Suicide de policiers – « Des traces psychologiques considérables »

Suicide de policiers : « Ne pas avouer sa faiblesse, même passagère »
par Mounir Belhidaoui
5 janvier 2018
Les policiers, eux aussi, ont le blues. En deux ans le suicide de membres de forces de l’ordre a significativement augmenté. Pourquoi ? Quelques éléments de réponse.
Le 31 décembre 2017, dans la petite commune de Champigny-sur-Marne (94), des heurts entre vigiles, policiers et jeunes ont éclaté en marge d’une soirée organisée dans une salle de la ville. Deux policiers, Laurie et Dominique, arrivés en plein milieu d’une scène de quasi-émeute, furent roués de coups par une bande de jeunes. Ils ont pu être tirés d’affaire par Ali, un garçon de 17 ans. Les deux fonctionnaires se sont vus prescrire respectivement 7 et 10 jours d’incapacité totale de travail (ITT). La soirée n’avait été autorisée ni par la Mairie, ni par la Préfecture.

« Des traces psychologiques considérables »

« Le problème, c’est l’anticipation de l’événement », confie Jules*, un membre du collectif Citoyens et Policiers, qui veut installer du liant et de la confiance entre les personnes et les forces de l’ordre. « Une soirée rassemblant 800 personnes un soir de 31 décembre (moment à risque annuel pour les policiers) aurait dû alerter les autorités. Une solution adaptée aurait dû être décidée en amont ». Cette agression de policiers pose la question de leur condition de travail, et notamment leur formation, « insuffisante ». « Aucune formation à la gestion du stress ou encore à la désescalade des situations violentes » selon Jules*, membre du collectif depuis bientôt deux ans.
Nous comprenons que cette question est intimement liée à celle de la pression que vivent les policiers au quotidien, qui les placent dans des situations de plus en plus insoutenables. Sur la seule année 2017, ce sont près de 40 policiers qui ont mis fin à leurs jours, soit trois fois plus que sur toute l’année 2016. « Les raisons sont à mon sens multifactorielles mais jusqu’à présent, elles ont toujours été caricaturées en « C’est un problème familial » », nous confie Jules* qui nous en dit plus sur la « difficulté du métier : insultes, menaces, violences, interventions sur des morts violentes, accidents de la route, vision du sang, des cadavres, etc… Ça laisse des traces psychologiques considérables, il n’y a aucun accompagnement dans ce cadre suite à tous ces événements ».

« La vie privée peut s’en trouver très impactée »

Le membre du collectif déplore aussi que la police « est un milieu machiste où il faut savoir se montrer fort et ne surtout pas avouer sa faiblesse, même passagère… Cela n’aide pas au dialogue, ça pousse même à l’isolement, voire au drame ».

Pour Loïc Fanouillère, secrétaire général du syndicat Alliance, l’un des plus puissants du métier, cette tendance est surtout liée à la « pression » que vivent les policiers, qui a « connu un pic au moment des attentats » : « sur le coup, la tension est très vive. Quand ça se calme un tout petit peu, les conséquences arrivent assez nettement ». Loïc Fanouillère ajoute des « problèmes de management » à « ne pas généraliser » : « La vie privée peut s’en trouver très impactée, l’intensité de l’emploi est vectrice de fragilité chez certains policiers ». La mise en place d’une cellule psychologique peut-elle être efficace en guise de solution ?
Dans une interview pour la radio RTL, Isabelle Venot, psychologue et chef adjointe du SSPO (Service de soutien psychologique opérationnel), répond, comme Jules*, que cela peut aider. Problème : les policiers y sont récalcitrants. « Il y a encore cette représentation d’homme fort qui tient la route » et « la représentation du psychologue de celui chez qui on va quand on est fou », argumente-t-elle. Les intervenants de ce papier explicatif sont tous d’accord pour dire que l’accompagnement est essentiel pour éviter de nouveaux drames, chez les civils comme chez les policiers, et que doit se rétablir un dialogue quelque peu perdu par la tension de l’époque.

Pour lire l’article, cliquez sur le logo de respect Mag

Le pédiatre Alain Sirard s’est suicidé


Le pédiatre Alain Sirard s’est suicidé, confirme la coroner
10 novembre 2017

FANNY LÉVESQUE
La Presse

Le pédiatre du CHU Sainte-Justine Alain Sirard s’est suicidé, confirme le Bureau du coroner du Québec dans son rapport d’enquête rendu public vendredi. La coroner Stéphanie Gamache conclut que le médecin spécialiste en maltraitance est décédé « d’un choc hémorragique » découlant de plaies « auto-infligées » avec une arme blanche.
Alain Sirard, 58 ans, a été retrouvé mort le matin du 6 décembre 2016 dans des locaux administratifs du CHU Sainte-Justine, où il pratiquait depuis plusieurs décennies.
Le médecin était sous le coup d’enquêtes du Collège des médecins après la diffusion de reportage à Radio-Canada et à La Presse dans lesquels des parents dénonçaient avoir été soupçonnés à tort d’avoir battu leur enfant.
Dans la foulée de la diffusion des reportages en 2013, le médecin avait été agressé dans un lieu public. Moins d’un mois avant sa mort, le pédiatre avait été informé d’une décision du comité de discipline du CHU Sainte-Justine. Selon la coroner, «il ne fait aucun doute que les épreuves des trois dernières années ont contribué à la décision de M. Sirard de mettre fin à ses jours».
Le jour de sa mort, l’homme a envoyé une lettre à ses proches, en plus d’en laisser une sur les lieux de son décès. La Presse avait obtenu copie de cette dernière.
Leur contenu « témoigne d’une décision longuement planifiée », écrit la coroner.

Le CHU Sainte-Justine réagit

Le CHU Sainte-Justine a réagi à la publication du rapport d’enquête rappelant la perte «d’un grand défenseur des droits des enfants» et d’un homme « fortement engagé dans les soins et l’enseignement aux futurs pédiatres. »
« Le Dr Sirard a consacré la majeure partie de sa carrière à la protection des enfants, et ses collègues poursuivent ce travail difficile, mais essentiel pour le bien-être de nos enfants », peut-on lire dans un communiqué publié vendredi.
Un comité relevant du Conseil des médecins, dentistes et pharmaciens a été créé depuis la mort de M. Sirard pour identifier « les situations particulièrement stressantes » pour les médecins comme les processus disciplinaires.

Pour lire l’article, cliquez sur la photo d’Alain Sirard