Ackermann, Diane, La Nuit des baleines : et autres aventures parmi les chauves-souris, les crocodiles, les manchots et les baleines, trad. A Kalda. Grasset, Paris, 1993./ Schutt, Bill, « The Curious, Bloody Lives of Vampire Bats ». Natural History (novembre 2008).
Des broderies sur un manteau impérial chinois montrent des chauves-souris voletant agilement au-dessus de vagues qui s’élèvent et tournoient dans un même mouvement ascendant de joie. Ce vêtement de femme était porté pour les « grandes occasions » tels que des anniversaires ou des commémorations. Les chauves-souris y représentent la longévité et le bonheur.
Les chauves-souris sont des mammifères uniques à plus d’un titre. Elles ne se contentent pas de planer mais sont capables d’un vol soutenu et puissant. Elles se suspendent la tête en bas par leurs orteils crochus pour dormir, somnoler et même pour donner naissance à leurs petits et les nourrir. Celles qui se dirigent par écholocalisation volent la gueule ouverte et les dents dénudées, émettant des ultrasons concentrés et modifiés par un sonar prenant la forme d’une feuille, de pointes ou d’une lance qu’elles portent bizarrement sur leur museau ou leur bouche. Baptisées chiroptera (« mains ailées »), leurs doigts fins sont allongés pour accueillir la membrane souple et le tissu vivant qui forment l’aile de ces gargouilles en chair et en os. Elles possèdent un « pouce » opposable crochu et des connexions cérébrales comparables à celles des primates mais ont conservé un corps de rongeur. Elles volent comme des oiseaux, en battant leurs ailes, mais n’ont pas les plumes d’un oiseau ni d’un ange.
Les chauves-souris attirent nos projections d’un ordre « inversé » qui entraîne de force notre perspective nocturne, les enfers et les profondeurs caverneuses du psychisme. La sortie de chauves-souris par milliers, voire millions, à la tombée de la nuit pour se nourrir incarne les forces primordiales cachées du monde souterrain s’échappant dans une expansion libératoire. L’imagination a associé la chauve-souris à la nouvelle lune, la pleine lune et le royaume des esprits, et donc à la sorcellerie, à l’enchantement et à la magie noire. Les petites chauves-souris suceuses de sang originaires d’Amérique Centrale et du Sud ont été associées aux mystères de la mort liés aux cycles éternels du renouveau, ainsi qu’aux terreurs de la lycanthropie et du vampirisme. Leurs dents tranchantes comme des rasoirs évoquaient le couteau silex qui immolait la victime sacrificielle. Zotz, le démon chauve-souris aveuglant, était censé avaler la lumière du jour et la « Maison de la chauve-souris » était l’un des couloirs qu’il fallait traverser pour rejoindre le monde des morts (DoS 71). Néanmoins, le vol apparemment erratique des chauve-souris au crépuscule, que nous comparons à des pensées « lunatiques », n’a en réalité rien d’hésitant mais est guidé par un sonar, de même qu’il existe une cohérence instinctuelle dans l’apparente incohérence des frémissements obscurs du psychisme. Dans les forêts tropicales, les roussettes (ou renards volants) sont de prolifiques pollinisateurs de la végétation qui éclôt la nuit, ce qui les lie au nectar sucré, à l’efficacité magique et à la fécondité de la nuit. Un mythe de création décrit la chauve-souris comme le seul être capable de voir à travers les fissures des ténèbres avant que le monde n’existe, quand le ciel et la terre étaient encore soudés comme un rocher.
Dans la réalité, la chauve-souris est un animal doux et timide, qui se nettoie méticuleusement et entretient son habitat (Ackerman). Plus particulièrement en Asie, elle représente l’aspect maternel de la Grande déesse. La fusion entre la mère chauve-souris et son petit est telle qu’ils peuvent instantanément se reconnaître et se retrouver grâce à leurs cris aigus dans une grotte nurserie abritant des millions d’individus. Les vampires sont connus pour régurgiter du sang dans la bouche de congénères affamés et pour adopter des orphelins (Schutt).
L’alchimie compare parfois l’esprit changeant de l’inconscient à des ailes de chauve-souris. C’est une manière de traduire non seulement l’obscurité, le mystère et l’ambivalence du psychisme mais également sa disposition et ses moyens imprévus, la manière dont il peut guider la conscience vers des sphères nécessitant une autre forme d’orientation et où peut résider l’anticonformisme fructueux de la nature.
5 réflexions au sujet de « Livre – Symbole de la Chauve-souris »
Incroyable toutes les références en lien : par rapport au dessin du précipice, au référence aux ténèbres, primates-rongeurs, et l’espèce d’évocation de la sérendipité à la fin sans dire ce mot.
Maud Lapommeraie
Même en plus j’avais parlé d’oiseau ange au début, et là bon ils disent « Elles volent comme des oiseaux, en battant leurs ailes, mais n’ont pas les plumes d’un oiseau ni d’un ange ». Moi j’ai voulu faire tout en un : UN OISEAU-ANGE-CHAUVE-SOURIS-VAMPIRE (car j’y ai vraiment au vampire en mettant du sang)
Maud Lapommeraie
Avez-vous noté que les références en Asie ne sont pas les mêmes qu’en occident ? Donc vous pouvez aussi travailler le multiculturalisme.
Comment on peut faire un lien entre la souris Grr grr de Béatrice et votre chauve-souris ?
Emmanuelle Cesari
Grr grr aime le rouge comme sang. Pour la chauve-souris j’ai lu aussi qu’elle était puissante, comme Grr grrr pour garder le secret.
Je dirais aussi que la chauve-souris est intelligente comme Grr grr et imprévue également.
Je ne suis pas sûr comme lien.
Je serais curieuse de voir un dessin représentant ceci : UN OISEAU-ANGE-CHAUVE-SOURIS-VAMPIRE
De mon coté je vais y réfléchir si Maud est d’accord. Le mélange m’attire.
Béatrice
La souris et la chauve-souris, toutes les deux sont pareilles.
Il y a aussi que j’ai remarqué que cela soit pour la sourie la chauve-souris une histoire
de légende.
Béatrice