Comment améliorer les relations entre police et citoyens ?


Comment améliorer les relations entre police et citoyens ?
16.02.2018
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Une vaste étude comparative sur les relations entre police et population à travers le monde a été publiée récemment. Si les situations sont inégales selon les pays et les régimes, la France fait figure de mauvaise élève au sein de l’Union européenne. Comment restaurer la confiance entre policiers et citoyens ? Éléments de réponse avec le politologue Sebastian Roché, codirecteur de l’étude.
Les relations entre policiers et citoyens peuvent être bonnes ou mauvaises, a fortiori d’un pays à l’autre, comme l’indique l’étude comparative que vous venez de faire paraître avec le sociologue Dietrich Oberwittler … Mais que révèlent-elles dans tous les cas ?


Sebastian Roché : Politologue, directeur de recherche au laboratoire Politiques publiques, action politique, territoires (Unité CNRS/Université Grenobles-Alpes/Sciences Po Grenoble).


Sebastian Roché : La confiance qu’une population accorde aux forces de l’ordre est un facteur de cohésion sociale. Plus les citoyens perçoivent l’action des policiers comme légitime, plus ils adhèrent à leurs institutions. Et réciproquement, vous serez d’autant plus enclin à soutenir votre police si vous soutenez le régime politique. Ces effets peuvent sembler évidents, mais jusqu’à présent, l’essentiel de la littérature scientifique portait sur les États-Unis – les polices municipales américaines, donc –, tandis que nous avons comparé des pays comme la France, l’Allemagne, la Turquie, le Nigeria ou encore le Japon…

Des instruments de mesure de la légitimité, nouveaux et standardisés, ont vu le jour avec le projet Eurojustis (soutenu par l’Agence nationale de la recherche), et ont pu être utilisés dans nombre de nations. Ce travail nous permet de montrer que les relations entre une police et une population varient selon le contexte national (la culture, le fonctionnement des institutions…), et de proposer des pistes pour améliorer la situation, notamment en France et en Europe.
De façon plus fondamentale, nous espérons contribuer à l’analyse de la légitimité politique et de ses ressorts, de ce qui fait qu’une personne adhère à l’ordre politique ou au contraire le rejette, voire le combat.

Quelles sont les grandes tendances à travers le monde, pourquoi fait-on confiance ou non à sa police ?

S. R. : L’égalité de traitement est un pilier majeur de la production de la confiance, qu’il faut entendre en deux sens. Il y a d’abord ce qui a trait à la « justice distributive » de la police : c’est, en particulier, l’égalité devant le fait d’être contrôlé, ou aidé, par la police. De manière générale, ce principe est rarement respecté. Dans les pays où les contrôles sont fréquents, certaines catégories de la population, les minorités, sont davantage ciblées que d’autres. Ça n’est pas toujours volontaire, beaucoup de policiers sont sincères lorsqu’ils disent ne pas faire de discrimination, mais il existe des biais inconscients ou des routines professionnelles… À l’inverse, certains comportements policiers peuvent être volontairement discriminants ou stigmatisants. Ensuite, il y a la question de l’inégalité de traitement durant un face-à-face, la « justice procédurale ». Concrètement, il s’agit de la façon dont se déroule un contrôle, qui joue un rôle majeur pour l’établissement de la confiance : êtes-vous respecté ? Avez-vous la possibilité d’exprimer votre point de vue ? Évidemment, la situation est critique dans les régimes autoritaires : la population, et les minorités persécutées, n’accordent guère de légitimité à la police, tandis que les partisans du régime lui font généralement confiance… Mais ces deux mécanismes – distributif et procédural – sont également à l’œuvre dans les démocraties.

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