Les dessins de personnes abattues sont récurrents chez les enfants syriens. Plutôt que d’interpréter de prime abord l’image, l’art-thérapeute incite à la production de ce dessin.
« MON PÈRE A ÉTÉ ENTERRÉ VIVANT, JE L’ATTENDS »
L’art-thérapie, ou la découverte de soi, volontaire ou provoquée
13/05/2013
Par Sandra NOUJEIM
PSYCHOLOGIE Entre les traumatismes des enfants syriens et les violences, tout aussi sournoises, vécues par des enfants libanais, des arts-thérapeutes servent la cause de Himaya et de l’Unicef.
Épuisés par la misère, les enfants de réfugiés syriens au Liban sont rongés par le traumatisme de la guerre. Le massacre de leur famille sous leurs yeux, la fuite effrénée de Syrie, la frayeur d’être capturés, écartelés ou égorgés, comme l’ont été plusieurs de leurs frères, sœurs ou parents, même violés parfois sous leurs yeux – témoignages à l’appui.
Ce traumatisme, apaisé au Liban par un semblant de paix, a cédé la place aux soucis du quotidien. Mais il persiste chez les enfants syriens comme le feu sous la cendre. Il s’exprime ponctuellement par séquences de larmes, de crises, de violence verbale et physique, mais aussi de pensées excentriques qui s’échappent de la bouche de l’enfant, comme les cris d’une bête agitée, apeurée, réfugiée dans la candeur d’une âme saccagée (voir par ailleurs).
Si la destruction est irréversible, la thérapie sert à neutraliser les effets du traumatisme. L’art-thérapie est intéressante en ce sens qu’elle incite à l’expression, ou du moins à exprimer des bribes du vécu traumatisant.
« Donner un sens à la souffrance »
Mise en œuvre depuis 2012 au Liban par des ateliers simultanés et synchronisés d’écriture, de danse, d’arts graphiques et d’arts de la scène, par les spécialistes de médiation artistique et thérapeutique Wissam Koteit, Mira Saad, Aya Mhanna, Soraya Baghdadi, en partenariat avec l’actrice Zeina Daccache, l’art-thérapie a récemment été conduite auprès de groupes d’enfants syriens âgés de 6 à 12 ans, dans le cadre d’un programme de l’association Himaya pour la protection de l’enfance, initié par Wissam Koteit, grâce au financement de l’Unicef.
« Il s’agit de les aider à représenter, à donner un sens et une consistance à ce vécu »,
précise Wissam Koteit, psychologue clinicien et art-thérapeute. Le travail de groupe permet de partager les émotions qui endurcissent l’enfance, mais l’art-thérapie en soi sert d’outil pour toucher individuellement à l’émotion refoulée, difficilement cernable. Dans le geste, le dessin, le mot, la souffrance recouvre un visage. Identifiée, ressentie, conscientisée, elle devient propice au processus de guérison.
Mais il existe une différence entre le jeune étudiant ou professionnel libanais, participant à l’un des ateliers organisés à Beyrouth, qui défoule ses émotions en déformant par des taches de peinture vives le carton blanc qu’on lui a donné, avant de le piétiner, pour lui donner du sens et exprimer ce qui le traverse, et l’enfant syrien heurté trop tôt à la laideur des violences, qui prend conscience petit à petit de la possibilité d’une telle souffrance.
« Déjà, dans le premier cas de figure, le participant prend part à l’atelier de plein gré, mû par une volonté de découverte de soi, tandis que les enfants syriens, sélectionnés par Himaya ou l’Unicef, se trouvent dans une espèce d’échanges qui visent à provoquer en eux une réaction de communication avec soi. »
Ce qui est intéressant à relever en outre au niveau des résultats obtenus est moins l’intensité des émotions, pouvant être la même chez un enfant de guerre que chez une personne en deuil, que « le retour actuel, chez les Syriens, vers une même problématique (la perte, la maison, l’espoir…) », ajoute-t-elle.
Si, par ailleurs, « l’art n’est pas l’art-thérapie, quand bien même il peut être thérapeutique », comme l’explique Mira Saad, art-thérapeute de formation, l’art-thérapie vise par définition à guérir. Le processus implique un suivi de la personne concernée, une écoute de ce qu’elle exprime avec facilité, indépendamment de son intensité et de ce qui la bloque. C’est pourquoi la méthode de travail, entre l’accompagnement et la liberté donnée à l’expression, ne saurait se résumer à des exercices préconçus. L’enjeu est d’ailleurs d’établir un lien entre l’intérieur et l’extérieur, d’affronter ses émotions propres à travers l’autre.
Une réflexion au sujet de « L’art-thérapie, ou la découverte de soi, volontaire ou provoquée »
« Donner un sens à la souffrance »
Oui c’est cela, pourvoir trouver et donner un sens dans l’apparition d’une forme en collage, en modelage ou en dessin etc..
Après suivront les mots car il y aura ce mouvement nouveau qui va naître, le fait d’avoir pu digérer cette souffrance, mais aussi d’avoir pu mettre des mots dans la continuité. J’aurais tendance à dire que ça sera le pansement final pour toutes ces personnes, pour pouvoir prendre vraiment un peu de recul pour moins souffrir de ce passé et pouvoir observer, mais regarder un avenir plus rassurant et dans la sécurité.
Je trouve que cet article fait bien apparaître les qualités requises qu’il faut pour mener à bien ces prises en charge.
BD