont les nations riches qui les ont créées. Par la conquête violente des colonies, puis après l’indépendance, en soutenant les tyrannies, et enfin aux temps contemporains, en fomentant des guerres à outrances dans lesquelles la vie des uns ne vaut rien, quand la vie des autres est un précieux trésor.

Bombardements, frappes ciblées depuis le ciel, blocus économiques, tous les moyens ont été mis en oeuvre par les nations puissantes pour vaincre les ennemis qu’elles ont identifiées. Et qu’importe s’il y a des victimes collatérales, des erreurs de tirs, qu’importe si les frontières ont été tracées à coups de sabre par la colonisation sans tenir compte des réalités humaines.

La migration n’est pas, pour ceux qui l’entreprennent, une croisière en quête d’exotisme, ni même le leurre d’une vie de luxe dans nos banlieues de Paris ou de Californie. C’est une fuite de gens apeurés, harassés, en danger de mort dans leur propre pays.

Pouvons-nous les ignorer, détourner notre regard ?

Accepter qu’ils soient refoulés comme indésirables, comme si le malheur était un crime et la pauvreté une maladie ?

On entend souvent dire que ces situations sont inextricables, inévitables. que nous, les nantis, ne pouvons pas accueillir toute la misère du monde. Qu’il faut bien des frontières pour nous protéger, que nous sommes sous la menace d’une invasion, comme s’il s’agissait de hordes barbares montant à l’assaut de nos quartiers, de nos coffre-forts, de nos vierges.

Quand bien même nous ne garderions que l’argument sécuritaire, n’est-il pas évident que nos murs, nos barbelés, nos miradors sont des protections illusoires ?

Si nous ne pouvons accueillir celles et ceux qui en ont besoin, si nous ne pouvons accéder à leur demande par charité ou par humanisme, ne pouvons-nous au moins le faire par raison, comme le dit la grande Aïcha Ech Chenna qui vient en aide aux enfants abandonnés du Maroc : « Donnez, car si vous ne le faites pas, un jour ces enfants viendront vous demander des comptes ».

L’histoire récente du monde nous met devant deux principes contradictoires mais non pas irréconciliables.

D’une part, l’espoir que nous avons de créer un jour un lieu commun à toute l’humanité. Un lieu où régnerait une constitution universelle et souvenons-nous que la première constitution affirmant l’égalité de tous les humains, fut écrite non pas en Grèce, ni dans la France des Lumières, mais en Afrique dans le Royaume du Mali d’avant la conquête.

Et d’autre part, la consolidation des barrières préventives contre guerres, épidémies et révolutions.

Entre ces deux extrêmes, la condition de migrants nous rappelle à une modestie plus réaliste. Elle nous remet en mémoire l’histoire déjà ancienne des conflits inégaux entre pays riche et pays sous équipé c’est le maréchal Mobutu qui, s’adressant aux Etats-Unis proposa une vraie échelle de valeur établie non pas sur le critère de la puissance économique ou militaire d’un pays mais sur sa capacité au partage des richesses et des services afin que soit banni le mot de « sous-développement » et qu’il soit remplacé par celui de « sous-équipement ».

Nous nous sommes habitués progressivement, depuis les guerres d’indépendances, à ce que des centaines de milliers d’être humains, en Afrique, au Proche Orient, en Amérique latine, naissent, vivent et meurent dans des villes de toiles et de tôles, en marge des pays prospères. Aujourd’hui avec l’aggravation de ces conflits, et la sous-alimentation dans les pays déshérités, on découvre que ces gens ne peuvent plus être confinés. Qu’il traversent forêts, déserts et mers pour tenter d’échapper à leur fatalité.

Ils frappent à notre porte, ils demandent à être reçus.

Comment pouvons-nous les renvoyer à la mort ?

Dans son beau livre, le docteur Pietro Bartolo cite cette phrase de Martin Luther King, qui n’a jamais sonné aussi vraie : « Nous avons appris à voler comme des oiseaux et à nager comme des poissons, mais nous n’avons pas appris l’art tout simple de vivre ensemble comme des frères »

Augustin Trapenard lui a donné carte blanche quelques minutes pour lire un texte… L’écrivain a lu à l’antenne un texte inédit.

Pour lire l’article, cliquez sur la photo