Débat entre jeunes et policiers à l’Assemblée nationale

Débat entre jeunes et policiers à l’Assemblée nationale
31 mars 2018
PAR ALEXANDRA SCAPPATICCI
Le collectif Citoyens et policiers organisait, ce samedi, une rencontre entre jeunes de quartiers dits difficiles et des représentants des forces de l’ordre, le tout sous l’œil attentif de trois députés.

« Trouvez-moi dix jeunes et dix policiers, et je vous organise une visite commune de l’Assemblée nationale ! » Ce défi, lancé par le député Pouria Amirshahi lors de la précédente mandature, a été relevé par le collectif Citoyens et policiers ce samedi 31 mars. Ce collectif est né en 2016, pendant les manifestations contre la loi travail et les assemblées Nuit debout. Au fil des mois, il est devenu un espace de rencontres et de dialogue en faveur d’un rapprochement entre police et population. Par ce travail conjoint de deux camps souvent perçus comme irréconciliables, ses membres tentent d’en faire « un espace de réflexion de long terme, où l’on imagine des solutions d’avenir. »

Au-delà de la visite, le point crucial de la matinée était le débat entre les policiers et les jeunes, animé par deux membres du collectif, Sandra Pizzo, citoyenne, et Fabien, policier. Deux associations étaient présentes : Espoir 18 et Génération femmes, ainsi que Mamadou, un jeune victime d’un contrôle au faciès lors d’une sortie scolaire. Trois députés accompagnaient cette assemblée hétéroclite : Frédéric Descrozaille (LREM, Val-de-Marne), Catherine Kamowski (LREM, Isère) et Maud Petit (MoDem, Val-de-Marne), l’une des initiatrices du projet.

Dès 9h15, devant les grilles du palais Bourbon, les premiers arrivés attendent les retardataires. Les groupes ne se mélangent pas. Une fois passés les portiques de sécurité, le guide prend la visite en main : au programme, découverte de l’institution, de son histoire, et de son fonctionnement. Une légère impatience se fait sentir du côté des plus jeunes.

Dépasser les préjugés

Le temps du débat arrive enfin. Une rapide présentation de chacun permet de mettre les participants plus à l’aise. Espoir 18 œuvre dans le XVIIIe arrondissement de Paris, notamment pour développer la citoyenneté et contribuer à la prévention de la délinquance. Depuis cinq ans, l’association a mis en place des rapports police/population permettant de favoriser le dialogue autour de repas communs et d’interventions dans les commissariats. Des jeunes, Charles, Dimitri, Cheikh et Marek, entre 13 et 19 ans, entourent le directeur de la structure, Jérôme Disle. Génération femmes est une association de médiation sociale située à Evry, en Essonne. Ils sont à l’initiative du dispositif « collèges unis », un groupe de dix-huit collégiens réalisant un court métrage sur les relations entre les jeunes et la police. Mourad, l’animateur, est accompagné de Nawell et Maïmouna, ainsi que du réalisateur qui les accompagne dans leur projet. Cinq policiers ont également répondu à l’appel. L’enjeu : permettre à chaque camp de dépasser ses préjugés.

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« On est sorti du rôle de gardien de la paix »

Selon Jérôme Disle, « au-delà de l’animosité ambiante, il y a une méconnaissance du travail de la police, des lois et une méconnaissance des quartiers par les policiers ». L’approbation est générale du côté des forces de l’ordre. « On est sorti du rôle de gardien de la paix, on s’est barricadés derrières nos uniformes, explique Mickaël. Pendant notre formation, tout nous est présenté comme un danger potentiel. Il faut intégrer à la formation la lutte contre les préjugés, arriver à dépasser nos peurs, tout en restant vigilants. » Aucun policier ne nie que certains collègues ont des comportements inacceptables, là encore, un problème dû au recrutement et à la formation des équipes.

D’un côté comme de l’autre, la disparition de la police de proximité, en 2003, sous l’impulsion de Nicolas Sarkozy alors ministre de l’Intérieur, est considérée une erreur, détruisant le peu de liens entre habitants des quartiers et policiers. Malgré la création d’une « police de la sécurité du quotidien », en février dernier, le travail pour regagner la confiance s’annonce long et difficile.

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Comment améliorer les relations entre police et citoyens ?


Comment améliorer les relations entre police et citoyens ?
16.02.2018
par

Une vaste étude comparative sur les relations entre police et population à travers le monde a été publiée récemment. Si les situations sont inégales selon les pays et les régimes, la France fait figure de mauvaise élève au sein de l’Union européenne. Comment restaurer la confiance entre policiers et citoyens ? Éléments de réponse avec le politologue Sebastian Roché, codirecteur de l’étude.
Les relations entre policiers et citoyens peuvent être bonnes ou mauvaises, a fortiori d’un pays à l’autre, comme l’indique l’étude comparative que vous venez de faire paraître avec le sociologue Dietrich Oberwittler … Mais que révèlent-elles dans tous les cas ?


Sebastian Roché : Politologue, directeur de recherche au laboratoire Politiques publiques, action politique, territoires (Unité CNRS/Université Grenobles-Alpes/Sciences Po Grenoble).


Sebastian Roché : La confiance qu’une population accorde aux forces de l’ordre est un facteur de cohésion sociale. Plus les citoyens perçoivent l’action des policiers comme légitime, plus ils adhèrent à leurs institutions. Et réciproquement, vous serez d’autant plus enclin à soutenir votre police si vous soutenez le régime politique. Ces effets peuvent sembler évidents, mais jusqu’à présent, l’essentiel de la littérature scientifique portait sur les États-Unis – les polices municipales américaines, donc –, tandis que nous avons comparé des pays comme la France, l’Allemagne, la Turquie, le Nigeria ou encore le Japon…

Des instruments de mesure de la légitimité, nouveaux et standardisés, ont vu le jour avec le projet Eurojustis (soutenu par l’Agence nationale de la recherche), et ont pu être utilisés dans nombre de nations. Ce travail nous permet de montrer que les relations entre une police et une population varient selon le contexte national (la culture, le fonctionnement des institutions…), et de proposer des pistes pour améliorer la situation, notamment en France et en Europe.
De façon plus fondamentale, nous espérons contribuer à l’analyse de la légitimité politique et de ses ressorts, de ce qui fait qu’une personne adhère à l’ordre politique ou au contraire le rejette, voire le combat.

Quelles sont les grandes tendances à travers le monde, pourquoi fait-on confiance ou non à sa police ?

S. R. : L’égalité de traitement est un pilier majeur de la production de la confiance, qu’il faut entendre en deux sens. Il y a d’abord ce qui a trait à la « justice distributive » de la police : c’est, en particulier, l’égalité devant le fait d’être contrôlé, ou aidé, par la police. De manière générale, ce principe est rarement respecté. Dans les pays où les contrôles sont fréquents, certaines catégories de la population, les minorités, sont davantage ciblées que d’autres. Ça n’est pas toujours volontaire, beaucoup de policiers sont sincères lorsqu’ils disent ne pas faire de discrimination, mais il existe des biais inconscients ou des routines professionnelles… À l’inverse, certains comportements policiers peuvent être volontairement discriminants ou stigmatisants. Ensuite, il y a la question de l’inégalité de traitement durant un face-à-face, la « justice procédurale ». Concrètement, il s’agit de la façon dont se déroule un contrôle, qui joue un rôle majeur pour l’établissement de la confiance : êtes-vous respecté ? Avez-vous la possibilité d’exprimer votre point de vue ? Évidemment, la situation est critique dans les régimes autoritaires : la population, et les minorités persécutées, n’accordent guère de légitimité à la police, tandis que les partisans du régime lui font généralement confiance… Mais ces deux mécanismes – distributif et procédural – sont également à l’œuvre dans les démocraties.

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