Je vous salue, névrosés !

Parce que vous êtes sensibles dans un monde insensible, n’avez aucune certitude dans un monde pétri de certitudes,
Parce que vous ressentez les autres comme s’ils étaient vous-mêmes,
Parce que vous ressentez l’anxiété du monde et son étroitesse sans fond et sa suffisance,
Parce que vous refusez de vous laver les mains de toutes les saletés du monde,
Parce que vous craignez d’être prisonniers des limites du monde,
Pour votre peur de l’absurdité de l’existence,
Pour votre subtilité à ne pas dire aux autres ce que vous voyez en eux.
Pour votre difficulté à gérer les choses pratiques et pour votre pragmatisme à gérer l’inconnu,
Pour votre réalisme transcendantal et votre manque de réalisme au quotidien,
Pour votre sens de l’exclusivité et votre peur de perdre vos amis proches,
Pour votre créativité et votre capacité à vous extasier,
Pour votre inadaptation à « ce qui est » et votre capacité d’adaptation à « ce qui devrait être »,
Pour toutes vos habiletés si grandes et pourtant inutilisées,
Pour la reconnaissance tardive de la vraie valeur de votre grandeur qui ne permettra jamais l’appréciation de la grandeur de ceux qui viendront après vous,
Parce que vous êtes humiliés alors que vous veillez toujours à ne pas humilier les autres,
Parce que votre pouvoir immense est toujours mis à bas par une force brutale ;
Et pour tout ce que vous êtes capables de deviner, tout ce que vous n’exprimez pas, et tout ce qui est infini en vous
Pour la solitude et l’étrangeté de votre cheminement
Soyez salués !

Auteur : K. Dabrowski (1902-1980)

Concept de désintégration positive

Aude Selly : « Mon burn-out a failli me tuer »

20/05/2014
Margaux Rambert
Journaliste
Chef des rubriques Travail, Couple, Culture et Les animaux et nous
@MargauxRambert
A seulement 30 ans, Aude, gestionnaire des ressources humaines dans une grande société, a fait un burn-out sévère suivi d’une tentative de suicide. Comment cette employée passionnée, dévouée et ambitieuse, a-t-elle pu en arriver là ? Récit d’une descente aux enfers et d’une lente reconstruction.
« ‘Je ne veux pas y aller. Je n’y arriverai jamais’. Un jour, dans le train pour me rendre au travail, je me suis sentie très mal. Terriblement angoissée. Je me suis mise à pleurer sans pouvoir m’arrêter. Je ne comprenais pas ce qui m’arrivait. Comme toujours, j’étais stressée à l’idée d’aller au boulot mais là, c’était incontrôlable. Quand je suis descendue du train, j’étais tétanisée. Incapable de mettre un pied devant l’autre.

« Vous faites un début de burn-out », m’a dit mon médecin. Bien que travaillant dans les ressources humaines, je n’avais jamais entendu parler de ce syndrome d’épuisement professionnel. J’étais très fatiguée, voilà tout. « Si vous continuez comme ça, vous allez craquer ». J’ai accepté d’être arrêtée, mais seulement quinze jours, pensant déjà à tous les dossiers qui allaient s’accumuler en mon absence.

Neuf mois après, j’ai fait un vrai burn-out et une tentative de suicide.

« C’était le poste idéal »

Ce poste de gestionnaire des ressources humaines, obtenu trois ans auparavant, était celui dont je rêvais depuis dix ans. Le poste idéal. J’étais très motivée, fière. Ambitieuse, aussi. Je voulais être la meilleure possible. J’adorais mon travail. Pour moi, il consistait à faire en sorte que les gens se sentent bien pour qu’ils soient les plus performants possibles.

Dès le début, j’ai été sous pression. J’ai commencé un 12 novembre, la paye était le 30. Avec, à ma disposition, un outil obsolète. En quinze jours, j’avais déjà fait deux nuits blanches.

Ce poste était très large au niveau des tâches. Il n’y avait d’ailleurs pas de descriptif, donc pas de limites. Chaque fois, on me proposait de nouvelles choses à faire et je disais oui.

Il faut dire que j’étais la quatrième sur le poste. Les trois personnes avant moi n’avaient pas convenu. Je ne devais pas décevoir.

« Je n’avais pas le temps »

J’avais tellement de travail que j’y pensais sans cesse, même pendant la nuit. Souvent, je me réveillais en me disant « je n’ai pas fait ça ! ». Résultat : je dormais mal, j’étais très fatiguée.

Au bout de six mois, j’ai eu ma première névralgie. C’est un trouble musculo-squelettique. Mais je me disais que c’était moi qui dormais mal, qui me tenais mal.

Je faisais très peu de pauses. Comme les salariés avaient des horaires assez rigides, je me rendais disponible pour eux, notamment à l’heure du déjeuner. Et un samedi par mois. La journée, j’étais sans cesse dérangée donc je venais tôt et partais tard, pour travailler au calme.

Je mangeais sur le pouce, souvent devant mon ordinateur – je n’avais pas le temps -. Le distributeur était mon meilleur ami. Au total, j’ai pris dix-huit kilos.

A force de travailler sur ordinateur, j’ai commencé à avoir mal aux yeux, à la tête. J’avais des maux de ventre, aussi (j’ai compris plus tard qu’ils étaient liés au stress). Progressivement, j’ai éprouvé des difficultés à me concentrer, à mémoriser. Je mélangeais les noms des gens.

« La reconnaissance viendra un jour »

Deux ans après mon entrée dans l’entreprise, ma responsable a été licenciée du jour au lendemain. Ca a été un grand choc. La carrière tracée, c’était que je reprenne son poste. Mais c’est un jeune gamin pistonné qui l’a eu. Psychologiquement, ça a été une implosion : toutes mes valeurs, tout ce en quoi je croyais en tant que responsable RH a volé ce jour-là en éclats.

A partir de là, j’ai commencé à me dévaloriser, à me comparer à lui, à me dire que j’étais nulle. Mais je continuais. Je me disais toujours « ça ira mieux, continue, le travail paiera ». Dix mois après, il a été licencié. J’étais de nouveau toute seule, sans responsable.

Un jour, on m’a intégrée à une conférence téléphonique qui rassemblait tous les responsables RH. J’ai pris ça comme un signe : j’étais donc considérée comme l’un d’entre eux. L’un des sujets de discussion était un projet de voyage aux Etats-Unis. Il ne m’est jamais venu à l’idée que je pourrais ne pas en faire partie.

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