Dessin de Phil Umbdenstock
Le meurtre de l’âme ou meurtre psychique et la perversion narcissique
Date: 1 mars 2018
Author: Vergnes Philippe
Selon Bergson : « L’œil ne voit que ce que l’esprit est prêt à comprendre ». Mais « l’esprit ne croit que ce qu’il peut comprendre sans effort » pourrait-on lui rétorquer (voir par exemple : les travaux de Daniel Kahneman et Amos Tversky sur les deux systèmes de la pensée cités dans l’article « Peut-on faire confiance à notre jugement ? La fiabilité des “expertsˮ en cause »). Ce qui pose en toile de fond le problème de notre cécité mentale, ou de notre déni de réalité face à des situations complexes et/ou indicibles qui ne peuvent être appréhendées que par un effort intellectuel soutenu et une approche nécessairement pluridisciplinaire. En l’absence d’une telle astreinte pour nous aider à saisir la complexité de la vie, nous marchons dans la pénombre même en plein jour, car l’« ignorance est mère de tous les maux » comme le disait si bien Rabelais. Elle est aussi « la nuit qui commence l’abime » (Victor Hugo). Or, si l’ignorance est de toutes les époques, sa fabrique est devenue une stratégie commerciale vouant un culte au veau d’or d’une croissance effrénée et d’une hyper-consommation de masse destructrice et irresponsable.
Cette ignorance se traduit par la perte de notre esprit critique, de nos capacités d’analyses et de nos facultés de discernement qui sont la cible privilégiée des manipulations que nous subissons tous de par l’impact des « machines à décerveler ». Le risque auquel nous expose ce lavage de cerveau – ou ce décervelage quotidien –, certains auteurs l’ont nommé meurtre de l’âme ou meurtre psychique. Une notion que nous gagnerons tous à connaître, à explorer et à approfondir. Un travail d’une impérieuse nécessité, tant sur un plan individuel que sociétal, car « les hommes libres dans une société libre doivent apprendre non seulement à reconnaître cette attaque furtive contre l’intégrité mentale et à la combattre, mais ils doivent aussi apprendre ce qu’il y a dans l’esprit de l’homme qui le rend vulnérable à cette attaque ».
Les lecteurs de textes psychanalytiques ont déjà rencontré cette expression que Freud a exposée dans son étude de cas sur la paranoïa d’après le livre Mémoires d’un névropathe de Daniel-Paul Schreber qu’il n’a jamais rencontré. Ainsi, Jeanne Defontaine, qui reprend cette analyse freudienne avec les outils conceptuels développés depuis lors par la troisième topique psychanalytique de P.-C. Racamier, écrit : « Freud reconnaît qu’il y a une omission dans le texte des Mémoires : “On aimerait apprendre davantage sur ce que signifie cet assassinat d’âmeˮ, dit-il, “mais ici, les sources de notre information viennent à tarir.ˮ Et de conclure : “Nous restons dans l’ignorance de ce que Schreber entend par assassinat d’âme.ˮ »
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